FOCUS – Le Centre du graphisme d’Échirolles, inauguré il y a tout juste un an, continue de tracer sa voie à travers les relations étroites qu’entretient le graphisme avec la société et les arts en général. Sa nouvelle exposition Pop music 1967 – 2017 illustre avec brio la manière dont graphisme et musique se sont mutuellement nourris au fil de ces cinq dernières décennies. Convaincant.
Le prisme de l’album de 1973 The Dark Side of the Moon des Pink Floyd, sans mention d’aucune sorte sur la pochette. Ou la banane de l’album de 1967 des Velvet Underground and Nico, où seul figure le nom d’Andy Warhol, son concepteur.
Voilà deux cas exemplaires illustrant à merveille les relations incroyablement étroites entretenues entre la musique et la représentation graphique, dont la pochette d’album est restée longtemps l’étendard. Ce qu’illustre parfaitement l’exposition Pop music 1967 – 2017, visible jusqu’au 30 mars 2018 au Centre du graphisme d’Échirolles, de même que son catalogue d’exposition, remarquablement fouillé.
Pour sa seconde exposition, le nouveau Centre du graphisme s’attaque à un sujet colossal. Remonter aux racines de la pop, d’abord, donne le vertige tant l’acception du terme est large. Étudier sa relation au graphisme ensuite entraîne sur de multiples voies.
Michel Bouvet, commissaire de l’exposition aux côtés de Blanche Alméras, prévient : « L’exposition décevra forcément les férus de musique qui ne trouveront pas tel ou tel album. C’est une impossible encyclopédie ! » Avec ses 1 300 albums, l’exposition ne fait pourtant pas pâle figure et, surtout, elle réussit à éviter le sentiment de trop plein grâce à une scénographie cohérente.
Graphisme et musique : une histoire en trois temps
Si l’on avait pu regretter le relatif abandon dans lequel était laissé le spectateur de l’exposition précédente dédiée au graphisme japonais, au contraire, on salue ici la présence d’un accompagnement textuel aussi riche que pertinent. Conformément à la mission éducative de l’équipement, des cartels délivrent des biographies sur les artistes et, surtout, explicitent de manière limpide le travail graphique gouvernant la réalisation des pochettes.
Une médiation d’autant plus utile que la plupart des albums exposés ont été réalisés bien avant l’utilisation quasi systématique de logiciels tels que Photoshop. Ce qui permet de mesurer le talent et la créativité dont faisaient preuve les illustrateurs, photographes et graphistes d’alors.
Autre point fort de l’exposition : son cheminement chronologique, cohérent au vu des relations qu’entretiennent musique et graphisme au fil des ans.
La première salle se concentre sur la tranche 1967 – 1980, pendant laquelle règne en maître le vinyle. De 1980 à 2000, le CD supplante progressivement le microsillon au grand dam des illustrateurs. « Un véritable traumatisme pour les graphistes qui y voient une compression créative », confirme Michel Bouvet.
La dernière partie, enfin, correspond à l’ère de la dématérialisation que nous connaissons. D’un point de vue graphique, faute de recul, il est alors moins évident de repérer de véritables courants mêlant intimement et durablement graphisme et musique. Cela était apparu nettement, par exemple, à travers le style psychédélique (voir ci-dessus) dont a clairement accouché la musique du même nom, issue de la côte ouest des États-Unis.
Adèle Duminy
LA FRANCE S’ILLUSTRE DAVANTAGE PAR SON GRAPHISME QUE PAR SA MUSIQUE
Outre son organisation chronologique, l’exposition Pop et graphisme propose un découpage géographique qui fait la part belle aux États-Unis et aux Royaume-Uni, comme de juste.
Au chapitre de la pop et, partant, de ses relations au graphisme, la France brille par la rareté. Totalement absente de la première salle, parcourant la période 1967 – 1980, elle fait quelques percées dans la seconde période à travers des figures telles qu’Étienne Daho. Artiste justement très inspiré par la pop anglo-saxonne. Graphiquement, de même, le chanteur en appelle aux artistes de son temps, comme les photographes Pierre et Gilles, dont l’esthétique kitch a encore séduit, plus récemment, l’artiste Stromae.
Les amoureux de la chanson française auront toutefois de quoi se consoler au Musée dauphinois qui, quant à lui, propose « Pop en France. Portraits d’artistes 1967 – 2017 ». Soit l’exposition de quatorze portraits biographiques et discographiques d’artistes ayant marqué la pop française, de Françoise Hardy à M en passant par Alain Bashung ou les Rita Mitsouko.
Infos pratiques
Centre du graphisme, Échirolles
Pop music 1967 – 2017 – Graphisme et musique
du 24 novembre au 30 mars 2018
Pop en France – Portraits d’artistes 1967 – 2017
du 24 novembre au 30 juin 2018
Centre culturel Montrigaud, Seyssins
Pop graphics
du 8 au 31 mars 2018