FOCUS – La troisième édition du Grenoble Street Art Fest se tiendra du 7 au 25 juin à Grenoble et, nouveauté cette année, à Fontaine. Malheureusement pour ses organisateurs – le centre d’art Spacejunk – et pour les élus de la Ville de Grenoble présents, la conférence de presse du mardi 23 mai a été légèrement chahutée par un mystérieux collectif dénommé Banksy. Lequel s’est insurgé contre une délibération, prise le 19 décembre 2016 par la municipalité, visant à punir l’affichage sauvage via la distribution d’amendes. Explications.
« Si on écoutait les Grenoblois, le Grenoble Street Art Fest durerait six mois et il y aurait des fresques sur tous les murs de la ville ! », s’enthousiasmait Corinne Bernard, l’adjointe aux cultures de la Ville de Grenoble lors de la conférence de presse donnée mardi 23 mai par les organisateurs du Grenoble Street Art Fest, prévu du 7 au 25 juin 2017.
Si la Ville soutient sans conteste le festival porté par le centre d’art Spacejunk, il n’en va pas de même pour toutes formes d’expression urbaine, selon le collectif Banksy, venu jouer les trouble-fêtes lors de la présentation de la troisième édition de la manifestation grenobloise dédiée au street art.
Le collectif – malicieusement intitulé « Banksy », du nom de ce street artiste aussi anonyme et rétif aux cadres que désormais bankable – se présente comme regroupant des « personnes armées de marqueurs et de bombes de peintures déterminées à poser [leurs] pensées sur les murs […] ; [des] petits lieux contre-culturels en manque de moyens disposant uniquement de pinceaux et de colles ; [des] associations préférant coller au pinceau sur les murs de la ville que vainement sur les murs de Facebook. »
Les membres du collectif, bridés dans leur mode d’expression
Dans le tract distribué lors de son intervention du 23 mai, le collectif Banksy a rappelé que la Ville de Grenoble « [avait] pris la décision d’envoyer des amendes aux associations et aux personnes collant des affiches ou écrivant des mots sur les murs de la ville. […] Pour toute affiche « fixée ou accrochée à un support », amende de 20 € par affiche ; pour toute affiche « collée ou dessinée sur un support », amende de 40 € par affiche ; pour chaque autocollant, 30 € l’unité. »
De fait, dans l’extrait du registre des délibérations du conseil municipal daté du 19 décembre 2016, Lucille Lheureux, adjointe aux espaces publics et à la nature en ville, propose bien d’appliquer les montants ci-dessus, tenant compte, selon elle, « du mode de fixation de la publicité, des moyens utilisés, de la mise à disposition d’une équipe et des temps de déplacement supportés par les services communaux. » Après délibération, ces mesures ont bien été adoptées.
Interpellée sur le sujet par les membres du collectif s’estimant bridés dans leur mode d’expression, Corinne Bernard a rappelé que la Ville avait mis à disposition du public des panneaux d’affichage libre, au nombre de 201 si l’on en croit l’extrait du registre des délibérations cité ci-dessus. « On veut pouvoir communiquer sur les murs de la ville sans se cantonner à ces panneaux. Ça ne suffit pas », a rétorqué l’un des membres du collectif, revendiquant la nécessité d’une parole « sauvage », échappant aux bornes fixées par le cadre institutionnel.
Un street art officiel ?
Si le collectif a choisi d’intervenir lors de la présentation à la presse de la troisième édition du Grenoble Street art fest, il a bien précisé que ses reproches s’adressaient à la Ville seule. Jérôme Catz, responsable du centre d’art Spacejunk, porteur du festival, a néanmoins été invité à exprimer son opinion sur le sujet.
Ce à quoi il a répondu, de manière plus ou moins sibylline, que le centre Spacejunk dispensait régulièrement des formations touchant différentes formes de street art. « Je dis toujours aux jeunes de faire les choses par eux-mêmes, qu’ils n’ont besoin de personne pour prendre leur vie en main. » En dehors des règles imposées par la Ville ? L’interprétation de ces propos est libre.
Quentin Hugard, chargé de la coordination générale du festival, a quant à lui noté l’importance de travailler main dans la main avec les institutions, sans lesquelles il ne serait pas possible d’obtenir les autorisations pour réaliser les fresques monumentales que l’on croise désormais en ville.
Il a également rappelé que le financement du festival – dont le budget s’élève cette année à 500 000 euros – était assuré à 90 % par des partenariats privés, les 10 % restant étant bien sûr pris en charge par des tutelles publiques. Manière de souligner l’indépendance du festival vis-à-vis de la Ville ? Corinne Bernard avait en tout cas jugé bon de rappeler, un peu plus tôt, que les élus n’avaient aucun droit de regard sur le choix des œuvres.
« Ne comptez pas sur nous pour nous faire récupérer par qui que ce soit », a déclaré, un brin emphatique, Jérôme Catz à l’issue de son échange avec les membres du collectif. Dont l’un d’entre eux a remarqué le peu d’engagement sur le fond que comportaient les fresques portées par le festival.
Et ce dernier de noter que le street art valait autant par la forme que par le fond, avant de se faire, lui aussi, un tantinet dramatique : « Le nouveau Banksy ne sera pas dans ce festival mais en train d’être pourchassé par la police. »
Adèle Duminy
Infos pratiques
Grenoble Street Art Fest ! 2017
Du 7 au 25 juin 2017
Spacejunk Art Centers
Les lieux
Ancien musée de peinture
Hyper centre
Quartier Championnet
Quartier Berriat
Villeneuve
Fontaine
Campus Saint-Martin‑d’Hères