Quel est le risque de dégazage du méthane (CH4) contenu dans les réservoirs géologiques ? La question s’avère cruciale en cette période de réchauffement climatique quand on sait que le pergélisol et les hydrates océaniques, les deux principaux réservoirs géologiques du gaz à effet de serre, deviennent instables quand leur température dépasse un certain seuil.
Dans une récente étude publiée en août 2017 dans la revue Nature, des scientifiques américains et français de l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble (IGE) soutenus par l’Institut polaire français Paul Émile-Victor (IPEV) et l’Agence nationale de la recherche (ANR), ont interrogé le passé pour apporter des éléments de réponse.
Les glaces de l’Antarctique, témoins du réchauffement climatique
En 2011, l’équipe internationale s’est rendue en Antarctique sur le site de Taylor Glacier où affleure en surface de la glace très ancienne. Son objectif ? Prélever cinq carottes de glace couvrant la transition climatique abrupte entre le Dryas récent et le début de l’Holocène, il y a 11 500 ans.
Cette période se caractérise en effet par un réchauffement climatique important, accompagné d’une libération massive de méthane dans l’atmosphère. Son origine est-elle géologique, biologique, anthropique ? Pour le déterminer, les scientifiques ont réalisé des analyses isotopiques* du méthane fossile extrait sur place en faisant fondre la glace des carottes prélevées.
Un risque faible de dégazage de CH4 par les réservoirs géologiques
Conclusion des analyses ? Le méthane accumulé à l’époque dans l’atmosphère ne résulte pas de la déstabilisation des réservoirs géologiques. Le risque est donc faible qu’un tel dégazage puisse se produire au cours du réchauffement climatique actuel. Pour autant, les chercheurs restent prudents car « le réchauffement en cours est bien différent de celui qu’a connu la planète avant son entrée dans la période chaude Holocène, il y a 11 000 ans », précisent-ils.
Les analyses isotopiques ont également permis de quantifier les émissions anthropiques fossiles de cet important gaz à effet de serre. Celles-ci démontrent que les contributions de l’homme il y a 11 500 ans, sont plus importantes qu’on ne le pensait jusqu’alors. De quoi modifier l’estimation de la part de l’homme dans le réchauffement climatique : « [C’est] une information à prendre en compte aujourd’hui dans la mise en place d’une politique ciblée de réduction de nos émissions en méthane », indiquent les chercheurs.
Véronique Magnin
- * Chaque molécule de méthane (CH4) se caractérise par une composition propre en carbone 14, 12 et 13 directement héritée de sa source. L’analyse de cette composition, appelée « signature isotopique » permet aux scientifiques d’identifier l’origine de ces molécules de gaz atmosphérique et de déterminer si elles proviennent de sources notamment géologiques, ou biologiques.