EN BREF – Ce mercredi 24 mai, le camp Valmy a été démantelé par la police, à la demande de la préfecture. Les Roms ont été emmenés, dans la foulée, dans les gymnases la Houille Blanche et Alphonse Daudet de Grenoble. Des abris temporaires qu’ils occuperont… jusqu’au prochain déménagement.
Évacués du camp Valmy à la demande de la préfecture, les Roms sont arrivés vers 17 heures au gymnase Daudet, dans le quartier Alliés-Alpins. Ils sont environ une petite centaine. Les autres ont été dirigés vers le gymnase Houille Blanche, quartier des Eaux-Claires.
Missionné par la préfecture, un responsable de l’Arépi (association régionale d’insertion) coordonne l’organisation de ce séjour de fortune et supervise l’emménagement des demandeurs d’asile. Deux agents de sécurité, également envoyés par la préfecture veillent au bon déroulement des opérations. L’un est posté dans la cour, l’autre dans le gymnase. « On est là depuis midi… Les gens ne parlent pas français, on a un peu de mal à se comprendre ! », lance l’un d’eux, plutôt affable.
Les bénévoles de la Croix rouge sont en train de quitter les lieux, après avoir déchargé des lits de camps que les demandeurs d’asile ont disposés tout autour de la salle de sport, avec leurs affaires personnelles. Frigos et micro-ondes ont également été prêtés par l’association. « Il y a des douches et des toilettes dans le gymnase. Ils ont tout le nécessaire », assure l’agent de sécurité. Des repas seront apportés à 19 h 30.
Devant le gymnase, des tout jeunes enfants pédalent à vive allure sur leurs petits camions et vélos, tandis que les plus grands jouent au basket… Des groupes d’adultes à la mine stoïque se sont assis sur des murets et discutent. Certains sortent dans le quartier pour aller faire une petite course au commerce du coin. La vie semble avoir repris son cours…
Un semblant de retour « à la normale »
L’inquiétude se lit néanmoins sur les visages. Les dernières heures ont été éprouvantes. Les Roms viennent de subir un déménagement express, après avoir été la cible d’actes d’intimidation…
« Les motos, la voiture brûlée, la présence de la police nombreuse qui est venue nous questionner alors qu’on est victimes ! raconte Habib, un jeune Rom dans un français plutôt correct, et le déménagement, poursuit-il, ont beaucoup perturbé les gens ».
Habib est venu de Serbie avec sa femme et sa petite fille. Pourquoi sont-ils venus en France ? Lui demande-t-on à brûle-pourpoint. « Parce qu’il y a des vendettas dans nos pays, de la discrimination envers les Roms, des problèmes politiques… » répond-il. Ce qu’il devra bien sûr expliquer en détail aux autorités, s’il veut obtenir un titre de séjour afin de pouvoir travailler.
« Je voudrais juste m’intégrer, avoir un travail pour ma famille. Avoir une vie simple, c’est tout », dit-il. Il sait que ce sera long. En attendant, il fait la manche. Cet argent lui permet de faire quelques courses. D’autres sont plus à plaindre que lui : « Ici, il y a des femmes enceintes, des personnes âgées qui ont des problèmes au cœur, des familles et beaucoup d’enfants… Le choc a été dur à encaisser pour certains », ajoute-t-il.
« Hier encore, on ne savait pas qu’on viendrait ici ! »
Vers 18 h 30, le Samu arrive. Sur le brancard, c’est une femme enceinte qu’on emmène. Son cœur s’est emballé. Il faut l’emmener aux urgences.
La jeune femme pleure d’inquiétude. Son mari, le visage angoissé, l’accompagne. « Ils ne parlent pas un mot de Français ! », lance un Grenoblois macédonien, venu faire l’interprète. Il tente de les rassurer tandis qu’ils embarquent dans le Samu.
Savent-ils combien de temps ils vont rester ici au gymnase Daudet ? Olivera, maman Rom de 32 ans répond en anglais.
Et d’esquisser difficilement un sourire : « Je n’ai aucune idée de combien de temps on va rester là, et où on va après… Hier encore, on ne savait pas qu’on viendrait ici ! »
Venue de Serbie avec son mari et ses quatre enfants, Olivera est en France depuis deux mois et demi. Ses enfants sont scolarisés comme l’ensemble de ceux du groupe. « Mes trois grands vont au collège et le plus petit à l’école primaire. Les écoles ne sont pas loin », explique-t-elle, en indiquant de la main la direction des établissements.
La situation des Roms est précaire, l’occupation du gymnase temporaire. « Probablement que, dès lundi [après le pont et le week-end de l’Ascension, ndlr] il faudra qu’ils partent… », suppose le Grenoblois macédonien. Personne ne sait en fait. Pas même le responsable de l’Arépi. De quoi taper sur les nerfs de certains. « Oui, on est beaucoup stressés » dit laconique Olivera, avant de nous dire au revoir, puis de retourner dans le gymnase.
Séverine Cattiaux