REPORTAGE – Après le train de rassemblements organisés dans quarante autres villes de France la semaine passée, Grenoble accroche à son tour le wagon de l’anti-corruption. Plus d’une centaine de personnes se sont ainsi rassemblées, ce dimanche 26 février place Victor-Hugo, pour dénoncer la corruption des élus. Dans toutes les têtes, les affaires d’emplois fictifs présumés touchant François Fillon et Marine Le Pen.
« Affaires, scandales, fraudes, détournements, emplois fictifs, mensonges… On réagit ? » Telle était la question posée par le collectif organisateur du rassemblement anti-corruption grenoblois dans son appel lancé sur les réseaux sociaux. Un appel auquel, malgré les vacances et le week-end, ont répondu plus d’une centaine de manifestants ce dimanche 26 février, place Victor-Hugo à Grenoble.
En écho avec les rassemblements apolitiques et non-partisans qui se sont multipliés en France la semaine passée et à deux mois de l’élection présidentielle, citoyens et militants de divers mouvements* entendaient manifester leur désillusion vis-à-vis des élus, en dénonçant, dans le calme, un ensemble de pratiques jugées pernicieuses.
« Il y en a plein d’autres qui, dans l’ombre, serrent les fesses »
Dans la ligne de mire de la petite foule massée autour de la statue de Hector Berlioz, François Fillon, soupçonné d’avoir employé son épouse, Pénélope Fillon, pour un travail fictif, mais rémunéré, d’assistante parlementaire. Également visée, Marine Le Pen, suspectée d’avoir fourni un faux contrat de travail à son garde du corps Thierry Légier et éclaboussée par la récente mise en examen pour recel et abus de confiance de sa chef de cabinet, Catherine Griset.
Pour autant, « la réalité est bien au-delà de ces deux seuls exemples », explique au micro Thierry Labelle, le référant isérois d’Anticor, association de lutte contre la corruption et pour l’éthique en politique.
« Il y en a plein d’autres qui, dans l’ombre, serrent les fesses pour que leur situation n’éclate pas au grand jour », ajoute le militant tout en s’excusant de la trivialité du propos. L’occasion pour Thierry Labelle de rappeler que Grenoble est emblématique de la lutte anti-corruption. « À Grenoble, on a l’élu le plus condamné de France pour des faits de corruption […] Nous avons le devoir de porter ce message parce qu’il faut que nous soyons entendus et que cela ne se reproduise plus », martèle le militant.
Dénoncer un système ? Oui, mais sans excès, répond Thierry Labelle, qui tempère, estimant que le slogan « Tous pourris » qui a fusé au début du rassemblement n’est pas celui que retient Anticor. Et de s’en expliquer.
Exiger des candidats qu’ils respectent les dix engagements de la charte Anticor
Un autre orateur est plus virulent : Taha Bouhafs, « citoyen insoumis », par ailleurs candidat aux élections législatives dans la 2e circonscription de l’Isère, n’y va pas avec le dos de la cuillère. « Nous voulons nous battre contre cette poignée de cupides et avares individus ! Pour le peuple, pour nos enfants, que les corrompus dégagent ! », exige le jeune militant.
« Aujourd’hui, ça suffit ! Nous sommes là pour dire non ! Tout comme dans d’autres pays [notamment en Roumanie, ndlr], nous aussi nous en avons marre, déclare Clément Février, un autre citoyen insoumis. Il faut que les élus s’engagent à avoir un minimum de respect pour les citoyens. »
Comment ? En exigeant des candidats aux prochaines élections qu’il s’engagent à respecter les dix engagements de la charte éthique concoctée par Anticor. Ajoutez à cela la demande de suppression de l’amendement, tout récemment voté, instaurant une prescription de douze ans après la commission des faits pour des délits d’ordre économique.
Jo Briant, le porte-parole de la Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants (Cisem), va quant à lui élargir le champ de la corruption. Pour ce dernier, c’est aussi un système au niveau international qu’il faut dénoncer.
« La France est en tête des pays corrupteurs car c’est tout un continent et notamment les anciens pays colonisés que nous exploitons, pillons et appauvrissons », fustige l’infatigable militant.
Après quelques prises de parole, les manifestants se sont réunis en petits groupes qui pour improviser un atelier sur la pelouse jouxtant le bassin, d’autres pour continuer à discuter et échanger. Quant aux suites qui pourront être données à ce premier rassemblement, les organisateurs le promettent, il fera des petits…
Joël Kermabon
* Nuit debout Grenoble, Solidaires Isère, Solidaires étudiants Grenoble, PartiPirate 38, Anticor 38, Uec Grenoble, Jeunes Communistes de l’Isère, Ras L’Front, NPA Jeunes Grenoble ainsi que plusieurs membres de La France insoumise Isère.