FOCUS – Le festival de films Les Dérangeantes entame sa troisième édition à Grenoble. Du 6 au 31 mars, le planning familial de l’Isère, association féministe et d’éducation populaire, questionne la place des femmes dans la société à travers une série de projections-débats dans différents quartiers de la ville.
Alors que se profile la 40e journée des femmes – le 8 mars 2017 – s’ouvre, à Grenoble, la 3e édition du festival de projections-débats Les Dérangeantes, centré autour de la thématique de l’égalité hommes-femmes. Question naïve : au XXIe siècle, l’égalité des sexes n’est-elle pas déjà acquise ? « La réalité, c’est qu’en matière de droits, les choses ont bien évolué. Dans la législation, on peut dire que l’égalité est acquise, oui. Par contre, dans les faits, on est loin du compte. On a encore beaucoup de luttes à mener », résume Pascale Perrin, conseillère au Centre de planification et d’éducation familiale de Grenoble et organisatrice du festival Les Dérangeantes.
C’est donc pour faire prendre conscience de la véritable place que les femmes occupent aujourd’hui dans la société que l’idée d’organiser un festival a germé dans l’esprit de la conseillère. « Les films m’ont paru un moyen intéressant de montrer que l’égalité hommes-femmes est encore à conquérir. De même, les débats qui les suivent toujours sont très utiles. L’année dernière, au Prunier sauvage [qui accueille cette année la projection du film Frances Ha, le mardi 7 mars, ndlr], on a mis en place des débats en petits groupes avec le concours d’animatrices pour faire circuler la parole. Comme ça a très bien fonctionné, on a reconduit la formule cette année. »
« Beaucoup d’homophobie et de lesbophobie »
Côté programmation, les films sont choisis en collaboration avec les différents partenaires impliqués (des salles de spectacles comme le Prunier sauvage dans le quartier Mistral, des MJC, comme celle du quartier des Eaux-Claires, des maisons des habitants ou des bibliothèques).
Pour exemple, mardi 14 mars à la bibliothèque des Eaux-Claires, sera projeté La Belle Saison, réalisé en 2015 par Catherine Corsini.
Le film raconte l’histoire d’amour de deux femmes dans les années 1970. L’une est très engagée dans les mouvements de luttes féministes quand l’autre évolue dans un milieu rural très conservateur.
« Pendant le débat, on se demandera par exemple si les questions soulevées par le film sont toujours d’actualité aujourd’hui, quelle est la place de l’homophobie dans notre société… »
En tant que conseillère du planning familial, Pascale Perrin a déjà son idée sur la question. « Le travail est quotidien, il y a beaucoup d’homophobie et de lesbophobie. Je travaille beaucoup avec le lycée Vaucanson, dans le quartier Mistral-Eaux-Claires… Je constate que c’est très installé dans les mentalités. »
Éducation à la sexualité et bataille contre les préjugés
Comment lutter contre cette homophobie et, plus largement, comment informer davantage les adolescents sur la sexualité ? « En 2001, une loi est passée : chaque année, il y devrait y avoir dans toutes les classes, pendant toute la scolarité, trois séances annuelles d’éducations à la sexualité et au vivre ensemble des filles et des garçons. Le problème est que les jeunes ne bénéficient jamais de ces trois séances annuelles. On pourrait aussi y parler du poids du sexisme, de la tolérance, des métiers d’hommes et de femmes, des tâches ménagères… Toutes ces questions qui pourraient permettre aux filles de pouvoir gagner confiance en elles, de s’engager dans des métiers à responsabilités… »
La Villeneuve, Mistral-Eaux-Claires, l’Abbaye, le Vieux Temple… le festival programme ses films dans les quartiers grenoblois dits “défavorisés” ou “prioritaires”. Est-ce à dire que le sexisme y serait plus installé qu’ailleurs ? « Je crois que dans tous les milieux, il y a du sexisme. Ce n’est pas le privilège des quartiers défavorisés. C’est vrai qu’il est très pointé sur certains quartiers, notamment au travers de positions racistes, islamophobes. Mais quand on regarde, par exemple, les chiffres des violences faites aux femmes, on voit que le quartier ou la religion ne sont pas déterminants. Si le festival est davantage présent sur ces quartiers c’est parce que c’est là qu’on arrive à avoir des financements pour l’organiser », explique simplement Pascale Perrin.
Adèle Duminy
UN FESTIVAL PRESQUE MIXTE
Toutes les séances sont mixtes excepté celle du jeudi 23 mars à la Salle du Lys Rouge (18 allée de l’École Vaucanson à Grenoble). La réalisatrice Fatima Sissani viendra y présenter son documentaire Les Gracieuses, sorti en 2014. « On a fait le choix de dire non à la mixité sur cette séance car, de temps en temps, pour moins se réfréner dans les positionnements, ce peut être un bon outil », explique Pascale Perrin.
La présence des hommes est-elle souhaitable lors des autres séances (détail de la programmation ci-dessous) ? « Oui, c’est important que les hommes y soient aussi puisqu’ils sont concernés par cette question. Ils sont parties prenantes dans le sens où il faut qu’ils lâchent des choses. Quand les femmes font 70 % des tâches ménagères, ça veut dire qu’il faudrait que les hommes en prennent 20 % de plus pour que ce soit l’égalité. Pareil pour les postes de direction, il faut qu’ils en lâchent pour que les femmes y accèdent. C’est un rapport de pouvoir et de domination qui nous vient de très loin et qui continue dans les faits. Ils ont aussi à agir », souligne Pascale Perrin.
Infos pratiques
Festival Les Dérangeantes
Du 6 au 31 mars 2017, à Grenoble
Le 6 mars à 13 h 30 à la MDH Les Baladins – Séraphine
Le 7 mars à 18 h30 au Prunier Sauvage – Frances Ha
Le 7 mars à 14 heures au Théâtre Prémol – Y aura-t-il de la neige à Noël ?
Le 11 mars à 14 heures à la Pirogue – Tout en haut du monde
Le 14 mars à 18 h 30 à la Bibliothèque des Eaux Claires – La Belle Saison
Le 15 mars à 17 h 30 à MJC des Eaux Claires – Tout en haut du monde
Le 17 mars à 18 h 30 à la Bibliothèque Abbaye – Séraphine
Le 18 mars à 10 heures à la Bibliothèque Arlequin – Wadjda
Le 21 mars à 17 h 30 au Café à l’Affût – Wadjda
Le 23 mars à 18 h 30 à la Salle du Lys Rouge – Les Gracieuses
Le 24 mars à 14 heures à la MDH Centre-Ville – Tout en haut du monde
Le 24 mars à 14 heures à la MDH / MJC Abbaye – Les Gracieuses
Le 31 mars à 14 heures à la MDH Bois d’Artas – Séraphine
Gratuit