FOCUS – Émilie Chalas (LREM) qui a raflé la mise avec 36,18 % des voix sur la troisième circonscription, creusant ainsi un écart de près de 22 points avec Raphaël Briot (FI), semble jouer sur du velours pour ce deuxième tour des législatives. Seules issues pour l’Insoumis, le front anti-Macron à gauche et la pêche aux abstentionnistes. Pour autant, rien n’est simple au pays de la gauche dont le rassemblement – bien qu’espéré – reste problématique dans cette circonscription clé.
« Nous sommes satisfaits d’avoir battu Michel Destot et d’être qualifiés pour le deuxième tour », se félicite Raphaël Briot, le candidat de la France insoumise sur la troisième circonscription de l’Isère. Qui trouve « étonnants », les résultats obtenus par le député sortant lors du premier tour de ces élections législatives.
« Avec le “dégagisme”, on pouvait s’attendre à ce que Michel Destot ait quelques difficultés mais qu’il soit relégué si loin nous a vraiment surpris », ajoute-t-il. Pour autant, bien que fier des 14,71 % de voix recueillies, le candidat Insoumis qui dit regretter « les dissensions et la multiplicité des candidatures à gauche » au premier tour, veut démontrer lors de cet entre-deux-tours sa capacité à rassembler autour de sa candidature.
Pas sûr que cela soit suffisant pour combler le petit gouffre creusé devant lui par sa concurrente Émilie Chalas, candidate de la République en marche, forte de 36,18 % des voix recueillies lors du premier tour.
Des absences remarquées
Le rassemblement, c’était toute la raison d’être, ce mercredi 14 juin, d’une conférence de presse à l’initiative de Raphaël Briot. L’affiche était alléchante puisque l’on nous promettait, au titre de soutiens, les présences de Soukaina Larabi et de Jean-Paul Trovero, tous deux candidats malheureux au premier tour. Mais pas seulement… puisque Christophe Ferrari, le président PS de Grenoble-Alpes Métropole, et Éric Piolle, le maire de Grenoble, étaient aussi attendus. Sauf qu’excepté Jean-Paul Trovero, les autres ne sont pas venus. Tiens donc ?
Bien qu’absent, à sa décharge, Éric Piolle a fait un peu plus que le service minimum.
« Pour le second tour des élections législatives, j’apporte mon soutien aux candidat.e.s qui tiennent le cap des solidarités et des transitions. Deux urgences sur lesquelles Emmanuel Macron n’est pas à la hauteur. Deux urgences sur lesquelles il faudra épauler Nicolas Hulot, ministre d’État », déclare-t-il sur son compte Facebook.
« Il n’est pas venu parce qu’il veut qu’on lui apporte de la réciprocité »
Et le maire d’affirmer son soutien à Raphaël Briot. « Naturellement, je soutiens Raphaël Briot sur la 3e circonscription de l’Isère. Ensemble, les écologistes, les humanistes et les gens de gauche peuvent remettre le progrès au cœur de la vie publique. » Mais pas seulement. « J’apporte mon soutien également, sur notre territoire ou ailleurs, aux candidatures de gauche présentes au second tour : Marie-Noëlle Battistel sur la circonscription 4 de l’Isère, Jean-Luc Mélenchon à Marseille, Barbara Romagnan dans le Doubs ou encore François Ruffin dans la Somme », déclare-t-il également. Quant à son absence, le maire ne s’en est pas expliqué, selon Michel Garand, directeur de campagne de Raphaël Briot. Il a juste envoyé un mail réaffirmant son soutien.
L’absence de Christophe Ferrari, elle aussi remarquée, n’a pas manqué de susciter des commentaires.
« Il n’est pas venu parce qu’il veut qu’on lui apporte la réciprocité sur la 4e circonscription où Marie-Noëlle Battistel (PS) est au deuxième tour contre Fabrice Hugelé (LREM) », nous confie un sympathisant de la France insoumise.
Une hypothèse plausible quand on sait que cette dernière, qui a soutenu toutes les politiques de François Hollande, se retrouve face à Fabrice Hugelé, candidat LREM par ailleurs vice-président de Christophe Ferrari à la Métropole.
Idéalement s’entend, cet échange de bons procédés aurait vu le président de la Métropole soutenir Raphaël Briot, à condition que Laurent Viallard, le candidat de la France insoumise dans la 4e circonscription appelle, lui, à voter pour Marie-Noëlle Battistel. Mais à l’évidence cela n’a pas fonctionné. Chacun ayant maintenu ses positions, ne restaient plus pour participer à un rassemblement chancelant que Jean-Paul Trovero, le Parti ouvrier indépendant (POI), l’Ades en la personne de Vincent Comparat, Bernard Macret qui représente Ensemble ! et quelques représentants de la société civile.
Les autres soutiens de Raphaël Briot ? Outre celui de Génération écologie (GE), celui d’Europe écologie – les Verts Isère (EELV), qui appellent « à voter pour la gauche dans la 3e et la 4e circonscriptions, soit Raphaël Briot et Marie-Noëlle Battistel ». Tandis que Soukaïna Larabi déclarait au lendemain du premier tour que « ce qui a été impossible avant le premier tour des élections législatives doit désormais devenir une réalité pour avoir une chance d’avoir un député de gauche en Isère. Le candidat arrivé en tête a désormais la responsabilité de rassembler la gauche, les citoyens et les écologistes. »
« J’ai beaucoup appris ! »
« C’est important pour nous de signaler que tout le rassemblement citoyen et associatif de Grenoble a permis à Éric Piolle de l’emporter aux municipales de 2014, indique Raphaël Briot. On nous a reproché de ne pas être assez représentatifs de cette citoyenneté-là. Je suis, pour ma part content qu’ils nous rejoignent et soient à nos côtés pour ce second tour et démontrent ainsi que notre rassemblement est large ».
Et celui-ci d’avouer avec sincérité : « J’ai beaucoup appris pendant cette campagne, étant un novice en politique. Nous avons appris les uns des autres, au gré des rencontres, des gens que nous avons invités, des experts… », a expliqué non sans une certaine émotion Raphaël Briot. Qui a laissé à sa jeune suppléante, Raphaëlle Raban-Revel, le soin d’enchaîner.
« Ces mois de campagne m’ont permis de découvrir tous ces gens qui avaient besoin du programme [l’Avenir en commun, ndlr], des idées que nous défendons et ça n’a fait que confirmer ma volonté de me battre », a‑t-elle confié devant l’auditoire. Reste que l’équipe de campagne à fort à faire pour remonter la pente et surtout tenter de convaincre les électeurs des quartiers populaires où sévit un absentéisme endémique.
« Une vague forte pour la République en marche »
C’est une campagne « riche de rencontres » que continue, quant à elle, à mener Émilie Chalas, la candidate de la République en marche dans ce court intermède de l’entre-deux-tours. Arrivée en tête au premier tour avec 36,18 % des voix, la candidate LREM n’estime pas pour autant que l’affaire est pliée. « Ce n’est jamais joué d’avance, il faut absolument rester mobilisés, que chacun puisse s’exprimer librement en tant qu’électeur et voir les résultats dimanche avec toujours cette tension d’incertitude totalement légitime qui fait partie de l’humilité que doit avoir un candidat envers ses électeurs », explique Émilie Chalas.
Quid des soutiens ou des appels du pied ? « Je crois que les électeurs sont libres de s’exprimer et nous avons bien vu, lors du premier tour de ces législatives, une vague forte pour la République en marche. Nous ne cherchons pas des ralliements. Après, spontanément, effectivement quelques-uns ont apporté leur soutien à ma candidature », expose Émilie Chalas. Notamment, à Fontaine, Laurent Thoviste (PS), ainsi que Franck Longo (LR) mais aussi, à Grenoble, Matthieu Chamussy (LR), qui a encouragé le vote pour la “marcheuse”.
« Je prends ces soutiens à partir du moment où ils sont républicains, démocratiques. Ça me va, évidemment, mais je porte avant tout le programme d’En marche », assure non sans conviction la candidate. De quoi interroger Jérôme Safar, conseiller municipal du groupe Rassemblement de gauche et de progrès, qui relève quant à lui « une spécificité grenobloise ». Et s’étonne que « [dans] une ville de plus de 100 000 habitants, aucun élu n’a[it] déclaré officiellement son rattachement à La République en marche ».
« Ce n’est pas en une semaine que l’on va remobiliser les gens »
Quid de l’abstention qui s’est révélée très forte partout en France et, plus localement, dans les quartiers sud de Grenoble ? A‑t-elle changé le ton de la campagne ?
« Nous n’avons rien changé. Les deux réunions publiques, tant à Mistral qu’à la Villeneuve, ont été organisées pour parler du programme, échanger avec les gens quels qu’aient été les résultats en matière de participation et de vote. Je crois qu’il est important de tenir une ligne de conduite qui est celle du dialogue, de la bienveillance pour comprendre et représenter les gens », explique Émilie Chalas.
Et puis il est trop tard. « Ce n’est pas en une semaine qu’on va remobiliser les gens et leur redonner confiance. Je crois que cela va se faire sur les cinq années du mandat », se prend à espérer la gagnante du premier tour. Émilie Chalas espère d’ailleurs que son score et celui des autres candidats En marche seront confirmés lors de ce second tour « pour travailler et retrouver cette confiance entre les élus et les gens qu’ils représentent ».
Les “affaires” ne risquent-elles pas de plomber les scores d’En marche ?
Et ces “affaires” très médiatisées qui défraient la chronique et alimentent la polémique alors même qu’Emmanuel Macron a fait de la moralisation de la vie publique un de ses principaux chevaux de bataille ? Ne risquent-elles pas d’avoir une influence négative sur les scores du deuxième tour ? La candidate ne se démonte pas. Pas question de botter en touche.
« Je suis moi, avec mon expérience, qui je suis, mon intégrité. Bayrou, Ferrand et les histoires qui se passent en ce moment, moi, j’estime qu’à l’échelle locale, dans notre circonscription, elles ne m’atteignent pas à titre personnel », rétorque Émilie Chalas. Qui concède que, si cela peut peser sur le mouvement En marche, « en temps voulu, Emmanuel Macron et les gens en responsabilité prendront leur décision de façon opportune et bienveillante ». Dont acte.
En période d’élections, il est fréquent d’entendre dire au sujet des candidats : « On les voit en période électorale et, après, il n’y a plus personne ! » Si le résultat du second tour devait propulser Émilie Chalas sur les bancs de l’Assemblée nationale, quelles seraient les premières mesures qu’elle mettrait en œuvre pour contredire cette assertion ?
Réalisation Joël Kermabon
Joël Kermabon
MICHEL DESTOT : LA CANDIDATURE DE TROP ?
S’il était peu probable que Michel Destot, député sortant PS qui se présentait pour un septième mandat, puisse parvenir au second tour dans “sa” 3e circonscription de l’Isère, l’ampleur de sa défaite, avec seulement 10,03 % des voix, en a surpris plus d’un. Et au premier chef l’intéressé lui-même, une des nombreuses victimes collatérales du “dégagisme” ambiant et de la volonté de renouvellement du paysage politique français.
Les jeux sont faits. Michel Destot perd donc son mandat de député, lui qui tenait la circonscription depuis 1988 et qui avait exercé les fonctions de maire de Grenoble durant dix-neuf ans. Un bail qui lui aura été fatal. Depuis cette soirée du premier tour, Michel Destot est injoignable et semble s’être muré dans un silence médiatique. Seule manifestation de sa part, un communiqué de presse publié le lendemain où il prend acte des résultats sur la 3e circonscription de l’Isère. Le voici dans son intégralité.
« J’ai porté jusqu’au bout, avec fierté, les idées et les valeurs de la gauche »
« J’ai conduit une campagne de sincérité, sur le terrain, aux côtés des habitants, avec une suppléante de qualité, entouré de militants et de sympathisants formidables, dans une mobilisation sans précédent. Mais à l’évidence, rien ne pouvait rééquilibrer les tendances nationales et les scores de l’élection présidentielle.
J’ai porté jusqu’au bout, avec fierté, les idées et les valeurs de la gauche et des socialistes. Sans jamais chercher à masquer une étiquette, sans jamais chercher à créer la confusion dans l’esprit des électeurs, malgré une multiplication des candidatures de gauche, et sans abandonner les idéaux qui m’ont toujours animé et qui ont guidé l’ensemble de mon action publique, à chaque instant au service de mes concitoyens, des habitants de la 3e circonscription et des Grenoblois.
J’appelle nos concitoyens, les habitants de notre circonscription, à ne jamais se détourner de ce qui a toujours porté notre territoire, qu’ils puissent continuer aussi à faire vivre une démocratie où la pluralité l’emporte sur l’uniformité, sur le populisme ou les extrémismes.
Et sous d’autres formes continuera le combat pour faire triompher les idées de la social-démocratie et du socialisme, auxquels j’ai consacré toute ma vie militante et publique. »