FOCUS – À Grenoble, des étudiants ont été nommés ambassadeurs de One, une ONG humanitaire internationale qui interpelle les gouvernements à travers le monde. Leur mission ? Convaincre les candidats français à l’élection présidentielle de s’engager contre la pauvreté en Afrique.
« Vaincre la pauvreté n’est pas un acte de charité. C’est un acte de justice », affirmait Nelson Mandela. Une formule dont Florence, Pierre et Anne Sophie ont fait leur maxime. Ces trois étudiants grenoblois font partie des cinquante jeunes ambassadeurs choisis par l’ONG One. Leur objectif ? Interpeller les candidats à l’élection présidentielle pour qu’ils s’engagent à lutter contre la pauvreté et la corruption en Afrique.
Les jeunes ambassadeurs invitent les citoyens à envoyer mails, tweets, messages Facebook et même vidéos aux candidats, à travers la plateforme internet de l’ONG. Avec pour message la vidéo de Romy, une petite fille de huit ans qui lance le défi « Cap ou pas cap » de s’engager contre la pauvreté en Afrique.
Munis de leur smartphone, les jeunes ambassadeurs ont notamment sollicité les étudiants présents sur le campus de Gières, le 29 mars dernier. Ils ont ainsi pu obtenir une quarantaine de signatures supplémentaires sur la plateforme internet de l’ONG.
Et ce de la part d’étudiants de tous bords politiques : « L’ONG veut dépasser les clivages. L’Afrique, c’est l’affaire de tous ! Tous les citoyens et candidats sont susceptibles d’être intéressés par ces questions », explique Pierre Jothy, 20 ans, étudiant à Sciences Po Grenoble.
Les jeunes ambassadeurs vont à la rencontre des élus locaux. Comme Mondane Jacquat, adjointe santé et politique de prévention à la ville de Grenoble, le 7 avril dernier. Anne Sophie Martin et Florence Ramel, deux étudiantes à Grenoble école de management, sont aussi intervenues dans leur école pour présenter les missions de l’ONG. Pierre Jothy est, quant à lui, allé à la rencontre de Nicolas Hulot et de Philippe Poutou, lors de leurs visites dans la capitale des Alpes. Finalement, tous les moyens sont bons pour interpeller les élus susceptibles d’avoir un poids politique dans l’engagement français en Afrique.
Benoît Hamon, premier candidat officiellement engagé auprès de One
Benoît Hamon, candidat du parti socialiste (PS), est le premier candidat à avoir répondu favorablement à l’appel de l’ONG, suite à une rencontre avec de jeunes ambassadeurs lors du dernier Salon du livre à Paris.
Il s’engage à respecter les quatre recommandations formulées par One (cf. encadré), en cas de victoire à la présidentielle. Parmi elles, l’augmentation de l’Aide publique au développement (APD) à 0,7 % du revenu national brut (RNB). Des objectifs que Benoît Hamon doit respecter d’ici 2022. Et que l’ONG aura pour mission de surveiller tout au long de son mandat, s’il est élu. Jean-Luc Mélenchon a, lui, répondu « cap » à l’appel de l’ONG, le 6 avril dernier.
Emmanuel Macron, candidat du mouvement « En marche » s’est, pour sa part, engagé à augmenter le budget de l’APD à 0,7 % du RNB… d’ici 2030. Toutefois, ce délai, qui s’étend au-delà de deux mandats présidentiels, est « beaucoup trop long », juge Pierre Jothy. « Pour s’engager auprès de One, Emmanuel Macron doit promettre respecter un délai plus court et plus raisonnable », insiste-t-il.
Quid des autres « Pas cap » ? François Fillon, Nathalie Arthaud, Jean Lasalle, Philippe Poutou, François Asselineau et Marine Lepen font également partie des “mauvais élèves”.
Des amendements votés sous la pression de One
Loin d’être utopique, la mobilisation citoyenne de One a porté ses fruits en 2016. Pour Florence, ambassadrice pour la deuxième année consécutive, « l’objectif est aussi de montrer que la mobilisation citoyenne a des impacts réels ».
La baisse de 877 millions d’euros de l’APD de la France – second pays contributeur après l’Allemagne – avait suscité en 2015, sous le quinquennat Hollande, l’indignation de certaines ONG. Suite à une forte mobilisation citoyenne, impulsée notamment par les jeunes ambassadeurs de One, l’APD a finalement été rehaussée de 365 millions d’euros en 2017, soit 11 % de plus qu’en 2016, se félicitent les porte-parole de One.
Mais l’APD aurait dû être revue à la hausse depuis bien longtemps déjà. Les pays des Nations-Unis s’étaient en effet engagés, il y a quarante-cinq ans, à lui consacrer 0,7 % de leur revenu national brut. Une promesse, renouvelée en 2005 au G8, mais toujours au point mort.
En 2016, les jeunes ambassadeurs ont décroché une trentaine de rendez-vous politiques. Entre autres, Bill Gates, engagé depuis des années contre la pauvreté, Jean-Marc Ayrault, Pascal Cherki (PS), Jean-François Mancel (UMP), ou encore Michel Destot, député PS de l’Isère et ancien maire de Grenoble. « On a proposé des amendements aux parlementaires. Beaucoup ont d’ailleurs été votés », précise Florence.
« Le développement passe souvent au second plan »
« Ce que j’aime chez One ? On ne demande pas d’argent aux citoyens, on demande leur voix », explique Pierre Jothy. La jeunesse est un atout solide pour l’ONG : les étudiants savent utiliser les réseaux sociaux et les outils internet qui permettent de mener des campagnes de sensibilisation. « D’autant plus que la jeunesse d’aujourd’hui sera celle qui dirigera le monde de demain », poursuit le jeune ambassadeur.
Quelques chiffres pour alerter l’opinion publique sur le site de One. En Afrique subsaharienne, 7 personnes sur 10 n’ont pas accès à l’électricité ; 800 enfants meurent chaque jour du paludisme ; 6,2 millions de professeurs supplémentaires sont nécessaires pour assurer une éducation primaire d’ici 2030…
C’est cette urgence morale qui a convaincu Florence, Pierre et Anne-Sophie de s’engager auprès de One. « Un continent entier est laissé pour compte. On utilise ses ressources et, après, on s’en fout… », résume Pierre. Avant qu’Anne-Sophie n’ajoute : « La nature humaine est foncièrement égoïste. Il est aussi plus difficile de venir en aide à des personnes qui sont physiquement loin et qu’on ne voit pas. C’est pourtant nécessaire », ajoute Anne-Sophie.
Pourquoi les thèmes du développement sont-ils si peu abordés dans les programmes des candidats ? Pour Pierre, « le problème, c’est que les politiques publiques sont principalement centrées sur la France », en dépit des liens étroits noués avec le continent africain depuis l’époque coloniale.
« Le thème du chômage est omniprésent dans les programmes. Le développement passe souvent au second plan », estime Florence. Selon elle, le manque d’intérêt pour le développement en Afrique s’explique par le poids « des lobbys, bancaires notamment qui poussent les candidats dans l’autre sens du développement […] C’est pourquoi la pression citoyenne est primordiale », ajoute l’ambassadrice de l’ONG.
Anaïs Mariotti
ONE, EN BREF
Créée en 2004 et cofondée par le chanteur Bono de U2, l’ONG One se veut apolitique, la lutte contre la pauvreté dépassant tout clivage politique. Présente dans sept pays européens, au Nigéria et aux États-Unis, One compte 7 ‚8 millions de membres à travers le monde, dont 385 000 en France.
Elle a pour missions de lutter contre la pauvreté des populations africaines et la corruption des gouvernements. Mais aussi, de défendre le droit des femmes et des enfants, plus vulnérables face à l’extrême pauvreté.
Quatre recommandations pour les candidats à la présidentielle
- Augmenter le budget de l’Aide publique au développement (APD) pour qu’il atteigne 0,7 % de la richesse nationale brute (RNB) d’ici 2022. Actuellement, cette aide publique s’élève à 0,41 % du RNB.
- Donner la priorité aux plus démunis en Afrique, et notamment aux femmes, premières victimes de la pauvreté.
- S’engager contre l’évasion fiscale et la corruption qui privent des États africains de ressources vitales.
- Promouvoir mondialement le développement, notamment lors du G20 et auprès de l’Union européenne.