TROIS QUESTIONS À – Hubert Charuel sera au cinéma Le Club samedi 2 septembre pour présenter son premier long métrage Petit paysan. Le film a bénéficié d’un accueil très chaleureux à la dernière Semaine de la critique de Cannes et a obtenu le Valois de diamant au 10e Festival du film francophone d’Angoulême. Le comédien principal, Swann Arlaud, a reçu, quant à lui, le prix du meilleur acteur. Heureux de l’engouement qui accompagne la sortie de son film, le jeune réalisateur évoque avec nous la manière dont il l’a conçu.
Pour son premier long métrage, Petit paysan, sorti le 30 août 2017 sur les écrans, Hubert Charuel s’est colleté avec un quotidien qu’il connaît intimement. Celui du monde agricole et, plus précisément, celui de l’élevage de vaches laitières, milieu au sein duquel il a grandi en Haute-Marne.
La ferme familiale tient même lieu de décor pour ce film au casting atypique. Comédiens professionnels – Swan Arlaud, dans le rôle-titre, Sara Giraudeau ou Bouli Lanners – y côtoient les parents et le grand-père du jeune réalisateur.
Le genre, de même, navigue entre deux eaux. Il verse a priori dans un naturalisme qui doit sa crédibilité à la connaissance du milieu que possède Hubert Charuel. Lequel cosigne également le scénario, dont l’écriture épouse une ambiance et un rythme propres au thriller. De cette matière composite découle un film qui jouit d’une excellente critique et de premiers retours enthousiastes de la part du public.
Petit paysan se concentre sur le personnage de Pierre, jeune fils d’agriculteur qui décide de gérer seul un troupeau de vaches laitières auquel il sacrifie toute son énergie. Lorsque l’une des vaches présente les symptômes d’une dangereuse épidémie, le petit paysan du titre paraît s’abandonner à la paranoïa en s’occupant seul de faire disparaître la bête infectée.
Pourquoi avoir choisi d’aborder, pour votre premier long métrage, un sujet qui vous est si proche, celui du monde agricole au sein duquel vous avez grandi et que vous avez quitté pour embrasser la profession de cinéaste ?
Le sujet m’est venu assez naturellement. J’ai fait ce film davantage par nécessité que par envie. L’histoire de Pierre [le jeune agriculteur qui reprend seul l’exploitation de ses parents, ndlr] est un peu celle que j’aurais dû avoir si j’avais décidé de reprendre la ferme de mes parents. Je pense que faire ce film, inconsciemment, c’était un peu ma manière à moi de reprendre la ferme sur une courte durée tout en disant au revoir à ce monde-là.
Le film est d’ailleurs tourné dans la propre ferme de mes parents, qui n’est plus en activité aujourd’hui puisqu’ils ont pris leur retraite juste avant le tournage. Mes parents n’ont pas réinvesti lourdement dans cette ferme, sachant que je ne la reprendrai pas. Les bâtiments ont donc un cachet particulier. Ça sert le propos du film.
Le milieu agricole dépeint dans le film est si crédible qu’on se rapproche parfois du documentaire. Mais on est bien du côté de la fiction et du thriller. Comment avez-vous pensé ce dosage subtil ?
On n’avait pas de volonté de dénoncer ou de montrer quelque chose de la réalité paysanne. Je voulais faire de la fiction à partir de cet univers-là et je ne tenais pas à ce que la ferme soit juste un décor. On se sert de certains éléments du monde agricole pour faire monter la tension façon thriller. On joue par exemple sur l’étau qui se resserre via les lois sanitaires. On s’est dit que ça allait servir le récit et, en même temps, c’est vrai qu’on aborde cette problématique-là. Mais c’est l’histoire qui prime dans notre esprit.
D’ailleurs, l’épidémie qui se déclare est fictive, elle aussi. Je ne voulais pas faire un film sur la vache folle, par exemple. Et puis je voulais raconter la vie d’un jeune paysan aujourd’hui. Or, la vache folle ou la fièvre aphteuse m’aurait forcé à décaler mon action.
Votre casting mêle des comédiens professionnels (Swann Arlaud, dans le rôle-titre, Sara Giraudeau ou Bouli Lanners) et des comédiens amateurs (vos parents et votre grand-père, entre autres). Qu’est-ce que cela implique du point de vue de la direction d’acteur ?
Je trouve ça plus rassurant en fait. Mon premier court métrage, je l’ai fait avec des acteurs non professionnels, non pas par choix mais comme je n’y connaissais encore rien à la direction d’acteur, je pensais que ça ne fonctionnerait pas avec des professionnels.
En tout cas, sur le tournage de Petit paysan, tous les acteurs professionnels ont vraiment intégré l’esprit familial qui régnait sur le tournage. On allait tous manger ensemble le soir au restau avec mes parents. Swann est resté pendant les deux mois qu’a duré le tournage. Quand il est revenu pour l’avant-première à Saint-Dizier, il a été accueilli comme s’il avait toujours vécu là. Tout ça a participé au fait que ça se passe très bien entre acteurs pros et acteurs non pros.
Pour ce qui est des vaches, ça a en revanche été compliqué ! On a travaillé avec des vétérinaires, des dresseurs, mes parents aussi, qui étaient là pour conseiller… Je savais que ce serait dur, que ça demanderait beaucoup d’énergie et de temps. Je n’ai donc pas eu de mauvaises surprises. Je m’y attendais !
Propos recueillis par Adèle Duminy
Infos pratiques
Samedi 2 septembre 2017, à 20 h 15
Petit paysan, de Hubert Charuel
Projection débat en présence du réalisateur