FOCUS – Jusqu’au 17 juin 2017, le palais de justice de Grenoble prend des airs d’espace d’exposition. Les amateurs d’art contemporain peuvent donc arpenter la monumentale salle des pas perdus de la Cité judiciaire façon balade au musée. C’est l’artiste plasticien Denis Arino qui ouvre le bal avec son abstraction géométrique qui relève d’un travail sériel, qu’il qualifie lui-même de décoratif. Explications.
C’est une première. L’art contemporain s’invite au Palais de Justice de Grenoble. Et ce à l’initiative de Jean-François Beynel, Premier président de la cour d’appel de Grenoble.
Ce dernier entend « faire pénétrer en ce lieu le passant, l’amateur d’art, l’homme éclairé et curieux, qui n’aurait jamais eu l’idée de venir au cœur de la machine judiciaire, pierre angulaire de la cité et de la démocratie, pour qu’il puisse, au prétexte de l’art, rencontrer l’institution si peu familière, si présente et si lointaine en même temps. »
Pour ce faire, du 20 janvier au 17 juin 2017, l’artiste plasticien Denis Arino, secondé par son complice architecte Marc Givry, a été invité en ces murs, plutôt gris et franchement austères, admettons-le. Jeux de dallages et perfection formelle du bâtiment ont du reste laissé l’artiste dubitatif dans un premier temps.
Un art décoratif
« Marc Givry a su me convaincre d’accepter et je crois que, sans être présomptueux, mes tableaux révèlent quelque chose de l’espace. Ils fonctionnent comme un contrepoint vis-à-vis de leur environnement », explique Denis Arino.
De fait, à l’entrée de la salle des pas perdus, où est présente l’exposition, deux des toiles du peintre modifient notre perception de l’allégorie de la justice signée Victor Sappey, le célèbre sculpteur grenoblois du XIXe siècle, rendu étrangement anachronique ici.
Denis Arino apprécie ces rencontres fortuites et dit volontiers de son travail qu’il est « décoratif ». « On pense souvent que le terme est péjoratif. Mais cela veut dire que mes toiles ne sont pas narratives et qu’elles viennent habiller un espace », précise l’artiste.
Rien ne sert de chercher dans son trio de couleur – rouge, noir et gris – une explication quelconque. Point de clin d’œil à Stendhal donc, et pas non plus de lien avec la magistrature. Mais son travail n’étant pas narratif, rien n’empêche d’y accoler sa propre fable. Ce dont ne se prive pas – joliment – Jean-François Beynel en introduction du catalogue de l’exposition : « Rouge, comme le sang et le pouvoir, comme la colère et la douleur, noir comme l’oubli, le désarroi et la vengeance, mais aussi grise comme le compromis, la réconciliation et le mélange du loin pour toucher au près, la justice est comme les tableaux de Denis Arino, une image des excès, des passions et des espoirs. »
Un travail sériel
« La finalité de cette installation est d’animer par des volumes colorés une succession de plans ouvrant sur les salles d’audience », déclare Denis Arino, qui envisage ses toiles comme des objets. Lesquels, grâce à leurs bords peints, présentent un caractère fini.
En guise de motif récurrent, une forme proche de la grecque – motif ornemental courant dans la Grèce antique – vient s’inscrire en creux, grâce à une superposition de lignes sur la surface préalablement recouverte.
« Il s’agit là d’un travail sériel et répétitif, intuitif et logique, dénué de toute intention démonstrative », résume l’artiste. En somme, la réflexion plastique prime chez cet artiste qui a réalisé des centaines de toiles et autres installations selon ce même motif.
« Mes tableaux ne racontent rien, leur langage est celui de la géométrie et de la couleur posée en aplat. Pour cette exposition, il m’apparaît comme une réjouissante facétie que le signe plastique auquel j’ai recours, emprunté à l’art antique et sans allusion discursive ou symbolique, puisse souvent être interprété comme une grille et, de ce fait, évoquer l’univers carcéral. » Tenons-le nous pour dit.
Adèle Duminy
Infos pratiques
Place Firmin Gautier, 38 000 Grenoble
Exposition « Décor », de Denis Arino et Marc Givry
Jusqu’au 17 juin 2017
Gratuit