FOCUS – Dans un contexte économique tendu, le marché de l’immobilier d’entreprise dans la Région urbaine grenobloise tire honorablement son épingle du jeu en 2016, avec un volume de transactions qui bondit de 77 %, comparé à celui de l’année précédente. Par rapport à 2015, les placements de locaux de commerces et de bureaux se portent bien mieux, et les locaux d’activités s’en sortent assez bien. L’attractivité de Grenoble se maintient, mais les difficultés d’accès en voiture semblent réelles et sérieuses, comme en témoigne Antoine Raymond, PDG du groupe ARaymond Network.
Le marché de l’immobilier d’entreprise de la Région urbaine grenobloise affiche des chiffres plutôt rassurants. C’est ce qui ressort du bilan 2016 réalisé par la FNAIM Entreprises 38. Le volume des transactions dans l’immobilier d’entreprise s’est élevé, l’année dernière, à 42,5 millions d’euros, soit une hausse 77 % par rapport à 2015.
78 % de ces transactions concernent les bureaux, 15 % des locaux d’activités, et 7 % les commerces. Transaction phare de l’année : la cession de l’immeuble Le Sun, situé à Montbonnot, pour 17 millions d’euros. Bonne nouvelle, les professionnels confirment que le marché de l’immobilier d’entreprise devrait continuer sur cette lancée en 2017.
Deux fois plus de transactions pour les commerces
L’année 2016 a été très favorable pour l’immobilier des commerces, avec 125 transactions réalisées, soit plus du double qu’en 2015 (58). « L’année 2015 a été compliquée avec une absence d’enseignes, des offres pas adaptées… Mais 2016 est en totale rupture ! », résume Elia Martini, consultante AGDA.
L’explication de l’embellie ? « Les bailleurs ont revu leurs offres à la baisse », explique la consultante.
Grenoble intra-muros demeure une zone très attractive. 68 % des transactions ont eu lieu sur la ville-centre, ce qui représente une surface de 9 330 m2 sur 30 500 m2 de surfaces commercialisées au total.
Toutefois, de nombreuses demandes sont restées insatisfaites, compte tenu du manque d’offres de grandes surfaces (supérieures à 300 m2).
Félix Poulat, de Bonne, Grande Rue, Lafayette et la Place Grenette ont le vent en poupe. A l’inverse, les rues de la Poste, Jean-Jacques Rousseau, Saint-Jacques et Docteur Mazet sont en perte de vitesse et connaissent une difficulté à résorber les locaux vacants. Concernant les zones commerciales, c’est Échirolles-Comboire qui s’en sort le mieux en 2016.
Le « Sud de l’agglomération » attire de plus en plus
L’immobilier de bureaux s’est bien vendu et bien loué en 2016, avec + 36,7 % de transactions par rapport à l’année dernière. On note une stabilité des loyers et des prix de vente. La location des bureaux représente 71 % des transactions.
Sur les 71 323 m2 d’espaces de bureaux commercialisés, 34 % se situent à Grenoble. Les deux plus grosses transactions majeures de l’année se trouvent également sur la ville-centre. Ce sont l’achat du siège du Crédit agricole de 12 000 m2 (625 euros / m2) par la Ville de Grenoble, ainsi que le bâtiment clé en main de Schneider Electric, d’une superficie de 26 700 m2, situé avenue des Martyrs dans l’écocité de la Presqu’île.
« Le Sud de l’agglomération, situé au centre de l’Y grenoblois prend de plus en plus d’importance comme destination, plus accessible par les salariés venant de l’Est comme de l’Ouest », remarque Hugues de Villard, d’Axite CBRE. Les experts s’inquiètent toutefois, pour le futur, de la pénurie de bureaux dans le neuf.
Autre problématique repérée : le manque de places de stationnement dans les programmes en neuf, qui rebute les acquéreurs, comme à Meylan et Monbonnot. « A défaut, la présence des transports en commun devient une question essentielle parmi les critères de décision des utilisateurs », insiste Sylvain Michalik, consultant à BNP Paribas Real Estate.
Locaux d’activités : des travaux de rénovation à prévoir
Les locaux d’activités dévissent quelque peu en 2016, avec une baisse de 37 % du volume des transactions. Cependant, les 113 606 m2 de locaux placés en 2016 restent un chiffre correct, comparé à la moyenne des onze dernières années (103 582 m2). On constate par ailleurs que la demande s’est accélérée en milieu d’année, à tel point que 80 % des transactions ont été réalisées au second semestre.
Les placements se sont faits de manière assez uniforme, sur la région urbaine grenobloise. Le secteur allant de Saint-Martin‑d’Hères à Sassenage reste, toutefois, le plus recherché par les utilisateurs.
Quelques bémols sont à noter : « Le Grésivaudan est à la traîne […] On a perdu des entreprises qui voulaient rester sur l’agglomération mais qui n’ont pas trouvé de locaux. Ce sont des pertes d’emplois pour le territoire », déplore Guillaume Woutaz, président de la FNAIM Entreprises 38. Le parc de locaux d’activités ne se renouvelle pas assez, au goût des professionnels. Le stock des locaux d’activités est même en baisse de 8 % par rapport à 2015.
« Des problèmes sont à craindre à moyen terme avec un parc de locaux qui ne répond plus aux attentes des utilisateurs type grands comptes et sociétés internationales. » De manière générale, la demande est soucieuse de la qualité du bâti, de l’environnement et de l’image du secteur. Il devient difficile de louer des bâtiments trop vétustes, sans prestations particulières, cela même dans des conditions tarifaires attractives. En conclusion, les professionnels enjoignent « les propriétaires bailleurs et les acteurs publics [d”] entreprendre des travaux de rénovation ».
Séverine Cattiaux
ANTOINE RAYMOND : « ON REGARDE DU CÔTÉ
DE CHAMBÉRY »
Lors de la soirée de présentation du bilan du marché de l’immobilier d’entreprise 2016, Antoine Raymond, PDG du groupe ARaymond Network, leader de la fixation par clippage ou collage, a pris la parole. L’entreprise est née à Grenoble, ne l’a jamais quittée, tout en diffusant ses produits partout dans le monde. Elle compte aujourd’hui 5 900 collaborateurs, est présente dans 25 pays et dispose d’autant de sites de production.
Devant une salle de cinéma de Pathé Chavant bondée, le PDG a réaffirmé son attachement à la capitale des Alpes, louant son environnement d’excellence pour ce qui concerne la recherche & développement, l’innovation, les écoles de haut niveau, le tissu industriel, etc.
Cependant, le développement du propre siège historique d’ARaymond à Grenoble se trouve dans l’impasse…
Un projet d’immobilier freiné depuis trois ans
Disposant d’une friche à proximité de son siège actuel, le groupe aspire à lancer un projet immobilier mixant logements et bureaux, construit par le promoteur Eiffage. Or le projet est freiné depuis trois ans. La municipalité y est favorable, mais pas du tout les associations de riverains. « On crée de l’emploi, de la valeur, on est un maillon dans un écosystème avec des commerçants, etc. mais cet écosystème est extrêmement sensible… », regrettait le PDG. Et de ne pas cacher : « On essaie de voir du côté de Chambéry. Si ça devient intenable… »
Par ailleurs, l’entreprise doit faire face à un autre problème quotidien : l’accès en voiture de ses 300 collaborateurs au cours Berriat. Le président d’ARaymond Network redoute l’arrivée, en prime, de « l’autoroute à vélo » sur le cours. Pourquoi ne pas proposer aux salariés de troquer la voiture pour les transports en commun, voire le vélo ? « La majorité de nos collaborateurs ont entre 25 et 55 ans », a répondu le PDG.
« Ils sont obligés de venir en voiture, parce qu’ils déposent leurs enfants à l’école le matin avant de venir au travail. Ils ne peuvent pas prendre les transports en commun. » Des propos chaleureusement applaudis par la salle. Autant dire que le débat sur les problématiques de déplacements à Grenoble est loin d’être clos.