EN BREF – La société Gattefossé, spécialisée dans la fourniture de composants pour l’industrie cosmétique, s’est associée pour deux ans à Cytoo, l’entreprise grenobloise de recherche et développement en sciences physique et naturelle, afin d’étudier les effets sur la peau de la lumière visible artificielle émise par les écrans numériques. Les tout premiers résultats de cette recherche collaborative ont été présentés à la conférence de l’International federation of societies of cosmetic chemists (IFSCC) qui s’est tenue à Séoul du 23 au 25 octobre.
La peau de notre visage, de nos bras et de nos mains sont quotidiennement exposés, souvent plusieurs heures par jour, à la lumière visible artificielle émanant des écrans : ordinateurs, tablettes et téléphones portables. Comment cette dernière agit-elle sur notre peau ?
Les chercheurs se sont plus précisément intéressés à la dynamique des mitochondries* – les petites usines énergétiques des cellules – à l’intérieur des fibrobastes du derme. Et pour cause, le niveau énergétique des cellules profondes de la peau est essentiel pour leur permettre d’assurer la cohérence et la souplesse du tissu cutané.
« Nous avons pu prouver que la lumière émanant des écrans a un effet hautement néfaste sur le réseau mitochondrial des fibroblastes cutanés », explique Nicolas Bechetoille, responsable de la recherche en biologie cutanée chez Gattefossé, entreprise familiale française qui, depuis 1880, est spécialisée dans la fourniture d’excipients pour l’industrie pharmaceutique et cosmétique.
Des effets mesurables de la lumière visible artificielle sur les mitochondries
Comment ce résultat prouvant la perte d’énergie des fibroblastes du derme exposés à la lumière visible artificielle a‑t-il pu être obtenu ? Tout d’abord grâce au savoir-faire de Gattefossé, qui a conçu un équipement spécial pour recréer avec précision l’irradiance spectrale émise par les écrans d’appareils électroniques. S’y est ajoutée l’expertise de Cytoo, start-up du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) localisée à Grenoble.
Cette entreprise innovante spécialisée dans les technologies de pointe commercialise des kits à base de micro-patrons pour la recherche, capables de donner une forme définie (carré, ancre, triangle…) à une cellule et, par conséquent, de l’orienter comme on le souhaite dans l’espace.
Dans le cadre de sa collaboration avec Gattefossé, Cytoo a en outre développé un test de criblage cellulaire haut contenu (HCS**) qui allie le contrôle précis d’une culture de fibroblastes du derme humain à une analyse complexe des dynamiques de fusion et de fission mitochondriales par imagerie non invasive des cellules vivantes.
Pourquoi s’intéresser à ces deux paramètres ? Parce que le nombre des fusions et fissions permet de mesurer avec précision la réaction du réseau mitochondrial dans les fibroblastes stressés par leur exposition à la lumière artificielle des écrans numériques. Le phénomène de fusion atténue en effet le stress en mélangeant le contenu de mitochondries partiellement endommagées ce qui, par complémentation, leur permet de recouvrer leur fonction biologique. Quant à la fission (sorte de “division”), elle est nécessaire pour créer de nouvelles mitochondries.
Des applications dermocosmétiques envisagées
« Nos travaux soulignent l’importance de mettre en œuvre une stratégie pour protéger la peau de ce type de lumière », explique Nicolas Bechetoille. L’ensemble des résultats – probants – d’ores et déjà obtenus par cette recherche collaborative ont été présentés à la conférence de l’International federation of societies of cosmetic chemists (IFSCC) qui s’est tenue à Séoul du 23 au 25 octobre.
Mais Cytoo et Gattefossé ne comptent pas en rester là, annonçant poursuivre pour deux ans leur collaboration jusque-là fructueuse. « Nous sommes ravis d’établir cette collaboration sur le long terme avec Gattefossé et d’adapter notre plateforme à des applications dermocosmétiques. Les deux sociétés ont employé des technologies de pointe pour répondre à une toute nouvelle vision des processus biologiques impliqués dans l’homéostasie cutanée », se félicite Luc Seilig, directeur général de Cytoo.
Voilà qui est aussi de bon augure, selon lui, pour initier de nouveaux partenariats : « Cette collaboration avec Gattefossé confirme la capacité de Cytoo à proposer des solutions innovantes et prédictives à nos partenaires », affirme-t-il.
Véronique Magnin
* Les mitochondries sont les petites usines énergétiques présentes dans nos cellules qui délivrent sous une forme exploitable l’énergie indispensable aux réactions biochimiques de synthèse qui s’y opèrent quotidiennement.
Ces dernières garantissent la survie de nos cellules en fournissant l’énergie nécessaire au remplacement des molécules endommagées. Elles permettent également la croissance des cellules ainsi que les divisions cellulaires à l’origine du renouvellement des tissus de l’organisme.
Comment procèdent les petits organites intracellulaires à double membrane ? En convertissant l’énergie contenue dans les molécules provenant de l’alimentation (glucides simples, acides gras et aminés) en une forme exploitable par la cellule, l’adénosine tri-phosphate (ATP).** Le criblage à haut contenu (HCS) utilise les cellules vivantes comme outils pour élucider le fonctionnement des cellules normales et endommagées. Le criblage à haute teneur est une combinaison de la biologie cellulaire moderne, avec tous ses outils moléculaires, avec la microscopie automatisée à haute résolution et la manipulation robotisée.
Ici, les cellules sont d’abord exposées à la lumière visible artificielle. Les changements dans la morphologie des mitochondries et l’organisation du réseau mitochondrial sont ensuite détectés en utilisant l’analyse d’image.
Les changements dans les quantités de protéines au sein des doubles membranes mitochondriales peuvent également être mesurés par HCS, en utilisant une variété de techniques telles que les protéines fluorescentes vertes fusionnées à des protéines endogènes, ou par des anticorps fluorescents.