FOCUS – Petite nouvelle à Grenoble, la Semaine du vin naturel se tiendra du 9 au 14 mai 2017 dans différents établissements s’intéressant de près à ce breuvage dépourvu, ou presque, d’ajout de soufre. Deux des organisateurs, Ghislain Parant et Jean-Marie Mouron, nous renseignent sur les finalités de cet évènement et sur le vin naturel, qu’ils défendent avec passion.
L’an passé, nous nous étions fait l’écho de la tenue, au boulodrome, de la 9e édition du salon À la rencontre du vin naturel de Grenoble. Cette année, faute de lieu où organiser la 10e édition du salon, l’association S‑Prit, organisatrice de l’évènement, a dû renoncer à réunir les vignerons habituellement présents. Que les amateurs de vin dits “nature” ou “naturels”* se rassurent, un autre rendez-vous se profile pour la première fois à Grenoble : La semaine du vin naturel, du 9 au 14 mai.
Aux manettes, Ghislain Parant, ancien président du salon À la rencontre du vin naturel de Grenoble, Dominique Couderc, ancien sommelier de la Corne d’Or et caviste itinérant à Lyre Entre Les Vignes, Jean-Marie Mouron, ancien gérant du bar à vin Le Vin Au Vert, et Cédric Mendoza, fondateur du site vinsnaturels.fr ont décidé de créer cette semaine sur l’exemple du Mois du vin naturel à Lyon, dont la 2e édition s’est déroulée en novembre 2016.
Plusieurs rendez-vous concentrés sur une semaine
Le principe ? « C’est le même concept qu’à Lyon. On constate avec plaisir qu’à Grenoble il y a de plus en plus d’établissements qui travaillent avec des vins nature. On est donc allé à leur rencontre pour leur proposer de le promouvoir en créant une activité pendant cette semaine [à savoir des rencontres, débats, projections, dégustations, ndlr]. De notre côté, on concentre et on relaie l’information », explique Ghislain Parant.
Pourquoi avoir préféré cette formule “éclatée” à la tenue d’un salon potentiellement plus fédérateur ? « Le salon existe déjà, donc il n’était pas question de le refaire. On ne veut pas marcher sur les platebandes de l’association S‑prit », précise l’ancien président de ladite association. « D’autant plus qu’il y aura tout de même un salon à la Corne d’Or pour clore la semaine. Ce sont justement les vignerons présents habituellement sur le salon À la rencontre du vin naturel de Grenoble qui en ont pris l’initiative », ajoute Jean-Marie Mouron.
Il faut dire que les vignerons regrettaient de ne pas se rendre à Grenoble, qui représente un bassin véritablement prospère pour le vin naturel et, partant, recèle une clientèle fidèle.
Faire connaître le vin naturel aux consommateurs et aux vignerons
Le but affiché de cette semaine ? « Mettre en lumière ces vignerons qui travaillent naturellement, sainement. » Mais au fait, où en sont les consommateurs de leurs connaissances en matière de vin naturel ? « On en est au b.a.-ba. Quand j’ai lancé le salon en 2006, c’était suite au constat que, quand j’allais manger quelque part, je ne trouvais aucun vin qui me convenait, c’est-à-dire des vins nature. D’abord, je voulais que les restaurateurs prennent connaissance de ces vins-là et s’en fassent l’écho », se souvient Ghislain Parant.
Onze ans plus tard, les amateurs de vin sont de plus en plus nombreux à avoir découvert ce breuvage. Mais, de l’avis de l’organisateur de la Semaine du vin naturel de Grenoble, il faudra encore une génération pour que le vin naturel « soit vraiment ancré dans les mentalités ».
Et la première cible à convaincre demeure les vignerons eux-mêmes. Difficile d’abandonner la chimie ? « C’est plus compliqué de faire avec rien que de jouer avec les instruments chimiques. Si le vigneron ne parvient pas à faire un bon vin, économiquement, ça peut être très compliqué. Il y a un risque », reconnaît Ghislain Parant. « Et puis, ce sont souvent des vignerons qui travaillent dans de petites structures. On n’est pas dans des exploitations à 80 ou 100 hectares. Si une récolte est perdue un an, c’est véritablement un an de trésorerie qui s’envole », complète Jean-Marie Mouron.
Le goût et le coût
Que dire du goût du vin naturel à un habitué du vin standard ? « Il risque d’être perturbé. La première fois que j’ai goûté un vin nature – en sachant que j’ai été élevé au Bordeaux de la grande distribution –, j’ai trouvé ça déroutant, très bizarre. Ensuite, j’ai fait un ou deux allers-retours entre vins standards et vins naturels avant de ne plus boire que les seconds », raconte Ghislain Parant.
« Qu’on l’aime ou pas, il faut dire que le vin nature a des propriétés. C’est celui qui est le plus proche du terroir. Il n’est pas très difficile de trouver sa région en le goûtant, au contraire des vins standards au goût très uniformisé. Et puis, le vin nature fait ressortir le fruit », ajoute Jean-Marie Mouron avant d’être rejoint par Ghislain Parant : « De toute façon, la chimie – le soufre en particulier – sert à tuer les bactéries pour stabiliser l’ensemble. Et si on tue les bactéries, on tue beaucoup de composés aromatiques. »
Précisons toutefois que la consommation exclusive de vins naturels n’est pas à la portée de toutes les bourses, comme le laisse entrevoir certains des tarifs des dégustations programmées durant la semaine du vin naturel. « C’est évidemment plus cher qu’une bouteille de vin de la grande distribution. Les vignerons en vins nature travaillent à la main. Il y a énormément de travail à la vigne. Le rendement est beaucoup moins important », énumère Jean-Marie Mouron.
« Les engrais servent à donner beaucoup de raisins. Quand on fait les vendanges chez un vigneron nature, on voit des grappes avec des petites baies, contrairement aux vignes dopées pour faire du volume. Les prix peuvent donc être plus bas. Le vigneron en vin nature recherche, bien sûr, une concentration gustative plus grande dans ses baies. Ce petit rendement est calculé. Le vin se fait à la vigne », conclut Ghislain Parant. À méditer.
Adèle Duminy
* Le vin naturel selon Gilles Vergé
« Loin de l’esprit des vins commerciaux qui sont volontairement standardisés au goût d’une forme de clientèle, les vins naturels sont des “produits” à l’opposé de la normalisation, qui essaient d’être au plus près de la qualité de goût des raisins et de puiser leur typicité dans leurs terroirs respectifs. Les vignerons qui s’investissent dans cette “forme” de vin tachent de travailler les vignes et aussi les vins en respectant la nature des sols par un travail long et minutieux […] pour permettre à la vigne de donner au mieux ses qualités de terroir et de pureté ; ce qui implique l’absence de désherbant, de pesticides, d’engrais, d’insecticides et de produit de synthèse. Le fait de travailler les vins en naturel implique de laisser les levures indigènes opérer leurs transformations successives afin d’obtenir une vinification longue, calme et stylée pour permettre aux vins de laisser apparaître toutes leurs expressions. De surcroît, l’emploi d’un minimum de soufre ou pas de soufre du tout est une règle de conduite. »
Gilles Vergé, Vigneron dans le Mâconnais, présent pendant la journée des vignerons, le 13 mai 2017 à la Corne d’or.
Infos pratiques
La semaine du vin naturel
Du 9 au 14 mai 2017