FOCUS – Nouvelle création des Barbarins fourchus, le « Moderne classique », samedi 21 et dimanche 22 janvier à la Salle noire, plonge dans les racines du légendaire collectif grenoblois. L’occasion de faire le point sur le parcours d’un groupe qui, pour être fameux, n’en conserve pas moins une bonne dose de mystère.
Dans le très changeant quartier Bouchayer-Vialler, à quelques encablures de la rutilante salle de musique amplifiée La Belle Électrique, réside une modeste enclave rock’n roll. La Salle noire – au 19 de la rue des arts et métiers – est gérée par les Barbarins fourchus, mythique groupe grenoblois. Mythique, il a de quoi l’être au vu de sa longévité – vingt-cinq ans – et de son ancrage local sans faille, en dépit des multiples vadrouilles en France et en Europe.
Samedi 21 et dimanche 22 janvier, les Barbarins reviennent d’ailleurs sur leur parcours dans un spectacle intitulé – conformément à leur goût du paradoxe – le « Moderne classique ». Delfino, chanteur et auteur des textes du groupe, explique : « On a fait tout un parcours sur nos propres racines. Comme une grande boucle de vingt-cinq ans. Évidemment, tous nos morceaux sont réarrangés puisqu’il s’agit là d’un orchestre acoustique, un orchestre de chambrée, si on veut. C’est un véritable ovni musical parce que ça touche à la musique classique de par les instrumentations et l’arrangement des compositions pour rebondir sur des choses plus modernes avec notre cinquième musicien diffuseur de vinyles. » Modern touch à laquelle s’ajoute la patte rock’n roll et chanson de rue portée par les textes de Delfino.
Le joyeux bazar des Barbarins : rétrospective
« Les Barbarins, ça a été très mouvant. On a travaillé sur des formes qui englobaient les apports de chacun : musique, arts plastiques, écritures, textes… Des gens sont restés, d’autres sont partis », résume Delfino. De fait, en 1992, la bande des Barbarins s’est formée à Grenoble avec quatre artistes. Après s’être produit dans les rues de Grenoble et de France, le groupe a tourné dans des salles et festivals de rue. Et même sous chapiteau au plus fort de son effectif (une quarantaine de têtes !).
Une vie de joyeux forains – univers fort prisé de la bande – qui s’est pourtant structurée jusqu’à se fixer – du moins, en dehors des temps de tournée – dans une salle grenobloise.
Les Barbarins fourchus ont en effet géré le Théâtre 145 à partir de 1999 avant d’être remerciés par la ville de Grenoble en 2011. Le groupe attendra ensuite deux ans avant que lui soit confié un nouveau lieu, la Salle noire, empreinte de l’univers sympathiquement bariolé du collectif, qui tourne aujourd’hui autour d’une quinzaine d’artistes de tous bords.
« La ville nous a confié une petite Ferrari », se réjouit Delfino, qui déplore toutefois l’absence de carburant (entendez : les subventions). Pour faire avancer la machine, c’est-à-dire accueillir les spectacles des autres compagnies et créer les siens, le groupe carbure donc à l’énergie. Qui semble ne pas lui manquer les jours d’ouverture au public, fidèle au lieu et à la bande.
Adèle Duminy
DELFINO EN QUELQUES MOTS
À l’image des spectacles du groupe dont il est l’une des figures de proue, Delfino (alias François de Féline, son vrai nom) est traversé d’influences et de paradoxes. Passionné autant que désabusé. Généreux autant que secret.
Face à la saturation de sons et d’images dans laquelle on baigne constamment, l’homme se désole avant de se raccrocher au plaisir de la rencontre, « cet acte politique, aujourd’hui, que constitue le fait d’aller dans un lieu pour voir un spectacle ».
N’empêche, les promesses du passé surgissent çà et là. Et notamment, celle de l’enfance à la Villeneuve. « J’étais dans une école qu’on disait “expérimentale”. C’était quand même intéressant parce que tous les gens que je connais qui sont sortis de là ont eu un parcours assez étonnant, une ouverture d’esprit, une curiosité des autres. Les mecs venaient de partout : Afrique, France, Italie… Il n’y avait pas cette défiance d’aujourd’hui, résultat de la politique menée jusqu’à maintenant », déplore le chanteur.
Autodidacte et touche à tout
S’il est surtout identifié en tant que chanteur et parolier des Barbarins, Delfino n’en est pas moins peintre, dessinateur (son trait caractéristique orne les murs de la Salle noire), écrivain, conteur… Peut-être a‑t-il hérité cette nature touche à tout et autodidacte de son père, ancien ouvrier des usines Renault, qui pratiquait peinture et céramique. C’est toutefois auprès de son formateur et patron – il apprend le travail d’imprimeur-sérigraphe à l’âge de 14 ans – que Delfino prend goût à la musique.
Son patron lui transmet quantité de chansons paillardes avant que le jeune homme se tourne vers le rock’n roll et le punk. Il jouera d’ailleurs dans le groupe No no no, pour ceux qui ont connu Grenoble à l’heure des squats. Avant les grandes heures des Barbarins, il pratiquera aussi ce qu’on appellerait aujourd’hui le “street art”. « Il fallait surtout savoir courir vite ! » De même qu’il a toujours connu, auprès de son groupe, de par l’éclectisme des rencontres artistiques, une forme de « pluridisciplinarité ». « Trop pompeux », corrige-t-il. « Grand bazar artistique », plutôt.
INFOS PRATIQUES
Moderne classique
Création 2016 / 2017
Coproduction Théâtre de Grenoble19 rue des arts et métiers, à Grenoble
Samedi 20 janvier, à 20 h 30
Dimanche 21 janvier, à 17 heures
Tarifs : 8 – 10 euros