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Crèche de Noël. CC Wikipedia

La crèche de Noël de Laurent Wauquiez mani­fes­te­ment illégale

La crèche de Noël de Laurent Wauquiez mani­fes­te­ment illégale

BLOG JURIDIQUE – Laurent Wauquiez a réussi à faire le buzz en ins­tal­lant, dans le hall de l’hôtel de la Région Auvergne – Rhône-Alpes, une crèche de Noël de 14 mètres car­rés. Cette ins­tal­la­tion a déclen­ché une polé­mique poli­tique mais aussi juri­dique, à la suite des deux arrêts d’Assemblée du Conseil d’État sur les crèches de Noël du 9 novembre 2016. Si le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Lyon a refusé, dans une ordon­nance du 17 décembre 2016, d’or­don­ner la dés­ins­tal­la­tion de la crèche au motif qu’il n’y avait pas d’ur­gence à le faire, cette déci­sion n’a pas emporté la convic­tion de citoyens gre­no­blois (et jeunes juristes de la faculté de droit). Ceux-ci entendent, par une autre pro­cé­dure (dite de référé-liberté), faire appli­quer la juris­pru­dence du Conseil d’État qui, selon eux, n’au­to­rise pas l’ins­tal­la­tion d’une crèche dans l’hôtel de Région. Vous trou­ve­rez donc ci-des­sous l’a­na­lyse sou­te­nue par Corentin Descaillot, Elias Jallal, Robin Mora, Mathieu Perraut, Laurie La Vista, Anthony Ojeil et Chrislène Mendez, sou­te­nus par Romain Rambaud et Ségolène Clément, qui entendent for­mer un recours devant le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Lyon.

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Objet : référé-liberté dirigé contre la déci­sion du pré­sident du Conseil régio­nal d’Auvergne – Rhône-Alpes d’installer une crèche dans l’hôtel de la Région d’Auvergne – Rhône-Alpes

Le 13 décembre 2016, le pré­sident du Conseil régio­nal d’Auvergne – Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a ins­tallé une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel de région. Cette ins­tal­la­tion est illé­gale (1) et doit être reti­rée, rai­son pour laquelle nous sai­sis­sons le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Lyon par la voie du référé-liberté (2).

1. Le référé-liberté contre la déci­sion du pré­sident de Région est bien-fondé

telechargement-2D’après l’article L.521 – 2 du code de jus­tice admi­nis­tra­tive « saisi d’une demande en ce sens jus­ti­fiée par l’urgence, le juge des réfé­rés peut ordon­ner toutes mesures néces­saires à la sau­ve­garde d’une liberté fon­da­men­tale à laquelle une per­sonne morale de droit public ou un orga­nisme de droit privé chargé de la ges­tion d’un ser­vice public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pou­voirs, une atteinte grave et mani­fes­te­ment illé­gale. Le juge des réfé­rés se pro­nonce dans un délai de 48h. ». Il faut donc carac­té­ri­ser l’urgence (1.1) et l’atteinte à une liberté fon­da­men­tale qui doit être grave et mani­fes­te­ment illé­gale (1.2)

1.1 L’urgence

telechargement-3L’article L.521 – 2 du Code de jus­tice admi­nis­tra­tive, dis­pose qu’il est néces­saire de carac­té­ri­ser une situa­tion d’urgence pour recou­rir au référé liberté. La cir­cons­tance que la condi­tion d’ur­gence au sens de l’art. L. 521 – 1 soit rem­plie implique qu’une mesure soit ordon­née dans les qua­rante-huit heures (CE, réf., 28 févr. 2003, Cne de Pertuis, no254411).

Comme le pré­cise Paul Cassia et Antoine Béal dans la revue AJDA en 2003 « l’or­don­nance Commune de Pertuis ne remet pas en cause l’o­bli­ga­tion faite au juge du référé-liberté d’ap­pré­cier l’ur­gence de façon concrète puis glo­bale. Elle met, par contre, en évi­dence un troi­sième élé­ment d’ap­pré­cia­tion de l’ur­gence, que l’on peut qua­li­fier de fina­liste, dans la mesure où il doit s’a­na­ly­ser au regard de la fina­lité de l’ar­ticle L. 521 – 2 du code de jus­tice admi­nis­tra­tive qui est de « faire ces­ser très rapi­de­ment les situa­tions atten­ta­toires aux liber­tés fon­da­men­tales ».

L’urgence est aussi appré­ciée de la même façon par le Conseil d’État dans l’arrêt Commune de Chirongui (CE, jan­vier 2013, n°365262). Le Conseil estime que « sous réserve que la condi­tion d’ur­gence soit rem­plie, il appar­tient au juge admi­nis­tra­tif des réfé­rés, saisi sur le fon­de­ment de l’ar­ticle L. 521 – 2 du code de jus­tice admi­nis­tra­tive, d’en­joindre à l’ad­mi­nis­tra­tion de faire ces­ser une atteinte grave et mani­fes­te­ment illé­gale au droit de pro­priété, lequel a le carac­tère d’une liberté fon­da­men­tale ».

telechargement-4En l’espèce, la crèche a été ins­tal­lée le 14 décembre 2016. L’atteinte à la liberté fon­da­men­tale a donc déjà eu lieu et est tou­jours en cours. De plus, le référé liberté est la seule voie de droit qui per­mette d’a­gir de manière utile et effec­tive contre cette atteinte. En effet, un recours en excès de pou­voir ou un référé sus­pen­sions entraî­ne­rait des délais beau­coup trop longs pour faire ces­ser cette atteinte, dans la mesure où Noël a lieu le 25 décembre.

La rece­va­bi­lité du référé-liberté est donc une condi­tion néces­saire au droit à un recours effec­tif garanti par la juris­pru­dence consti­tu­tion­nelle et européenne.

L’urgence est donc carac­té­ri­sée. La demande de faire ces­ser une atteinte grave et mani­fes­te­ment illé­gale à la liberté de reli­gion et au prin­cipe d’égalité ne peut donc se faire autre­ment que par le référé liberté.

1.2 L’atteinte grave et mani­fes­te­ment illé­gale à une liberté fondamentale

a) La pré­sence d’une liberté fondamentale

telechargement-5L’installation de la crèche porte bien atteinte à une liberté fon­da­men­tale au sens de l’article L. 521 – 2 CJA. D’une part, la liberté de culte des usa­gers est atteinte : or la liberté de culte est pro­té­gée au sens de l’article L.521 – 2 CJA (CE, réf., 10 août 2001, Assoc. La Mosquée, no 237004 ; CE 16 févr. 2004, Benaissa, no 264314 ; CE, réf., 25 août 2005, Cne de Massat, no 284307).

D’autre part, la liberté de conscience est éga­le­ment une liberté fon­da­men­tale pro­té­gée par l’article L. 521 – 2 en vertu de l’ordonnance du Conseil d’État du 26 août 2016, Ligue des droits de l’homme et autres – asso­cia­tion de défense des droits de l’homme col­lec­tif contre l’is­la­mo­pho­bie en France (n°402742, 402777), en vertu de laquelle « L’arrêté liti­gieux a ainsi porté une atteinte grave et mani­fes­te­ment illé­gale aux liber­tés fon­da­men­tales que sont la liberté d’al­ler et venir, la liberté de conscience et la liberté per­son­nelle ».

telechargement-6Or, l’installation d’une crèche dans l’hôtel de région porte atteinte à la liberté de conscience et de culte au sens de ces dis­po­si­tions. La liberté de culte et la liberté de conscience impliquent la neu­tra­lité de l’État ainsi que le démontrent les juris­pru­dences consti­tu­tion­nelles et européennes.

L’article 1er de la Constitution dis­pose que « la France est une République indi­vi­sible, laïque, démo­cra­tique et sociale ». Le Conseil consti­tu­tion­nel a, en outre, admis la liberté de conscience comme étant un prin­cipe reconnu par les lois de la République dans une déci­sion du 23 novembre 1977 (n°77 – 87 DC), aujourd’hui rat­ta­ché à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

En outre, l’article 1er de la loi de 1905 énonce que « la République assure la liberté de conscience, elle garan­tit le libre exer­cice des cultes sous les seules res­tric­tions édic­tées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». L’article 2 de la loi de 1905 dis­pose que « La République ne recon­naît, ne sala­rie ni ne sub­ven­tionne aucun culte ». L’article 28 de la loi de 1905 dis­pose qu” « il est inter­dit, à l’a­ve­nir, d’é­le­ver ou d’ap­po­ser aucun signe ou emblème reli­gieux sur les monu­ments publics ou en quelque empla­ce­ment public que ce soit, à l’ex­cep­tion des édi­fices ser­vant au culte, des ter­rains de sépul­ture dans les cime­tières, des monu­ments funé­raires, ainsi que des musées ou expo­si­tions ».

telechargement-7En outre, l’article 9 de la Convention euro­péenne des Droits de l’Homme consacre la liberté de pen­sée, de conscience et de reli­gion. la CEDH a notam­ment affirmé dans un arrêt Hassan et Tchaouch c/ Bulgarie (Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, GC, no 30985/96, §62, CEDH 2000-XI) que « le droit des fidèle à la liberté de reli­gion sup­pose que la com­mu­nauté puisse fonc­tion­ner pai­si­ble­ment, sans ingé­rence arbi­traire de l’État ».

De plus elle estime dans le même arrêt « qu’en pré­sence de faits démon­trant un man­que­ment des auto­ri­tés à leur obli­ga­tion de neu­tra­lité dans l’exercice de leurs pou­voirs en la matière, il y a lieu de conclure que l’État a porté atteinte à la liberté des fidèles de mani­fes­ter leur reli­gion au sens de l’article 9 de la Convention ».

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Or, comme l’a sou­li­gné le vice-pré­sident du Conseil d’État Jean-Marc Sauvé lors de la Conférence Olivaint le 6 décembre 2016, « du carac­tère fon­da­men­tal de la liberté reli­gieuse découle, selon la Cour euro­péenne des Droits de l’Homme, une obli­ga­tion de neu­tra­lité de l’État. Il s’agit donc bien d’une vision neutre et impar­tiale de l’État qui se dégage ».

En l’espèce, comme nous le démon­tre­rons, l’installation de cette crèche porte atteinte à la liberté de conscience enten­due en ce sens. L’installation d’une crèche de 14 mètres car­rés dans l’hôtel de Région, intro­duit un sym­bole de la nati­vité et donc de la reli­gion chré­tienne, dans un bâti­ment public. Cette crèche pré­sente un carac­tère cultuel évident, de par le pla­ce­ment d’un san­ton à l’effigie de « Jésus Christ » pro­grammé au 25 décembre 2016. En pro­cé­dant à l’installation d’un sym­bole reli­gieux incon­tes­table dans l’enceinte de l’hôtel de Région, le pré­sident de Région a porté atteinte au prin­cipe de laï­cité qui consti­tue une liberté fondamentale.

b) La discrimination

telechargement-9Le Conseil d’État affirme que « cer­taines dis­cri­mi­na­tions peuvent, eu égard aux motifs qui les ins­pirent, consti­tuer des atteintes à une liberté fon­da­men­tale au sens de l’ar­ticle L. 521 – 2 du code de jus­tice admi­nis­tra­tive, la mécon­nais­sance du prin­cipe d’é­ga­lité ne révèle pas, par elle-même, une telle atteinte » (C.E, 26 juin 2003, n°257938). Ici, le CE rap­pelle que le prin­cipe d’égalité n’est pas une liberté fon­da­men­tale au sens de l’article L. 512 – 2 du CJA, donc qu’il n’y a pas lieu de faire un référé liberté. Cependant, le Conseil pré­cise que cer­taines dis­cri­mi­na­tions peuvent consti­tuer en elle-même une atteinte à une liberté fon­da­men­tale. Et que ceci jus­ti­fie l’utilisation du référé liberté.

En l’espèce, le fait de mettre une crèche sym­bole de la nati­vité et donc de la reli­gion chré­tienne dans l’enceinte d’un bâti­ment public implique, par son carac­tère reli­gieux, qu’une reli­gion est ainsi mise en avant par l’administration publique. Ainsi, elle mécon­naît le prin­cipe de liberté de conscience, et exerce par là même une dis­cri­mi­na­tion à l’égard des usa­gers qui sont ame­nés à se rendre dans ce bâti­ment ainsi qu’aux agents y travaillant.

Donc, l’atteinte à la dis­cri­mi­na­tion est carac­té­ri­sée. Les dis­cri­mi­na­tions ainsi per­pé­trées par la mise en place de la crèche contre­viennent donc à la liberté de conscience. L’atteinte grave et mani­feste à une liberté fon­da­men­tale est effec­tive, d’où l’utilisation de référé liberté.

2. L’installation de la crèche est illégale

telechargement-10Par deux arrêts du 9 novembre 2016 (nos 395122 et 395223), l’Assemblée du conten­tieux du Conseil d’État a déter­miné le régime appli­cable à l’installation des crèches de Noël dans les bâti­ments et lieux publics. À la lumière de ces arrêts, il appa­raît clai­re­ment que la crèche de Noël ins­tal­lée par le pré­sident du conseil régio­nal d’Auvergne – Rhône-Alpes est illégale.

Le Conseil d’État estime qu’une crèche de Noël « est une repré­sen­ta­tion sus­cep­tible de revê­tir une plu­ra­lité de signi­fi­ca­tions ». S’il s’agit indé­nia­ble­ment d’une scène appar­te­nant à l’iconographie chré­tienne, une crèche appar­tient éga­le­ment, pour beau­coup, aux déco­ra­tions tra­di­tion­nelles inhé­rentes aux fêtes de fin d’année. Compte tenu de cette plu­ra­lité de signi­fi­ca­tion, le Conseil consi­dère, ainsi que l’ont relevé Louis Dutheillet de Lamothe et Guillaume Odinet (AJDA 2016, p. 2375), que « ce n’est pas le sens de la crèche […] qui déter­mine le res­pect de l’article 28 [de la loi de 1905], mais le sens de son ins­tal­la­tion au moment de Noël ». Ainsi, sont à prendre en compte, d’une part, le lieu de l’installation ainsi que son contexte et, d’autre part, pour appré­cier celui-ci, le Conseil d’État donne un fais­ceau d’indices, à savoir les carac­tères cultu­rel, artis­tique ou fes­tif de la crèche.

Il faut donc s’intéresser au contexte de l’installation (2.1) et voir ensuite le res­pect des cri­tères (2.2) posés par le Conseil d’État.

2.1 Un contexte par­ti­cu­lier à prendre en considération

telechargement-11Selon les deux arrêts pré­cé­dents, le Conseil d’État consi­dère qu’« Eu égard à cette plu­ra­lité de signi­fi­ca­tions, l’ins­tal­la­tion d’une crèche de Noël, à titre tem­po­raire, à l’i­ni­tia­tive d’une per­sonne publique, dans un empla­ce­ment public, n’est léga­le­ment pos­sible que lors­qu’elle pré­sente un carac­tère cultu­rel, artis­tique ou fes­tif, sans expri­mer la recon­nais­sance d’un culte ou mar­quer une pré­fé­rence reli­gieuse. Pour por­ter cette der­nière appré­cia­tion, il y a lieu de tenir compte non seule­ment du contexte, qui doit être dépourvu de tout élé­ment de pro­sé­ly­tisme, des condi­tions par­ti­cu­lières de cette ins­tal­la­tion, de l’exis­tence ou de l’ab­sence d’u­sages locaux, mais aussi du lieu de cette ins­tal­la­tion ». Or, en l’espèce, le seul contexte démontre l’illégalité de l’installation de cette crèche.

telechargement-12À titre limi­naire, il est de noto­riété publique que le pré­sident de la région Auvergne-Rhône-Alpes a une vision de la laï­cité à géo­mé­trie variable. S’il est très exi­geant vis-à-vis de la laï­cité appli­quée à la reli­gion musul­mane, il est bien plus souple avec d’autres confes­sions puisqu’il a lui-même orga­nisé, en novembre 2016, un pèle­ri­nage au Vatican pour plus de deux cents de ses conseillers régionaux.

C’est dans cette logique que, le 13 décembre 2016, le pré­sident de la région Auvergne – Rhône-Alpes a fait ins­tal­ler une impo­sante crèche de Noël de 14 mètres car­rés dans le hall de l’hôtel de Région, pro­vo­quant ainsi une nou­velle polé­mique sur l’application du prin­cipe de neu­tra­lité des per­sonnes publiques à l’approche des fêtes de Noël. Il appa­raît clai­re­ment que le pré­sident de la Région a agi dans une logique de pro­vo­ca­tion plus que dans l’optique de célé­brer les fêtes de fin d’année. En témoigne la dis­cré­tion ayant accom­pa­gné l’installation de cette crèche.

En effet, selon les infor­ma­tions du Dauphiné libéré (édi­tion du jeudi 15 décembre 2016) : « l’installation a été mon­tée en toute dis­cré­tion, à l’abri de para­vents le jour et soi­gneu­se­ment bâchée la nuit ». Le pré­sident de Région recon­naît d’ailleurs lui-même que sa crèche consti­tue une atteinte à la laï­cité dans un mes­sage court posté sur le réseau social Twitter, le ven­dredi 16 décembre : « Il y a aujourd’hui des menaces bien plus impor­tantes sur la laï­cité que cette crèche à l’en­trée de la Région. »

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Il appa­raît que la crèche de Noël du hall de l’hôtel de Région pré­sente un carac­tère pro­sé­lyte compte tenu de sa taille dis­pro­por­tion­née lui confé­rant un carac­tère osten­ta­toire. Le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Rennes (n° 1203099, 1204355, 1204356) a ainsi retenu, dans un juge­ment du 30 avril 2015 à pro­pos d’une sta­tue d’un pape, que les dimen­sions de l’installation consti­tuent l’un des élé­ments à prendre en consi­dé­ra­tion par les juges pour appré­cier le carac­tère pro­sé­lyte de l’installation.

En outre, il semble que la figu­rine repré­sen­tant Jésus-Christ enfant ne soit pas pré­sente dans la crèche pour l’instant, et qu’elle y figu­re­rait seule­ment le 25 décembre, jour de sa nais­sance selon la reli­gion chré­tienne. Une telle repré­sen­ta­tion d’une scène reli­gieuse n’a pas sa place dans un bâti­ment public car elle pré­sente indé­nia­ble­ment un aspect cultuel et pro­sé­lyte, sor­tant tota­le­ment du cadre des fes­ti­vi­tés de fin d’année.

Il appa­raît donc bien que le contexte d’installation de cette crèche de Noël n’est pas la déco­ra­tion de l’hôtel de Région en vue des fêtes de fin d’année mais bien une volonté de pro­vo­quer, por­tant de ce fait atteinte au prin­cipe de laï­cité. En outre, cette ins­tal­la­tion ne rem­plit aucun des cri­tères posés par le Conseil d’État pour auto­ri­ser l’installation de crèches dans les bâti­ments publics.

2.2 Les cri­tères de l’installation dans un bâti­ment public non réunis

telechargementNous consi­dé­rons que la crèche ins­tal­lée par la région Auvergne – Rhône-Alpes ne rem­plit aucun des cri­tères qui pour­raient jus­ti­fier son ins­tal­la­tion dans un bâti­ment public. En vertu des deux arrêts pré­cé­dents du Conseil d’État, « à cet égard, la situa­tion est dif­fé­rente, selon qu’il s’a­git d’un bâti­ment public, siège d’une col­lec­ti­vité publique ou d’un ser­vice public, ou d’un autre empla­ce­ment public. Dans l’en­ceinte des bâti­ments publics, sièges d’une col­lec­ti­vité publique ou d’un ser­vice public, le fait pour une per­sonne publique de pro­cé­der à l’ins­tal­la­tion d’une crèche de Noël ne peut, en l’ab­sence de cir­cons­tances par­ti­cu­lières per­met­tant de lui recon­naître un carac­tère cultu­rel, artis­tique ou fes­tif, être regardé comme conforme aux exi­gences qui découlent du prin­cipe de neu­tra­lité des per­sonnes publiques. 

A l’in­verse, dans les autres empla­ce­ments publics, eu égard au carac­tère fes­tif des ins­tal­la­tions liées aux fêtes de fin d’an­née notam­ment sur la voie publique, l’ins­tal­la­tion à cette occa­sion et durant cette période d’une crèche de Noël par une per­sonne publique est pos­sible, dès lors qu’elle ne consti­tue pas un acte de pro­sé­ly­tisme ou de reven­di­ca­tion d’une opi­nion reli­gieuse ». Or, en l’espèce, la crèche est située dans un bâti­ment public et donc, par prin­cipe, son ins­tal­la­tion est inter­dite. Par ailleurs, aucune des excep­tions envi­sa­gées par le Conseil d’État n’est applicable.

a) La qua­li­fi­ca­tion de bâti­ment public

telechargement-13L’hôtel de Région est le siège de la col­lec­ti­vité publique qu’est la région Auvergne – Rhône-Alpes, col­lec­ti­vité ter­ri­to­riale en vertu de l’article 72 de la Constitution et de l’article L. 41111 du Code géné­ral des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. L’hôtel de Région est donc un bâti­ment public et, à ce titre, l’installation d’une crèche de Noël y est, par prin­cipe, contraire au prin­cipe de neu­tra­lité des per­sonnes publiques, sauf à jus­ti­fier de cir­cons­tances particulières.

b) Une ins­tal­la­tion dénuée de carac­tère culturel

telechargement-14Il n’existe aucune tra­di­tion sur l’installation de crèche de Noël au siège de la région Rhône-Alpes à Lyon, devenu Auvergne – Rhône-Alpes : il s’agit en effet de la pre­mière crèche ins­tal­lée au siège de la col­lec­ti­vité. De même, aucune tra­di­tion sem­blable n’a été obser­vée au siège de l’ancienne région Auvergne. Ainsi, l’installation de cette crèche ne par­ti­cipe donc pas à la per­pé­tua­tion d’une tra­di­tion locale.

Il est vrai que la Drôme pro­ven­çale, fai­sant par­tie de la Région, connaît une cer­taine tra­di­tion des crèches de Noël. Toutefois, cette tra­di­tion est très locale et n’est pas répan­due à l’échelle de la région tout entière. En outre, la crèche de l’hôtel de région ne par­ti­cipe pas réel­le­ment à la pro­mo­tion des tra­di­tions et savoir-faire de la région. En effet, l’installation de la crèche ne pré­sente en rien le carac­tère d’une expo­si­tion, notam­ment compte tenu de l’absence totale de publi­cité sur le site Internet de la Région à ce sujet.

En outre, il est pos­sible d’exposer les savoir-faire tra­di­tion­nels des san­ton­niers de Drôme pro­ven­çal en dehors d’une ins­tal­la­tion pré­sen­tant un tel carac­tère cultuel et confes­sion­nel. Enfin, les dimen­sions de l’installation (une sur­face de 14 mètres car­rés) paraissent déme­su­rées face à l’objectif affi­ché de mise en avant de savoir-faire tra­di­tion­nels. La crèche est donc éga­le­ment dénuée de tout carac­tère culturel.

telechargement-15En outre, la figu­rine cen­sée repré­sen­ter le per­son­nage de Jésus ne sera ins­tal­lée que le 25 décembre, au jour sup­posé de sa nais­sance dans la reli­gion chré­tienne. Ceci met en avant le carac­tère cultuel de la crèche et non le carac­tère cultu­rel de cette installation.

c) L’absence de carac­tère artistique

La crèche ins­tal­lée dans l’Hôtel ne rem­plit pas le carac­tère artis­tique. En effet, elle est com­po­sée de per­son­nages sans valeur artis­tique par­ti­cu­lière et ne revêt ainsi pas le carac­tère d’une expo­si­tion d’œuvre d’art, comme a pu le juger le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Lille dans un juge­ment du 30 novembre 2016 (n°1509979), à pro­pos d’une crèche ins­tal­lée dans la mai­rie d’Hénin-Beaumont.

En outre, si l’article 28 de la loi de 1905 évoque les expo­si­tions comme excep­tion au prin­cipe de laï­cité, la crèche ins­tal­lée dans le hall de l’hôtel de Région ne pré­sente pas un tel carac­tère d’exposition comme nous l’avons déjà argu­menté ci-des­sus, compte tenu notam­ment de l’absence de publi­cité par la Région autour de cette pré­ten­due expo­si­tion et de l’absence de visi­teurs spé­ci­fiques à cette ins­tal­la­tion. Ainsi, le carac­tère d’exposition artis­tique n’est pas rempli.

d) Le défaut de carac­tère festif

telechargement-16Tout d’abord, le carac­tère fes­tif ne sau­rait résul­ter de la seule proxi­mité des fêtes de Noël. Il s’apprécie au regard notam­ment de l’inscription de la crèche dans le cadre d’autres fes­ti­vi­tés de fin d’année, telles des mar­chés de Noël. Or, en l’espèce, la crèche de l’hôtel de Région est iso­lée des fes­ti­vi­tés de Noël pou­vant avoir lieu à Lyon.

En effet, l’hôtel de Région, situé dans le quar­tier de la Confluence à Lyon, est éloi­gné du mar­ché de Noël, situé place Carnot, de près de trois kilo­mètres. Enfin, la pré­sence d’un sapin de Noël aux côtés de la crèche ne sau­rait, à elle seule, carac­té­ri­ser le cadre fes­tif de son ins­tal­la­tion. Ainsi, la crèche de Noël ins­tal­lée dans le hall de l’hôtel de Région est dénuée de tout carac­tère festif.

Pour ces rai­sons, nous concluons à la dés­ins­tal­la­tion immé­diate de la crèche de Noël.

Romain Rambaud, Ségolène Clément, Corentin Descaillot, Elias Jallal, Robin Mora, Mathieu Perraut, Laurie La Vista, Anthony Ojeil et Chrislène Mendez
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FB, NK et RR

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