TROIS QUESTIONS À – Philippe Gabelle, président de l’Office de lutte contre le cancer (ODLC) Isère se réjouit du partenariat entre l’ODLC et les Brûleurs de Loups. Dans le cadre de l’opération Octobre rose, les hockeyeurs grenoblois vont en effet arborer un maillot rose face à Épinal ce vendredi 6 octobre à 20 heures. Des tuniques vendues aux enchères, dont l’intégralité des bénéfices sera reversée à la lutte contre le cancer du sein*.
Place Gre’net – Que représente ce partenariat pour l’ODLC ?
Docteur Philippe Gabelle – C’est quelque chose de capital. Personnellement, je suis le hockey sur glace depuis l’ouverture de la patinoire [Clémenceau, ndlr] en 1964, à l’époque de Pete Laliberté. Je l’ai vu se développer sur Grenoble et cela m’a toujours passionné. C’est un sport magnifique, avec des athlètes baraqués, un jeu rude… On se rend compte que plus les gens sont rudes sur la glace et dans leur sport, plus ils ont de sensibilité. Nous sommes dans un partenariat qui est, à mon avis, parfait. Nous bénéficions des Brûleurs de Loups parce qu’ils portent haut les couleurs de Grenoble, qu’ils ont la confiance des Grenoblois. Je crois que nous ne pouvions pas espérer meilleure association. […]
S’il y a un message à faire passer par les sportifs, c’est : “bougez, faites du sport !” 40 % des cancers pourraient être évités par de la prévention. La prévention primaire, c’est : “Faites du sport, mangez sainement, pas d’alcoolisme, pas de tabagisme”. Faire du sport, ce n’est pas uniquement faire du hockey sur glace, c’est jardiner, faire ses courses, son ménage, marcher, avoir une activité physique au moins trente minutes par jour. […]
Ensuite, il y a la prévention secondaire : dépister des cancers de plus en plus petits voire même des états précancéreux, pour d’autres cancers. C’est là où nous nous situons. Plus les cancers sont dépistés tôt, moins les traitements sont lourds, en général, et donc moins on a les effets secondaires.
Où en sommes-nous du dépistage du cancer du sein en Isère ? Des progrès sont-ils constatés ?
Il y a des progrès mais les pourcentages se gagnent petit à petit. Nous avons à peine plus de 50 % de la population française de femmes ciblées, de 50 à 74 ans, qui effectuent leur dépistage. En Isère, nous sommes à 58 %. C’est satisfaisant mais encore insuffisant. Il faudrait que nous arrivions à 70 %. C’est le but pour avoir un impact sur la mortalité par cancer du sein qui soit de 30 %. À l’heure actuelle, nous estimons que nous sommes entre 15 et 21 % de bénéfices en terme de mortalité sur les cancers du sein par le dépistage tel qu’il est.
En Isère, nous sommes bien placés par rapport aux autres départements. Il faut savoir que Grenoble a été un des premiers sites de dépistage. La structure a été reconnue en 1990. Et le dépistage a commencé à se discuter dans les années 1982 – 1983.
Il faut à tout prix des manifestations comme celle-là pour le faire connaître et pour rassurer les personnes, parce qu’il y a des anti-dépistages, comme il y a des anti-vaccinations. Et ceux-là parlent très fort.
Il faut arriver à rassurer les patientes un peu hésitantes qui auraient tendance à basculer dans la voie de “la facilité” en se disant : “Je ne vais pas faire mon dépistage”.
Quels sont les pistes pour augmenter ce taux de dépistage ?
Faire savoir les résultats et les bénéfices du dépistage. 80 % des cancers du sein se développent au-delà de 50 ans. Nous avons là une population que nous ciblons. À cet âge-là, les seins sont nettement moins denses qu’à 35 ou 40 ans. Or faire une mammographie tous les deux ans n’a jamais induit un risque de cancer du sein. Il faut le faire savoir et aller au-devant de la population, la rassurer. Toute l’équipe de l’ODLC travaille avec beaucoup de pugnacité pour améliorer ce dépistage.
Propos recueillis par Laurent Genin
* Avec 54 062 cas estimés en 2015 en France, ce cancer est le plus fréquent et le plus mortel chez la femme avec 11 913 décès estimés en 2015.