FOCUS – « Le pouvoir des villes », tel est le thème que propose d’explorer, du 8 au 11 mars, la 9e édition du Festival de géopolitique organisée par Grenoble école de management (Gem). Quatre jours de conférences, de débats, de projections, d’expositions et de tables rondes animés par plus d’une centaine d’intervenants pour des regards croisés sur les enjeux géopolitiques de ces « objets complexes » que sont devenues les mégalopoles.
« Les villes atteignent des tailles inégalées dans l’histoire, concentrent les formes de pouvoirs, sont des acteurs à part entière des enjeux globaux », expose Jean-Marc Huissoud, le directeur du Festival de géopolitique de Grenoble.
« Un mouvement de fond qui, selon ce dernier, va changer les sociétés, avec les risques de désordres en résultant. » Environnement, urbanisme, économie, technologies, politique…
Vous l’aurez compris, les villes, désormais lieux d’enjeux stratégiques majeurs, sont au cœur des conflits géopolitiques contemporains et au centre des préoccupations de cette nouvelle édition d’un événement de portée internationale.
Les villes : « des objets complexes et multidimensionnels »
« Le pouvoir des villes » ou l’urbanisation du monde, tel est le thème qui sera sous la loupe, du 8 au 11 mars, de la 9e édition du Festival de géopolitique organisée par Grenoble École de management (Gem). Pour alimenter le programme concocté par un comité scientifique composé d’intellectuels et d’acteurs du débat sur le monde d’aujourd’hui, pas moins de 117 invités interviendront pour apporter leur expertise et animer les nombreuses conférences – dont 63 retransmises en direct – , tables rondes, projections ou autres expressions, « des événements dans l’événement ».
Notamment une exposition de peinture, deux émissions de radio en direct, des jeux de rôle et d’évasion ou encore un salon du livre. Et, puisqu’il est question d’écrits, les éditions Armand Colin ont édité pour l’occasion un livre, en série limitée, qui ne sera disponible que pendant la durée du festival.
Écrit sous la direction de Béatrice Giblin et titré La ville, lieu de conflits, cet ouvrage interroge un certain nombre de spécialistes sur quatre cas emblématiques : le Grand Paris, Jérusalem, Rio de Janeiro et Karachi.
Ajoutez à cela ce qui se passera du côté de la Villeneuve, « sous des formes différentes », précise le directeur du festival, avec les secondes Rencontres de géopolitique critique qui s’y dérouleront du 7 au 11 mars. Au final, autant de formulations variées, « de regards croisés qui vont essayer d’éclairer sous le plus d’angles possibles un objet complexe et multidimensionnel […] pour alimenter le débat en informant le public et en ne lui donnant pas du “prêt à penser” sur le sujet », synthétise Jean-Marc Huissoud.
Une approche pluridisciplinaire du pouvoir des villes
Quid du choix de ce thème ? À la base, un constat. Plus de 50 % de la population mondiale est urbaine, 40 % de la croissance des villes se situe dans des bidonvilles, le tout dans un monde où 28 mégalopoles regroupent 12 % de la population terrestre. « Avides de ressources, elles sont au centre des questions environnementales et technologiques. Elles sont aussi des lieux de contestation politique, tant elles concentrent pauvreté, inégalités, pollution, populations déracinées et violences », explique Jean-Marc Huissoud.
Autant de raisons, selon lui, pour « interroger à travers une approche multidisciplinaire les enjeux que représentent l’urbanisation du monde, ses dynamiques, le potentiel des entités urbaines pour leur avenir, et leurs limites ». Et de souligner fièrement qu’à sa connaissance, « c’est la première fois que va se dérouler un événement pluridisciplinaire, pluri-scalaire [à différentes échelles, ndlr] et pluri-temporel sur la question de la ville ».
Une passerelle entre le festival et la Biennale des villes en transition
Au nombre des partenariats du festival, celui, historique, de la Ville de Grenoble se concrétise à travers la participation de la Maison de l’International. « Une manière de faire en sorte que le festival sorte des murs de l’école de management et puisse être un vrai festival de territoire », expose Éric Recoura-Massaquant, directeur de l’action internationale et européenne de la ville de Grenoble.
Ce dernier ne cache pas sa satisfaction du choix fait cette année de créer une articulation, une passerelle entre le Festival de géopolitique et la Biennale des villes en transition, qui déroulera sa foisonnante programmation du 9 au 12 mars dans l’agglomération grenobloise.
« Nous sommes fiers de faire en sorte que ces villes étrangères qui seront nombreuses à la biennale puissent aussi venir sur les temps forts du Festival de géopolitique et nourrir la réflexion aux côtés des chercheurs, des conférenciers et des acteurs de la société civile invités sur l’événement », s’enthousiasme Éric Recoura-Massaquant.
Une belle opportunité donc que les deux entités ont su saisir et valoriser à travers l’organisation de conférences communes qui figurent dans les programmes des deux événements.
Ce sera également le cas de l’exposition Géopol’Art, présentée par Spacejunk Grenoble dans les locaux de Gem et à la Maison de l’International. Mais aussi de la table ronde « exceptionnelle », fruit d’un partenariat tripartite entre Gem, la ville de Grenoble et la société éditrice du Monde, le samedi 11 à la Belle Électrique. Animée par Christophe Ayad, rédacteur en chef international du quotidien, elle portera sur le thème : « Est-il trop tard pour réduire la fracture urbaine ? » ou comment refaire de nos villes le lieu des possibles et non de la fracture. Vaste sujet…
Dix artistes professionnels
L’art n’est pas le parent pauvre du festival, loin s’en faut, et notamment – puisqu’il s’agit des villes – l’art de rue, une esthétique familière dans les cordes de l’association Spacejunk. Quentin Hugard, son responsable de projet et artiste plasticien, voit d’ailleurs dans ce thème du pouvoir des villes l’occasion de questionnements artistiques passionnants.
« Poser les questions de la ville comme lieu d’angoisse par l’anonymat du citoyen, des visions surréalistes quant au devenir des villes, de la place de plus en plus importante de la nature dans la ville… », autant de thématiques que l’exposition Géopol’Art se propose d’aborder.
Du street art au lowbrow art qui se réapproprie les codes issus des médias populaires en passant par le design graphique, tel est le panorama concocté par le centre d’art grenoblois avec le soutien de l’école Supcréa et la participation de ses étudiants. Une double exposition autour de dix artistes professionnels, dont Goin, Doug Bartlett, Dave Bowers, Nick Morris, Nicolas Thomas, Petite Poissone, Étien…
Du beau monde assurément et de quoi « illustrer de manière pertinente et colorée les nombreux débats et conférences du festival », assure l’organisation.
Joël Kermabon