Le Musée de Grenoble présente une Rétrospective de l’œuvre de Daniel Dezeuze. Aujourd’hui âgé de 75 ans et toujours actif, l’artiste compte parmi les grands noms de l’art contemporain français, notamment à travers le mouvement Supports/Surfaces et son impact sur la création dans les années 70.
Après une exposition temporaire consacrée à Fantin-Latour, le Musée de Grenoble renoue avec l’art contemporain à travers une Rétrospective Daniel Dezeuze, visible du 28 octobre 2017 au 28 janvier 2018. Une exposition conçue en étroite collaboration avec l’artiste, toujours actif du haut de ses 75 ans… et de ses cinquante ans de création.
« Daniel Dezeuze n’est pas connu du grand public, mais c’est un artiste important de l’art français depuis la fin des années 60. Il me semblait important de revenir sur ce parcours, et de montrer comment son œuvre a marqué », explique Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble. En tout, ce sont pas moins de 18 salles qui permettent au visiteur de se représenter le parcours de l’artiste.
Car c’est bien de parcours qu’il s’agit. Qui relie une première salle exposant des œuvres “de jeunesse” à une conclusion sur les œuvres les plus récentes. D’un « Dezeuze avant Dezeuze » – pour reprendre la formule de Guy Tosatto – peignant un paysage encore figuratif, à un Dezeuze voyageur proposant des “tableaux-valises”.
Supports/Surfaces, et matériaux pauvres
Lui-même fils de peintre, Daniel Dezeuze ne restera pas longtemps adepte du figuratif. L’abstrait prend vite le pas sur son approche picturale, avant de “dériver” vers l’objet, le traitement des dimensions et des surfaces. Il est ainsi le fondateur du mouvement Supports/Surfaces, dont Guy Tosatto rappelle combien il a « marqué le contexte artistique français des années 70 ».
Les surfaces de Dezeuze ? Des toiles découpées, des châssis en bois sur laquelle est tendue une feuille de plastique, un rouleau de roseau déroulé à même le sol, et autres créations qui interrogent autant le rapport de l’artiste que du spectateur à l’œuvre. Et se développent, toujours sur des matériaux “pauvres”, dans une volonté marquée d’attaquer les fondements de la géométrie euclidienne.
Mais Dezeuze ne se résume pas à ses surfaces. Au cours de son trajet, l’œuvre prend des chemins de traverse. Guy Tosatto décrit un artiste « resté fidèle à ses premières impressions artistiques, mais qui a réussi à élargir, ouvrir une œuvre extrêmement cohérente et en même temps diverse ».
« L’intelligence de la main »
Ainsi, le visiteur trouvera-t-il au fil des salles qui composent l’exposition les dessins de Dezeuze, des représentations denses dont se dégage pourtant une sensation de sobriété et d’harmonie. Une série baptisée La Vie amoureuse des plantes retient particulièrement l’œil : explosion de formes et parfois de couleurs, la nature s’évoque dans des tourbillons sans frénésie.
Daniel Dezeuze voue aussi une passion affirmée à certains types d’objets et, en premier lieu… les armes. Aucune démonstration belliqueuse cependant, quand l’artiste conçoit des pistolets factices bien souvent ironiques, ou d’inoffensives arbalètes exprimant la thématique de la trajectoire. La question n’est plus vers quoi, mais vers où pointe cet armement iconoclaste ?
En parallèle à ces armes, le créateur se passionne encore pour les réceptacles. Une myriade d’objets composites faits de bois, de filets, d’un cage en plastique, d’objets récupérés et de matériaux de récupération. Un art pauvre, ou l’électronique n’a pas sa place ? « Je défends l’intelligence de la main, qui a modelé nos hémisphères cérébraux durant des millénaires », nous confie Daniel Dezeuze. Avant de s’inquiéter d’un « basculement » : « L’œil est très avide, et la main paresseuse. »
Un voyage ou une « randonnée » dans une création labyrinthique
Au terme d’un parcours de 18 salles, d’un voyage dans l’imaginaire riche que l’on ne saurait résumer en quelques paragraphes, le Musée expose dans son hall une étrange installation labyrinthique. Per una selva oscura (« Par une forêt obscure ») développe un cercle lui-même composé de formes géométriques en son sein. L’œuvre connaîtra deux suites, deux autres « forêts obscures », elles aussi exposées.
Une manière peut-être d’illustrer le cheminement de Daniel Dezeuze, dont l’œuvre emprunte des directions différentes, parfois opposées, entre objets conceptuels et « plaisir de peindre » revendiqué par l’artiste. Cinquante ans de création comme cinquante ans de voyage ? « C’est comme une randonnée : on part, on traverse des forêts obscures, on traverse des clairières, et puis on arrive sur des chemins de crête où l’on voit des paysages magnifiques », nous décrit l’artiste
« À chaque avancée, on découvre quelque chose de nouveau. Et, comme tout le monde, j’avance pas à pas », ajoute-t-il. Pas à pas, c’est ainsi encore qu’il conviendra de visiter cette rétrospective, ce parcours au sein d’un univers où l’on accepte de se perdre avec plaisir. Tant le foisonnement de l’œuvre de Daniel Dezeuze fait que chacun pourra trouver écho à sa propre sensibilité.