DROIT DE SUITE – Après la publication de notre article « Relais lecture, tiers lieu : la Ville de Grenoble fait appel à des collaborateurs occasionnels bénévoles », la municipalité nous a demandé un droit de réponse. Bien que celui-ci soit loin de remplir toutes les règles en vigueur disposées par la loi, nous avons décidé de le publier ici par souci de transparence.
La publication de notre article « Relais lecture, tiers lieux : la Ville de Grenoble fait appel à des collaborateurs occasionnels bénévoles » a provoqué une vive réaction de la Ville de Grenoble qui a demandé la publication d’un droit de réponse.
La forme et le fond de ce dernier, à plusieurs égards contestables, appellent toutefois des précisions de notre part.
SUR LA FORME
Au moment de la publication, la Ville pouvait très bien commenter l’article en ligne. Les commentaires sont en effet ouverts à tous. Qui veut s’exprimer le fait, sans aucune censure, à condition de respecter les règles habituelles de modération.
Tel n’a pas été le choix de la Ville. Une chargée de communication a appelé la rédaction dans la foulée pour lui exposer les griefs. Suite à cet échange, nous avons très rapidement ajouté quelques lignes exposant la position de la municipalité, et mentionné cet ajout dans l’article, comme il se doit. Avant de le reposter sur Facebook le lendemain, le 16 novembre à 7 h 44, afin de lui assurer la même visibilité (cf. ci-dessous).
Pas suffisant visiblement pour la Ville de Grenoble, qui a donc réclamé la publication d’un “droit de réponse”.
Un droit de réponse quelque peu hors des clous
Peut-on parler de “droit de réponse” ? Pas sûr… D’une part, la demande est parvenue à la rédaction au milieu des centaines de mails reçus quotidiennement (où elle s’est noyée), et non par lettre recommandée avec accusé de réception, comme le prévoit la loi.
D’autre part, ce texte n’est étrangement pas signé… comme si personne n’osait en porter la responsabilité. S’agit-il d’un droit de réponse à la demande d’Eric Piolle, le maire de Grenoble ? Ou de l’adjointe aux Cultures, Corinne Bernard ?
La loi prévoit pourtant qu’il soit impérativement signé par la personne physique concernée ou par le représentant légal de la personne morale mise en cause, ou bien encore par l’organe habilité s’agissant des collectivités publiques.
→ Note de la rédaction ajoutée le 20 novembre à 19 h 10 : Si nous n’avons, à ce jour, toujours pas reçu de courrier recommandé, le service communication de la Ville nous a adressé un mail ce lundi 20 novembre à 17 h 23 précisant qu’un courrier avec accusé de réception avait bien été envoyé. Le mail en question comportait également une copie PDF de ce dernier, signé par Corinne Bernard (dont le nom ne figurait pas sur le copier-coller initial du premier mail)
Edit : Le courrier avec accusé de réception est arrivé à la rédaction jeudi 23 novembre.
Un droit de réponse qui tourne au dénigrement
Quant au contenu, il est là encore sujet à caution. Le texte évoque ainsi par le biais de généralités, des « informations tronquées », « des explications extrapolées ajoutées au récit », « une information factuelle connectée artificiellement à des informations erronées, des supputations ou des éléments sans rapport » et « un message approprié immédiatement, en mobilisant messages simples et croyances ».
Bref, il insinue, ni plus ni moins, que Place Gre’net diffuse intentionnellement « des rumeurs » et des « fausses informations »… On est donc bien loin, là encore, de ce qu’exige la loi relative à la rédaction d’un droit de réponse. Entre autres :
• La personne qui entend exercer son droit de réponse ne dispose ainsi pas d’une totale liberté, laquelle est nécessairement bornée par la nature et l’objet du droit de réponse. Comme le souligne le tribunal de Nanterre, le droit de réponse « a pour but de rétablir le caractère contradictoire d’une information et de permettre l’expression d’une personne physique ou morale mise en cause par un journaliste ».
• Le demandeur à l’insertion doit s’en tenir aux explications et protestations que peut susciter la mise en cause.
• Par ailleurs, « La réponse [du droit de réponse, ndlr] ne doit pas être contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur des journalistes. Tel est le cas si la réponse contient, notamment, des insinuations malveillantes concernant des tiers ou des propos mettant en cause la probité ou le professionnalisme d’un journaliste. »
• Enfin, le droit de réponse n’est pas une tribune libre. Les tribunaux estiment en effet que le simple débat d’idées, de même que la polémique politique, ne relèvent pas de ce droit.
SUR LE FOND
Mais revenons sur le fond.
Comme la très grande majorité des contenus publiés sur Place Gre’net, la réalisation de cet article a été déclenchée par une actualité. À savoir, le vote en conseil municipal de la « convention de participation d’un collaborateur occasionnel bénévole » dans le réseau des bibliothèques, lundi 6 novembre.
Étant donné le passif de ce dossier (cf. encadré ci-dessous) et les projets en cours qui continuent d’interroger les uns et les autres, nous avons décidé d’informer les lecteurs de l’existence d’une convention présentant les droits et devoirs de bénévoles du réseau des bibliothèques.
Lors de ce conseil, donc, le vote de cette convention a été rapidement expédié. Le maire de Grenoble n’a fait d’ailleurs qu’en citer l’intitulé. Seul Guy Tuscher, conseiller municipal dans l’opposition, du groupe « Ensemble à gauche », a demandé à intervenir. Et précisément exprimé son étonnement sur ce traitement expéditif d’un sujet d’importance.
Pour l’ex-conseiller municipal de la majorité, cette « convention cadre » concerne en effet les forces vives du réseau des bibliothèques, et a fortiori celles du futur tiers-lieu Alliance. Une structure, remplaçant l’ancienne bibliothèque, qui va tout particulièrement recourir à des bénévoles pour fonctionner.
DES BIBLIOTHÈQUES AUX RELAIS-LECTURE ET TIERS-LIEU
Rapide retour sur l’historique de la mise en place d’un nouveau tiers-lieu Alliance et de deux relais-lecture à Prémol et Hauquelin.
Suite à son plan d’économies visant à réduire son budget de fonctionnement, la Ville de Grenoble a décidé de fermer trois bibliothèques : Alliance, Prémol et Hauquelin. Objectif : restreindre le nombre d’agents dans le réseau.
A suivi, pour demander la réouverture de ces trois établissements, une mobilisation sans précédent à Grenoble, qui dure depuis plus d’un an, animée par un collectif réunissant des habitants, des riverains, des militants d’unions de quartier, des agents de bibliothèques, des syndicalistes de la Ville de Grenoble…
Des agents présents dans les relais-lecture… quelques heures par semaine
Fin 2017, la Ville consent à maintenir le local ouvert de la bibliothèque Alliance, mais en le transformant en tiers-lieu. Soit en une bibliothèque hybride, avec bien moins de présence de personnel communal qu’auparavant et des activités organisées par des habitants et des associations. Bref, des bénévoles.
Ce projet, qui a fait l’objet de nombreuses séances de co-construction sur les usages et activités, etc. avec les futurs habitants bénévoles qui le feront vivre, est en cours de finalisation. Le tiers-lieu ouvrira courant 2018.
Une pétition réunissant 4 400 signatures de Grenoblois contraint la Ville à faire un nouveau pas de côté le 22 mai 2017 en conseil municipal. Les ex-bibliothèques Prémol et Hauquelin, situées dans des quartiers prioritaires, seront transformées en relais-lecture, afin maintenir la lecture publique dans ces quartiers, mais à moindre frais.
Des agents interviendront dans ces deux relais seulement quelques heures dans la semaine. Pour le reste, aux associations et aux bénévoles de s’organiser pour des plages horaires plus vastes, pour animer ces lieux, etc.
De nombreux bénévoles concernés par cette convention
Dans la foulée du conseil municipal, la rédaction s’est procurée la délibération votée au conseil, ainsi que le texte de la convention. La lecture de ces textes n’a fait qu’aiguiser un peu plus notre intérêt, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement – contrairement à ce que soutient la Ville – de réactualiser une convention existante en vigueur depuis la délibération du 18 avril 2016.
Ce dernier portait en effet sur les bénévoles intervenant à l’occasion de manifestations et d’événements culturels, sportifs organisés par la Ville de Grenoble.
Non, il est bien question de soumettre au vote une nouvelle délibération sur les droits et obligations des bénévoles intervenant toute l’année, dans les bibliothèques.
Cette convention, dite de « participation d’un collaborateur occasionnel bénévole », vise – contrairement aux termes utilisés (et conformes aux pratiques des collectivités) – les bénévoles “réguliers” des bibliothèques. Ceux-là même qui assurent l’animation de clubs lectures, d’ateliers de lutte contre l’illettrisme, de soutien scolaire, etc.
Cette convention concerne donc tous les bénévoles exerçant différentes activités dans le réseau des bibliothèques. La délibération (reprenant le texte de la convention) liste ainsi quelques exemples parmi lesquels « les futurs ateliers et animations dans le cadre de la nouvelle bibliothèque Alliance ». Autrement dit, le tiers-lieu du même nom.
La rédaction
Par souci de transparence, nous publions donc ce “droit de réponse” de la Ville. Chacun se fera son avis.
« DROIT DE RÉPONSE » INTÉGRAL DE LA VILLE DE GRENOBLE ADRESSÉ PAR MAIL À PLACE GRE’NET
Madame la directrice de la publication,
Suite à votre article en date du 15 novembre 2017 intitulé « Relais lecture, tiers lieux : la Ville de Grenoble fait appel à des collaborateurs occasionnels bénévoles », nous souhaitons faire valoir notre droit de réponse, au titre de l’article 6 de la loi 2004 – 575 du 21 juin 2004, lequel dispose que « Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service. La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ».
***********
Un certain nombre d’erreurs se sont glissées dans votre article en date du 15 novembre, qui appellent de notre part une réaction.
La bibliothèque municipale recourt à des collaborateurs bénévoles depuis de nombreuses années : c’est un fait. Ils animent des clubs de lecture, accueillent publics et auteurs lors du Printemps du Livre, s’engagent dans de l’aide aux devoirs… Lecteurs, usagers avertis et engagés, ils sont depuis longtemps dans la vie des bibliothèques. Cette délibération n’est pas la première du genre, la précédente avait été votée en avril 2016, concernant les bibliothèques et d’autres services municipaux. Afin de leur permettre d’accéder aux ressources des bibliothèques, la Ville leur offre leur carte de lecteur. C’est l’objet de cette délibération : autoriser le Maire à leur accorder la gratuité d’abonnement.
Dans le développement des rumeurs, on observe trois phénomènes complémentaires.
Le premier est nommé « réduction » : l’information est tronquée, et donc transformée. Ainsi, la délibération indique : « Les collaborateurs occasionnels bénévoles ont la possibilité de participer à l’activité de la Bibliothèque municipale de Grenoble par plusieurs biais : clubs lecture en langue étrangère à la bibliothèque Internationale, club « mangas » à la bibliothèque Teisseire-Malherbe, animations autour de la musique à la bibliothèque Abbaye-les-Bains, ateliers de soutien scolaire à la bibliothèque Kateb Yacine, participation de bénévoles lors de rencontres littéraires dans le cadre notamment du Printemps du livre, ou encore de futurs ateliers et animations dans le cadre de la nouvelle bibliothèque Alliance. »
L’article laisse entendre que la délibération est liée aux relais lecture et à la transformation de la bibliothèque Alliance, c’est faux. La délibération reconduit l’existant, en envisageant à Alliance comme dans les autres bibliothèques que des bénévoles participent à des clubs et des ateliers.
Le second phénomène est appelé « accentuation » : des explications extrapolées sont ajoutées au récit afin d’en renforcer l’impact. A nouveau, une information factuelle est donnée (« la ville a mis en œuvre un plan d’économies », c’est un fait), connectée artificiellement à des informations erronées, des supputations ou des éléments sans rapport. La Ville n’a pas supprimé une dizaine de postes au sein des bibliothèques : six départs ne sont pas reconduits sur les 176 postes permanents que comptait le réseau. Il ne s’agit pas de les compenser : d’une part, les bénévoles n’ont pas vocation à remplacer des professionnels, ils continueront de faire ce qu’ils ont toujours fait ; d’autre part les relais lecture ne sont pas des bibliothèques, ce sont des collections constituées par des professionnels et accueillies par des partenaires. Aucun rapport avec cette délibération.
Le troisième phénomène, c’est l’ « assimilation ». Le message est approprié immédiatement, en mobilisant messages simples et croyances. A cet égard, les titres utilisés dans l’article font des rapprochements inexacts. « Relais lecture, tiers lieux : la Ville de Grenoble fait appel à des collaborateurs occasionnels bénévoles ». Non, la Ville de Grenoble ne fait pas appel à des collaborateurs bénévoles pour les relais lecture ni pour un « tiers lieu », et n’a rien voté en ce sens. Premier intertitre : « Moins d’agents bibliothécaires, plus de bénévoles ». Non, nous ne programmons pas plus de bénévoles, mais délibérons pour qu’ils soient couverts par les assurances. Les activités professionnelles sont confiées à des bibliothécaires professionnels, et uniquement à des bibliothécaires professionnels. Second intertitre : « Un abonnement annuel offert aux collaborateurs occasionnels bénévoles ». Non, ce n’est pas un cadeau ou une compensation, c’est un accès aux ressources des bibliothèques lié à leur participation bénévole.
Nous comprenons que cette délibération suscite des questionnements. Certains de vos homologues nous ont d’ailleurs sollicités afin d’en savoir plus, nous leur avons répondu. Il est fort dommage que vous ne nous ayez pas contactés pour obtenir des éléments de vérification. Que d’énergie dépensée pour, a posteriori, corriger une fausse information qui a très probablement déjà commencé à s’insinuer dans l’esprit de lecteurs qui vous accordent confiance et légitimité.
En encart de l’article, mention est faite d’un article de blog dont les auteurs sont « probablement bibliothécaires de métier ». Gageons que non. S’ils l’étaient, ils sauraient que cette délibération n’a rien d’exceptionnel.