EN BREF – Areva a été mise hors de cause après des incidents survenus sur son usine de Romans-sur-Isère en septembre 2012. Comme le tribunal correctionnel de Valence, la cour d’appel de Grenoble a considéré que le géant du nucléaire ne pouvait être tenu pour responsable de négligences sur un site dont il n’assurait pas directement l’exploitation. Seul l’ancien directeur a été condamné. Une victoire pour le réseau Sortir du nucléaire : en 2013, le parquet avait classé sa plainte sans suite et, en 2016, le tribunal correctionnel de Valence avait relaxé l’ensemble des mis en cause.
Areva, tout comme sa filiale qui, jusqu’en 2014, exploitait l’usine d’assemblage de combustibles nucléaires pour réacteurs de Romans-sur-Isère dans la Drôme, a été mise hors de cause par la justice après une succession d’infractions et de négligences commises entre 2012 et 2014. Dans un arrêt rendu le 15 mai, la cour d’appel de Grenoble a toutefois condamné l’ancien directeur de l’usine à 15 000 euros de dommages et intérêts pour des infractions aux règles de sécurité.
Si la cour estime que le géant du nucléaire ne peut être tenu pour responsable, c’est qu’à la date des faits reprochés – et seuls retenus* – c’est-à-dire les 24 et 25 septembre 2012, Areva NP n’exploitait pas le site. L’exploitant ? La société Franco-belge de fabrication de combustibles (FBFC), qui n’existe plus depuis qu’elle a été absorbée le 31 décembre 2014 par… Areva NP.
« Il s’ensuit qu’à cette date, sa personnalité morale [de la FBFC, ndlr] a pris fin, souligne la cour dans son arrêt que nous nous sommes procurés. Sa responsabilité ne saurait plus, dès lors, être recherchée, à raison d’une quelconque faute. »
Pas plus que celle d’Areva. « Si celle-ci vient effectivement aux droits de la société FBFC, il n’en résulte nullement qu’elle doive répondre, sur le seul appel des parties civiles, des fautes civiles démontrées à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite qui auraient été commises par FBFC, ne pouvant dans ce cadre répondre que de ses propres fautes dont il appartient aux parties civiles de rapporter la preuve. Cette preuve ne peut résulter seulement de ce que FBFC était filiale à cent pour cent d’Areva et comme telle intégrée au groupe Areva. »
Huit infractions constatées entre 2012 et 2014
Pendant plusieurs années, les incidents et négligences se sont multipliées sur le site de Romans-sur-Isère. En septembre 2012, une inspection de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) mettait en évidence le non-respect par FBFC des règles de sécurité élémentaires en entreposant parfois ensemble les bouteillons contenant les matières fissiles sèches et humides. Malgré plusieurs mises en demeure et une surveillance renforcée de la part de l’ASN, huit infractions ont été constatées entre 2012 et 2014.
Des incidents dont la responsabilité ne peut pas être imputée à la FBFC ou à Areva. Par le jeu de la fusion-absorption d’une société par une autre, et donc de dilution des responsabilités, les deux sociétés s’en sortent totalement blanchies. L’action publique est éteinte, fermez le ban ! A charge pour l’ancien directeur d’endosser l’entière responsabilité des négligences.
Une décision qui infirme le jugement prononcé le 28 janvier 2016 par le tribunal correctionnel de Valence. En première instance, le juge avait en effet relaxé les deux sociétés, mais aussi l’ancien et l’actuel directeurs du site. Pour le réseau Sortir du nucléaire, qui avait porté plainte dès février 2013 – plainte classée sans suite par le parquet – et fait appel du jugement du tribunal correctionnel**, c’est une petite victoire.
« La cour d’appel de Grenoble a enfin sanctionné la gestion calamiteuse de cette usine », se satisfait l’association dans un communiqué, regrettant toutefois qu’Areva « n’ait pas été déclarée responsable directement. A l’heure où notre nouveau Premier ministre est un ancien directeur des affaires publiques d’Areva, notre vigilance doit redoubler face au poids du lobby nucléaire. »
Patricia Cerinsek
- * Sortir du nucléaire avait relevé plusieurs manquements aux règles de sécurité en 2012, 2013 et 2014 mais aussi des défauts de conditionnement de matières fissiles les 24 et 25 septembre 2012.
** Deux autres associations, la Frapna Drôme-Ardèche et Stop nucléaire Drôme-Ardèche se sont portées parties civiles.