TRIBUNE LIBRE – Entrepreneur grenoblois, spécialiste des questions énergétiques et d’environnement, Jean-Eric Mesmain réagit sur les aspects qu’il juge « inéquitables » de la réglementation Crit’Air notamment mise en place dans l’agglomération grenobloise.
Fondateur de l’auto-entreprise Bicyclopresto, signataire du plan climat air énergie de l’agglomération, Jean-Eric Mesmain a passé cinq ans à l’Observatoire régional de l’énergie et des gaz à effet de serre auprès de Rhonalpénergie Environnement et deux ans à la mairie de Seyssins auprès de Didier Migaud. Il a participé au plan de protection de l’atmosphère, à la surveillance des bâtiments de la Ville et à la rédaction du volet énergie du plan local d’urbanisme.
Il y a de la rumba dans l’air
Pour le riche c’est pépère
Une voiture pour chaque Crit’Air
Sa vie y va pas la refaire…
Tout d’abord, petite précision, l’atmosphère est réglementée par des aspects sanitaires : les plans de protection de l’atmosphère qui s’attachent aux polluants (particules fines, etc.) et les protocoles de réglementation des émissions de gaz à effet de serre, comme Kyoto, qui s’attachent aux gaz qui réchauffent les basses couches de l’atmosphère, comme le dioxyde de carbone CO2 et le méthane CH4. Les médias parlent de l’un ou de l’autre sans trop de distinction.
En instaurant sans discernement le système Crit’Air, la législation ne met pas en avant l’utilisation limitée d’un véhicule. La quantité de polluants émise dans l’atmosphère étant le produit de la distance par les émissions du véhicule par kilomètre, on obtient en effet la même émission pour un petit ou un grand parcours, selon que son moteur émet plus ou moins. Les utilisations importantes de véhicules entraînent ainsi une pollution de fond quelle que soit la motorisation.
Que penser, dès lors, d’un système avec Crit’Air 0 liée à l’utilisation d’un véhicule électrique avec zéro émission moteur, alors que le réseau électrique européen est désormais inter-connecté et que le charbon utilisé dans les centrales thermiques entraîne 23 000 morts prématurés en Europe chaque année ?
Le parc automobile renouvelé de manière accélérée par la réglementation
Lors de l’épisode de pollution, j’ai été interviewé par le magazine C dans l’air. Je leur ai suggéré un système plus égalitaire que j’avais connu au Texas en 2001. Dans cet État américain, en cas de risque de pluies verglaçantes, tout le monde est exempté de se rendre à son travail. Les entreprises respectent cette règle puisque, ce jour-là, les assurances ne prennent pas en charge les dommages sur le trajet domicile travail. Or le Texas est bien connu pour sa non-prospérité économique 😉 L’ensemble des employeurs de la cuvette grenobloise pourraient ainsi instaurer de manière massive du télétravail, d’autant que le secteur de l’informatique est très présent.
Évidemment, mon témoignage n’a pas été repris car trop en décalage avec un système proposé par les lobbies automobiles à seule fin de renouveler le parc de manière accélérée. En effet, le marché étant saturé en France, un moyen après nous avoir vendu des véhicules est de recourir à la réglementation afin de les déclarer obsolètes. Mais accélérer le renouvellement, c’est accélérer les phases où l’énergie est employée pour la construction d’un véhicule et non pour son utilisation… Cf. illustration par l’Ademe.
Pour ma part, je dispose d’un vieux diesel qui a actuellement 230 000 km et qui devrait parfaitement tenir les 400 000 km. Il est par conséquent au milieu de sa vie et, avec une distance parcouru de moins de 10 000 km/an, je peux espérer le garder encore 17 ans.
Ne pas oublier l’efficacité énergétique des bâtiments
Ensuite, que penser de l’équité de lieu de ce système, attendu que le dispositif a été levé le lendemain d’une grosse transhumance d’automobilistes vers nos stations de montagne ? Alors que le samedi, dans la cuvette grenobloise, on faisait appel à notre civisme ! Quid enfin des publicités sur les bus de la Semitag qui, en plein pic de pollution, nous invitent à emprunter les lignes d’air France ? Ah ! J’oubliais l’exception du secteur aérien dans ce domaine…
Enfin, j’attire l’attention sur la mauvaise gestion de nos bâtiments, responsables en hiver d’une bonne partie de la consommation d’énergie pour leur chauffage. Tout comme les limitations de vitesse, lorsque le dispositif préfectoral vigilance pollution est activé – comme le 21 décembre 2016 –, une ligne est d’ailleurs consacrée au chauffage de nos logements : « maîtriser la température de son logement (chauffer sans excéder 19 °C) ».
Impliquer les syndics d’immeuble dans une démarche active permettrait de réduire rapidement les émissions par un respect de la réglementation existante… Les publicités sur France Inter de la part de RTE et du ministère de l’Écologie et du Développement durable en témoignent. Concernant mon logement, je suis dans une démarche de mise en demeure de mon syndic après plusieurs tentatives de conciliation car il a décidé sans décision d’assemblée générale que mon appartement serait chauffé à 21°C.
Conjointement à un effort du citoyen, il me semble pertinent désormais d’impliquer de manière plus ou moins coercitive – car le temps presse pour obtenir des résultats probants – un grand nombre d’entreprises du bassin grenoblois vers cet objectif commun de préservation de la qualité de l’air que nous respirons !
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* Rappel : Les tribunes publiées sur Place Gre’net ont vocation à nourrir le débat et à contribuer à un échange constructif entre citoyens d’opinions diverses. Les propos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opinions des journalistes ou de la rédaction et n’engagent que leur auteur.
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