FOCUS – Si la session plénière du Conseil départemental de ces 14 et 15 décembre avait à débattre du budget 2018, d’autres délibérations ont provoqué de vives réactions de la part des oppositions écologiste et socialiste. Notamment les rapports de Jean-Pierre Barbier, président du Département, concernant le plan de contrôle du RSA et le Plan loup où les uns dénoncent une « approche populiste » tandis que les autres parlent de dérive « autocratique ».
« Jean-Pierre Barbier est dans la droite ligne de Laurent Wauquiez. Il a récemment salué de manière très claire son élection. Ils marchent main dans la main », n’hésite pas à affirmer Olivier Bertrand, conseiller départemental du groupe Rassemblement des citoyens solidarité et écologie (RCSE).
Le groupe, qui dénonce « un alignement des planètes départementale et régionale des deux présidences », s’inquiète vivement de « l’approche populiste » de l’exécutif départemental. Pour preuves, ses positions estimées « clivantes » sur le Plan loup et sur le plan de contrôle du RSA. Deux thèmes qui ont fait l’objet de délibérations lors de la session budgétaire du Conseil départemental de l’Isère, ces 14 et 15 décembre.
Quasiment même son de cloche pour les élus du groupe Parti socialiste et apparentés, qui estiment, quant à eux, que la majorité départementale « veut tout faire toute seule » et s’enferme dans une dérive qu’ils n’hésitent pas à qualifier « d’autocratique ». Enfourchant le cheval de bataille du social, les élus socialistes blâment par ailleurs la « régression » de la politique menée par le Département en la matière.
La position « obscurantiste » du Département sur la question du loup
« On avance sur la question épidermique du Plan loups 2018 – 2023, où le ministère propose des orientations que nous attendions. Notamment [liées au fait que] que l’espèce est en développement sur le territoire national et que donc il faut adapter les mesures à ce développement », commente Olivier Bertrand.
Une problématique qui, jusqu’alors, concernait avant tout les alpages et qui, aujourd’hui, touche aussi le monde rural, le Piémont voire, peut-être même demain, le péri-urbain. « Plutôt que de tenir compte de ce qui fait la réalité du loup, que fait le Département ? Il se met en soutien inconditionnel des anti-loups sur des positions que nous qualifions d’obscurantistes. »
Des positions obscurantistes ? Oui, assurent les élus, un tantinet remontés, « parce qu’il y a une négation de la science, des études et de la recherche, tout ce qui pourrait servir pour avoir des orientations politiques basées sur quelque chose de fiable ». En cause, une délibération qui accorde 10 000 euros à l’association des Éleveurs et bergers du Vercors, Drôme-Isère. De quoi financer « une étude pour revoir la convention de Berne », interprète* Olivier Bertrand.
Pour ce dernier, le vrai problème de cette délibération c’est que « plutôt que d’essayer de trouver des solutions concrètes – qu’on retrouve en partie dans le Plan loup – pour aider les bergers, on les enferme dans leurs propres certitudes », argumente l’élu. Pour qui l’exécutif départemental caresse ainsi les éleveurs dans le sens du poil.
“Vous avez raison, ce sont des loups hybrides, il faut tout flinguer !”, leur dit-il », s’emporte Olivier Bertrand, dont le groupe n’est pas opposé aux tirs de prélèvement mais qui juge ces assertions « totalement infondées et vont être démontées scientifiquement ».
« Jean-Pierre Barbier, l’homme qui va mettre en œuvre la politique de Laurent Wauquiez »
Une des autres délibérations à l’ordre du jour du Conseil départemental a également pris à rebrousse-poil les élus RCSE. En l’occurrence, le rapport du président sur le plan de contrôle départemental du RSA. « Nous avons là un rapport peu convaincant qui ne démontre rien du tout sur l’efficacité de la cellule de contrôle. Il s’agit d’une opération de communication pour faire passer des messages », critique Nadia Kirat, conseillère départementale.
Lesquels ? « Des messages qui considèrent que l’on s’attache trop à aider des gens qui sont des assistés […] montent les uns contre les autres plutôt que d’apaiser, rassembler les gens […] Effectivement, c’est ce que fait Wauquiez », poursuit Nadia Kirat. Laquelle se souvient des petites phrases du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ce dernier, dénonçant les « dérives de l’assistanat » ne les avait-il pas qualifiées de « cancer de la société française » ? Une preuve de plus, s’il en fallait, pour Olivier Bertrand que Jean-Pierre Barbier jardine sur les plates-bandes de Laurent Wauquiez.
« Au cabinet maintenant, ce sont des petits jeunes des Républicains qui sont là pour la ligne du parti. Puis on attaque dur et c’est le Département qui est en fer de lance pour la reconquête de la France. C’est ça la logique de Jean-Pierre Barbier », ironise Olivier Bertrand. « Il n’est plus le président du département, il est l’homme qui va mettre en œuvre la politique de Laurent Wauquiez », finit-il par asséner.
Le Département « laisse penser que tous les pauvres sont des fraudeurs »
Sur le volet social de la politique départementale, les socialistes rejoignent les élus RCSE. « Nous ne sommes pas opposés à ce que la fraude au RSA soit attaquée mais, là, ça devient grave ! », lance Bernard Michon, président du groupe socialiste. L’élu pointe « une très grave erreur d’interprétation », qui laisse penser que « tous les pauvres sont des fraudeurs, des tricheurs » et s’en inquiète. Il déplore par ailleurs que la majorité veuille « tout faire toute seule ». Une dérive autocratique qui n’est plus acceptable selon le conseiller départemental.
« Aujourd’hui, la question sociale de la pauvreté est tellement grave qu’il faut aller chercher toutes les énergies. Il faut renforcer les partenariats. C’est uniquement en s’appuyant sur cette déclinaison qu’on pourra faire de l’innovation sociale », estime-t-il encore.
Et celui-ci de déplorer le « détricotage » des relations avec les associations. Lesquelles, « si elles n’appliquent pas ce que leur impose le Département, voient leurs financements supprimés ». C’est d’ailleurs ce qui est arrivé au Centre d’information des droits des femmes et des familles de l’Isère, souligne Bernard Michon. « Tout comme cela pourrait toucher les Centres de santé de Grenoble, pour lesquels le Département prévoit une nouvelle baisse de ses subventions pour 2018 », ajoute Amandine Germain, conseillère départementale.
« À gauche, nous avons toujours essayé de travailler dans la construction partagée des politiques publiques », tient à rappeler l’élue. « Là, depuis le début de ce mandat, la politique du Département c’est de dire “nous, nous avons le chéquier, vous vous êtes des prestataires de service et vous devez répondre à notre politique” », poursuit-elle.
« Les politiques sociales sont vues sous l’angle de la charge qu’elles représentent »
Sur la forme, l’opposition socialiste rejette globalement la méthode de l’exécutif départemental consistant, selon elle, à dire « qu’avant il n’y a rien eu pour dire que ce que l’on fait c’est bien ».
Bernard Michon s’indigne. « Il faut arrêter de jouer sur des sujets comme cela en faisant de la politique politicienne, c’est trop grave ! »
Que reprochent sur le fond les socialistes ? « Les politiques sociales sont vues par le Département sous l’angle de la charge qu’elles représentent. Certes, ce sont des postes de dépenses importants mais elles sont aussi le cœur de sa mission », rappelle Amandine Germain.
Joël Kermabon
* L’élu fait ici allusion à un paragraphe de la délibération libellé ainsi : « Afin de faire reculer la menace que fait peser la prolifération du loup ou de ses hybrides sur le pastoralisme isérois, l’association des Éleveurs et bergers du Vercors Drôme-Isère propose d’agir sur le plan juridique pour clarifier la qualification du loup et exclure les hybrides du système de quotas. »