FOCUS – Voilà maintenant trois mois que le chantier d’une crèche à Échirolles est bloqué par des jeunes réclamant, officiellement, leur droit à la clause d’insertion. L’affaire a été reprise par la presse nationale, et l’opposition tire à boulets rouges sur la municipalité. Ce qui n’empêche pas le maire de prendre des vacances, et son premier adjoint d’être aux abonnés absents.
Ouvriers menacés, insultés… Depuis mai dernier, le chantier d’une crèche est bloqué par des jeunes dans le quartier du Village 2 à Échirolles. Ces derniers demanderaient à bénéficier de la clause d’insertion pour pouvoir travailler sur le chantier, selon Le Dauphiné libéré qui s’est fait l’écho de l’affaire dans son édition du 18 juillet. Des candidatures spontanées pour le moins agressives, en somme.
L’information a par la suite été reprise par la plupart des médias nationaux. « Encore une fois, Échirolles fait parler d’elle dans toute la France », ironise Alexis Jolly, conseiller municipal d’opposition Front national. Qui, non sollicité par la presse, n’est intervenu dans le débat qu’à travers un communiqué dénonçant « un comportement inadmissible et terrifiant » et « des quartiers pris en otage ».
Le conseiller municipal FN « insulté copieusement » sur le chantier
La conseillère municipale Les Républicains Magalie Vicente, pas davantage interrogée, a pour sa part interpellé la municipalité sur cette situation dès le 22 mai. « J’en avais eu connaissance par l’intermédiaire d’un habitant. Le directeur du cabinet du maire m’a répondu pour me dire qu’effectivement, ils étaient en négociation avec les jeunes qui posaient problème et s’engageait à ce que cela soit réglé », nous explique-t-elle.
Près de deux mois plus tard, le chantier est pourtant toujours à l’arrêt. Au début du mois de juillet, Alexis Jolly s’est rendu sur les lieux pour discuter avec des habitants et prendre des photos. « Un jeune est arrivé et nous a fait subir un interrogatoire, raconte-t-il. Il nous a demandé ce que nous faisions là, et nous a dit qu’ici on ne pren[ait] pas de photos, qu’on ne fai[sait] pas ce qu’on v[oulait]. Et, bien sûr, il nous a insultés copieusement. »
La dimension médiatique prise par l’affaire semble avoir motivé la préfecture à organiser… une table ronde. Celle-ci s’est tenue à huis-clos le mardi 25 juillet en début d’après-midi. « Une réunion de travail, décrivent les services de la préfecture, destinée à trouver des solutions du point de vue de la politique de la Ville à l’insertion sociale ». Étaient présents des « acteurs du volet social, mais pas du tout de l’ordre public », nous précise-t-on.
Une municipalité qui « achète la paix sociale » ?
Voilà qui ne va pas calmer les ardeurs de l’opposition. Si leurs discours ne sont pas les mêmes, Les Républicains comme le Front national sont au moins d’accord sur un point : la municipalité d’Échirolles « achète la paix sociale ».
« On les laisse faire, s’agace Magalie Vicente. Le trafic a lieu tout le temps, on les laisse s’installer, et quand ça prend de telles proportions on essaye de négocier. On ne va pas baisser nos pantalons non plus ! »
« Depuis trente ans, les communistes ont toujours défendu ces jeunes, leur ont trouvé des excuses, déclare pour sa part Alexis Jolly. Et la situation va continuer puisque la politique de la Ville continue : 2 millions d’euros votés pour la rénovation urbaine, les espaces verts… Et l’on se rend compte que les jeunes n’en ont rien à faire et que ces millions d’euros ne font pas reculer le chômage et la délinquance, mais accélèrent le communautarisme et le fondamentalisme islamique. »
Clause d’insertion… ou trafics ?
Quant à la clause d’insertion – argument pour le moins insolite de ce blocage –, elle ne convainc guère l’opposition. « Vous y croyez, vous ? ironise Magalie Vicente. Ce qui les dérange, c’est qu’il y a un chantier en bas de chez eux et que ça les gène dans leur trafic quotidien. Le reste, ils n’en ont rien à foutre. Ils n’ont pas envie de bosser de toute façon ! »
Pour la conseillère municipale Les Républicains, c’est la municipalité elle-même qui a fourni cet argument durant les premières réunions de négociation. Elle estime qu’il ne tient pas. « Des clauses d’insertion, il y en a plein sur la ville d’Échirolles : les mecs qui veulent bosser, ils bossent. Mais on ne fait pas ça à la légère. Là, on va leur donner du job ? Ce sont les entreprises qui vont “ramasser” ? C’est merveilleux ! »
Côté FN, Alexis Jolly trouve surtout « surprenant » que les jeunes connaissent la clause d’insertion. « Je pense que, derrière tout ça, il y a des associations financées par la mairie qui informent ces jeunes de leurs droits, et moins souvent de leurs devoirs. Et les aident à se retourner contre la mairie », considère-t-il. Avant de juger, à son tour, que les trafics sont la raison première du blocage du chantier.
La municipalité aux abonnés absents
L’élu d’opposition pose encore la question du coût de ce blocage. Coût financier d’une part : une société de surveillance grenobloise, Vision sécurité, assure ainsi des rondes régulières sur le site, pour un montant inconnu. Coût en matière de service à la population, d’autre part : la crèche devait ouvrir à la rentrée et accueillir une quarantaine d’enfants. Mais la reprise des travaux n’est pas annoncée avant… le 11 septembre.
Une « certaine forme d’injustice » que le Front national dénonce, en prenant soin de resserrer son discours sur ses thématiques favorites : « Il reste encore, j’ose le dire, quelques Français de souche dans ces quartiers. Et des personnes de confession musulmane, d’origine étrangère, qui veulent s’intégrer et souffrent de cette délinquance. On voit les impôts locaux augmenter et rien ne change : la délinquance et toujours présente et pénalise les familles dans leur vie quotidienne ! »
Pas de « Français de souche » dans le discours de Magalie Vicente, mais une même exaspération. « Pour moi, c’est de l’irresponsabilité. Dans cette ville, on ne sait pas faire. On négocie et on se met à genoux. Les travaux vont commencer avec six mois de retard et, en plus, on va leur donner ce qu’ils veulent. » L’élue d’opposition n’oublie pas d’égratigner au passage le FN : « Il fait beaucoup de communiqués, mais derrière c’est zéro ! », assène-t-elle.
Quelle réponse de l’équipe municipale d’Échirolles aux questions et aux critiques ? Aucune. Après s’être exprimé dans plusieurs médias locaux comme nationaux, le premier adjoint Thierry Monel n’a pas souhaité donner suite à nos nombreuses demandes d’entretien.
Quant au maire d’Échirolles Renzo Sulli, « il est en vacances et rentre le 15 août », nous ont fait savoir les services de la municipalité.
FM