FOCUS – Depuis quelques mois, les associations de protection des animaux signalent une recrudescence des vols de chiens et de chats dans la région grenobloise. Un phénomène corroboré par les multiples avis de recherche diffusés par les particuliers, sur des affiches comme sur les réseaux sociaux. Si toutes ces disparitions ne relèvent pas obligatoirement de vols, leur nombre est jugé suffisamment inquiétant pour accréditer cette thèse. Mais l’identité des voleurs et leurs mobiles demeurent néanmoins très flous.
Partout dans l’agglomération grenobloise, les affiches avec des photos de chats disparus fleurissent dans les rues, sur les poteaux, les devantures des commerces… Et sur la page Facebook Pet Alert Isère 38, on recense parfois une dizaine d’avis de recherche publiés sur une seule journée. Grenoble, Eybens, Domène, Le Fontanil-Cornillon… Les lieux varient, mais les messages, en revanche, sont toujours similaires – « Perdu » chat ou chien – souvent au cours des jours précédents.
Beaucoup de ces particuliers, à l’instar de Guillaume, trentenaire résidant à Saint-Égrève, ne croient pas à une disparition accidentelle. « Mon chat se baladait souvent dans les parages mais il ne s’éloignait jamais trop du jardin. En plus, il n’y a pas de route toute proche où il aurait pu se faire renverser. Le chemin à côté est très peu passant », raconte-t-il
« D’habitude, en rentrant chez moi, il suffisait que j’agite ses croquettes pour qu’il accoure mais ce soir-là, rien… » Toujours sans nouvelles de Gribouille près d’un mois après, Guillaume suspecte de plus en plus « un vol, directement dans [son] jardin ».
« On nous appelle quasiment tous les jours »
Le phénomène n’est pas nouveau : chaque année, près de 75 000 chiens et chats seraient volés dans toute la France, selon une étude récente. Mais devant son ampleur inédite dans l’agglomération grenobloise, ces derniers mois, les associations de protection des animaux tirent la sonnette d’alarme.
Fin mai, la SPA du Dauphiné signalait ainsi une recrudescence des vols de chiens et chats dans la région. Dans un message d’alerte diffusé sur sa page Facebook, l’association conseille depuis de « ne pas laisser [ses] animaux dans les jardins sans surveillance, ni attachés devant les supermarchés ou dans les voitures ».
« Pour les chats, les vols sont plus difficiles à prouver mais à partir d’avril-mai jusqu’à la fin de l’été, il y a eu une grosse période où beaucoup de chiens ont disparu, notamment dans les jardins, et là, les vols étaient vraiment flagrants », indique le Pôle enquête de la SPA du Dauphiné, qui affirme avoir reçu « une bonne trentaine de signalements ».
Marie-Noëlle Chanel, de l’association l’École du chat libre, abonde : « Aujourd’hui, on a encore eu deux appels pour des chats qui ont disparu, à Vaulnavey-le-Haut. On nous appelle quasiment tous les jours, ça fait des mois que des chats disparaissent, y compris des chats pucés et tatoués. On constate aussi un gros boom des vols de chiens : il y a un mois et demi, les voleurs sont rentrés dans une propriété de Saint-Martin-le-Vinoux pour voler deux chiens. »
Très peu de plaintes déposées auprès des autorités
De son côté, Émilie Massard, de l’antenne nationale de la SPA, dit « ne pas disposer de chiffres particuliers pour l’Isère ». Pas surprenant dans la mesure où très peu de plaintes sont déposées auprès des autorités. Plusieurs raisons à cela : les particuliers connaissent la lenteur de la procédure et sont conscients du peu d’efficacité des plaintes, dont beaucoup sont classées sans suites.
« Les gens vont porter plainte dans diverses gendarmeries. Du coup, il n’y a pas d’enquête centralisée », déplore en outre le Pôle enquête de la SPA.
À Grenoble, la police indique par ailleurs qu” « enquêter sur une disparition d’animal de compagnie sans aucun témoin ni aucune piste s’avère très compliqué, pour ne pas dire assez vain ».
Le problème, en effet, c’est qu’on ne connaît ni l’identité des voleurs, ni leur mode opératoire, ni leurs mobiles. Ce qui laisse la place à toutes les spéculations.
Marie-Noëlle Chanel évoque, pêle-mêle, une mystérieuse « voiture immatriculée dans les Bouches-du-Rhône circulant en ville, avec une cage à animaux » ou encore « des SDF et des gens des pays de l’Est qui feraient semblant de caresser les chiens avant de s’enfuir avec eux en courant ». La SPA du Dauphiné a bien « mené une enquête ayant conduit vers certaines personnes mais impossible d’aller plus loin, faute de preuves ».
Bande organisée et trafic de fourrures ?
Concernant les motifs de ces vols et le devenir des animaux dérobés, circulent toutes sortes de théories. Selon certains, les chats seraient tout simplement mangés. « On n’en a pas la preuve mais il existe des gens qui mangent ça comme du lapin », affirme Marie-Noëlle Chanel. Notamment en Suisse, où 3 % de la population en consommerait.
Autre piste envisagée : « le trafic de peaux de chats, avec des fourrures destinées à des tanneries helvètes », même si la loi visant à interdire en Suisse le commerce et l’exportation des peaux de chats, est entrée en vigueur le 1er janvier 2013.
Dans d’autres villes de France, des dizaines de chats ont été retrouvés, souvent en piteux état, sur des camps roms évacués, comme à Lille ou Béziers en 2013. Difficile toutefois de savoir quelle était leur destination.
Concernant les chiens, le Pôle enquête de la SPA du Dauphiné croit aussi à l’hypothèse des fourrures : « Il y a bien sûr quelques cas isolés mais on pense avoir affaire à une bande organisée spécialisée dans la revente de chiens, sans doute pour les fourrures, qui partiraient vers d’autres pays, ou pour des laboratoires. »
Sans preuves, difficile de démêler le vrai du faux parmi toutes ces thèses. Mais une chose est sûre : le sort de ces chiens et chats n’est guère enviable…
Manuel Pavard