FOCUS – Le Réseau du 22, soutenant les anciens squatteurs du Village olympique, a mené une double action coup de poing ce mardi 9 mai : après avoir brièvement investi l’administration du CHU, propriétaire de l’ancienne polyclinique de la rue Aristide-Bergès, il a réoccupé le bâtiment, évacué mercredi dernier par la police. Le collectif, qui dénonce une « expulsion illégale », pointe le sort des demandeurs d’asile africains, contraints de quitter leur squat du Village olympique après l’incendie du 15 mars dernier. Beaucoup d’entre eux, hébergés depuis dans des hôtels, se retrouveront en effet sans solution de relogement à partir de vendredi.
L’action s’est déroulée en deux temps. En fin de matinée, un groupe d’une vingtaine de personnes, migrants et membres du Réseau du 22 (collectif regroupant vingt-deux organisations en soutien aux anciens squatteurs du Village olympique), a fait irruption dans les locaux abritant la direction du CHU.
Pourquoi le CHU ? Car l’établissement est le propriétaire de l’ancienne polyclinique de la rue Aristide-Bergès, occupée il y a une dizaine de jours par ce même collectif, avant d’être évacuée par la police cinq jours plus tard.
« C’est encore le domicile des personnes qui sont dedans puisque l’expulsion était illégale »
« On a demandé à rencontrer les responsables du CHU mais ils n’ont pas voulu dialoguer et ont appelé immédiatement la police, raconte un demandeur d’asile congolais, ancien du VO. On a vu arriver trois fourgons de police plus des agents de la Bac (Brigade anti-criminalité), qui nous ont bousculés avec force et menacés. »
Au même moment, une quarantaine de militants ont occupé ou plutôt réoccupé le bâtiment du 1 – 3 rue Aristide-Bergès, donnant sur les quais de l’Isère. « Techniquement, nous sommes juste rentrés chez nous : c’est encore le domicile des personnes qui sont dedans puisque l’expulsion de mercredi dernier était illégale, le bâtiment étant occupé depuis plus de quarante-huit heures [période à partir de laquelle la décision d’expulsion doit être prononcée par un juge] », explique une représentante du Réseau. Tous rappellent d’ailleurs les nombreuses preuves d’occupation attestées par une juriste.
Pour le collectif comme pour les migrants, le temps presse. Après l’incendie, le 15 mars dernier, de la Tour Canada au Village olympique, les quatre-vingt-dix habitants du squat – en grande majorité des réfugiés et demandeurs d’asile africains (Soudanais, Érythréens, Nigérians, Guinéens, Camerounais, Congolais…) – ont été soumis à des fortunes diverses. Si trente-deux d’entre eux ont été hébergés par l’État dans un centre de vacances d’Autrans, puis réorientés en Cada (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile), les autres squatteurs ont pour la plupart été logés dans des hôtels, par le CCAS de Grenoble.
« Sans solution de relogement après le 12 mai »
Problème : « cet hébergement en hôtel se termine vendredi 12 mai », déplorent de concert deux exilés du Village olympique, respectivement congolais et ivoirien. « Et on ne connaît pas la suite », poursuit le premier nommé, toujours dans l’attente de la réponse à sa demande d’asile. « On est très nombreux à être sans solution de relogement après le 12 mai », s’indigne le second qui martèle, comme une évidence : « Dormir dehors, ce n’est pas facile ! Et je sais de quoi je parle. »
A l’instar du bâtiment de la rue Aristide-Bergès, désaffecté depuis deux ans, il existerait « près de 10 000 logements vides dans l’agglomération grenobloise, selon le demandeur d’asile congolais. Mais il y a 2 500 à 3 000 personnes qui dorment dans la rue. » Un « scandale », selon une militante, qui regrette que « l’État et la ville de Grenoble se renvoient la balle. La préfecture est responsable de l’expulsion mais on n’a pas non plus de retour de la mairie, alors qu’Éric Piolle est président du conseil de surveillance du CHU ».
Après avoir redouté, en vain, l’intervention de la police pendant une bonne partie de la journée, plusieurs membres du Réseau du 22 occupaient encore les lieux ce mardi soir, au 1 – 3 rue Aristide-Bergès et s’apprêtaient à y passer la nuit, sous la surveillance de vigiles.
Manuel Pavard