FOCUS – Mercredi après-midi, la police a procédé à l’évacuation d’un bâtiment squatté depuis quelques jours, rue Aristide Bergès, à Grenoble. Une occupation initiée par le collectif de soutien aux anciens résidents du squat du Village olympique, détruit par un incendie le 15 mars dernier. En investissant ce nouveau lieu – le deuxième squat expulsé en moins d’un mois –, leurs occupants entendaient dénoncer les manquements de l’État, une grosse partie de ces réfugiés et demandeurs d’asile africains n’ayant toujours pas bénéficié d’une solution pérenne d’hébergement.
Le “chemin de croix” des squatteurs du Village olympique se poursuit. Trois semaines après l’expulsion de l’ancien hôtel du Moucherotte, rue Auguste Gaché, brièvement occupé entre le 6 et le 11 avril dernier, un nouveau lieu a été évacué par la police, ce mercredi 3 mai. Situé au 1 – 3 rue Aristide Bergès, près des quais de l’Isère, cette ancienne polyclinique appartenant au CHU, désaffectée depuis deux ans, avait été investie vendredi dernier par des militants soutenant les migrants. Objectif : assurer à terme un hébergement aux ex-résidents du squat du VO, dont une bonne partie se retrouvera bientôt sans solution de relogement.
Ces derniers, originaires pour la plupart du Soudan et d’Érythrée, mais aussi du Tchad, du Cameroun, du Nigéria ou de Guinée, sont « pour la quasi-totalité en procédure de demande d’asile ou même bénéficiaires du statut de réfugié et devraient donc être logés par l’État », explique une membre du collectif.
Au total, près de 90 demandeurs d’asile africains occupaient depuis plus de quatre ans une ancienne résidence universitaire du Crous, « en totale connaissance de cause par les services de la préfecture et de l’Office français de l’immigration et l’intégration. »
Aucune proposition de relogement au-delà du 12 mai
Mais le 15 mars dernier, un incendie d’origine inconnue ravageait la Tour Canada, causant dix-huit blessés, dont un grave. Dans la foulée, 32 personnes étaient hébergées dans un centre de vacances d’Autrans, avant d’être réorientés vers des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) ou des hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda).
« Les autres, précise la militante, ont été pris en charge par le CCAS puis logés dans des hôtels. Sur 65 à l’origine, ils étaient encore 45 en hôtel ces derniers jours, d’après les chiffres fournis. Mais on a appris récemment que cet hébergement se terminait le 12 mai et qu’aucune proposition de relogement n’avait été faite au-delà. »
Afin de « rappeler l’État à ses obligations » et d’appuyer la « réquisition des logements vides, très nombreux à Grenoble », le collectif regroupant diverses organisations de soutien aux réfugiés et mal-logés a alors décidé d’ouvrir de nouveaux squats à deux reprises : début avril, rue Auguste Gaché, et donc ces derniers jours rue Aristide Bergès. Pour un résultat identique…
« Les deux fois, les expulsions étaient illégales »
« Mercredi midi, on a organisé une cantine devant le bâtiment puis, environ une heure après le repas, plusieurs fourgons ont débarqué en trombe devant la rue et des policiers en sont sortis, casqués et équipés », raconte un autre militant.
Les quelque trente personnes présentes sur les lieux en soutien dénoncent unanimement un « usage disproportionné de la force » et la « brutalité » de l’intervention policière, assortie de « gazage et matraquage ». Cinq ou six squatteurs occupaient le bâtiment depuis vendredi – en vue d’y héberger par la suite des réfugiés. L’un d’entre eux a été conduit à l’Hôtel de police pour une vérification d’identité, avant d’être libéré.
Selon eux, « les deux fois, en avril et cette semaine, les expulsions étaient illégales. C’est devenu une pratique assez systématique : les policiers n’ont même pas demandé les preuves d’une installation depuis quarante-huit heures [soit le délai donnant temporairement une base légale à l’ouverture d’un squat]. » Retour à la case départ pour les demandeurs d’asile… alors que le 12 mai approche.
Manuel Pavard