L'encadrement du lobbying à Bruxelles va-t-il être durci ? La députée européenne Sylvie Guillaume, ce soir à Sciences Po, plaide en ce sens.

Lobbying : la dépu­tée euro­péenne Sylvie Guillaume plaide pour plus de transparence

Lobbying : la dépu­tée euro­péenne Sylvie Guillaume plaide pour plus de transparence

TROIS QUESTIONS À – Pour rendre plus trans­pa­rents le rôle et les influences joués par les lob­bies sur les ins­ti­tu­tions euro­péennes, un registre est en place depuis 2011. Mais le dis­po­si­tif, non obli­ga­toire et limité au Parlement et à la Commission, reste insuf­fi­sant. Cinq ans après sa mise en place, seul un tiers des groupes de pres­sion y sont enre­gis­trés, alors qu’a­près Washington, Bruxelles concentre le plus grand nombre de lob­bies, éva­lués à 30 000. La dépu­tée socia­liste euro­péenne Sylvie Guillaume, qui pousse à la mise en place d’un accord inter-ins­ti­tu­tion­nel, revient pour Place Gre’net sur les avan­cées et les failles du dispositif.

Sylvie Guillaume, député européenne, entend rendre obligatoire l'enregistrement des lobbyistes auprès des institutions européennes.

Sylvie Guillaume DR

Co-négo­cia­trice du Parlement euro­péen pour l’accord inter-ins­ti­tu­tion­nel sur le registre de trans­pa­rence, la dépu­tée socia­liste euro­péenne, et vice-pré­si­dente du Parlement euro­péen, Sylvie Guillaume est pré­sente ce jeudi 1er décembre à 18 heures à Sciences Po pour une confé­rence-débat autour de la ques­tion du lob­bying et de la trans­pa­rence en Europe.

Aux côtés d’Olivier Dandoy, admi­nis­tra­teur prin­ci­pal au Secrétariat géné­ral de la Commission euro­péenne et de Sabine Saurugger, pro­fes­seur de science poli­tique à l’Institut d’études poli­tiques de Grenoble et spé­cia­liste des groupes d’intérêts, la vice-pré­si­dente du Parlement euro­péen revien­dra sur les avan­cées du registre de trans­pa­rence euro­péen mis en place depuis 2011. Sur ses failles aussi. Pour plai­der à un ren­for­ce­ment du dis­po­si­tif, tout en espé­rant la mise en place d’une Haute auto­rité pour la trans­pa­rence de la vie publique à l’échelle européenne.

Le registre de trans­pa­rence euro­péen, com­mun au par­le­ment et à la com­mis­sion, qui per­met d’enregistrer les repré­sen­tants des lob­bies qui cherchent à influen­cer le pro­ces­sus déci­sion­nel, est encore un dis­po­si­tif très limité. Ce registre n’est, par exemple, pas mis en place au sein du Conseil de l’UE…

Sylvie Guillaume : Pour l’instant, le Conseil n’est pas inclus dans le dis­po­si­tif. Cela fait l’objet d’une dis­cus­sion qui va s’ouvrir sur un accord inter-ins­ti­tu­tion­nel, qui devrait donc com­prendre aussi la troi­sième ins­ti­tu­tion de l’Union européenne.

Nous pro­po­sons que le Conseil, c’est-à-dire les États membres, entre dans le pro­ces­sus de registre de trans­pa­rence. Pour l’instant, je sens une petite réti­cence de la part du Conseil qui a lancé une étude avec son ser­vice juri­dique pour savoir si véri­ta­ble­ment cette chose-là était pos­sible. Pour cer­tains des États membres, ce ne serait pas un pro­blème parce que le degré de trans­pa­rence dans leur propre démo­cra­tie est avancé. Pour d’autres, cela pour­rait poser souci parce que le che­min à par­cou­rir est un peu long et risque d’être dif­fi­cile à atteindre.

Et ce registre n’est pas obli­ga­toire non plus, là où il existe…

Sylvie Guillaume : Le carac­tère volon­taire de ce sys­tème d’enregistrement est l’une des failles du dis­po­si­tif. Nous avons, mal­gré des demandes répé­tées du Parlement euro­péen depuis au moins 2008, demandé que l’inscription sur ce registre de trans­pa­rence soit obli­ga­toire. Nous ne l’avons pas obtenu et, là aussi, nous allons essayer dans l’accord inter-ins­ti­tu­tion­nel pro­posé par la Commission euro­péenne de faire pro­gres­ser cette démarche.

Lobby Parlement européen - photo d'illustration © istock

© istock

En atten­dant, on a essayé d’être sub­til en uti­li­sant des méthodes inci­ta­tives. Puisque l’inscription sur le registre de trans­pa­rence n’est pas obli­ga­toire, l’idée est d’inciter à l’inscription en ayant des sortes d’avantages, par exemple en ayant un sys­tème d’informations faci­lité quand on est ins­crit sur le registre.

La Commission euro­péenne a agi dans la même cour mais un peu à l’inverse en disant : désor­mais, tous ceux qui vou­dront ren­con­trer les com­mis­saires, leurs cabi­nets et leur direc­teur géné­ral ne pour­ront le faire que s’ils sont enregistrés.

Grâce à quoi, nous avons bien pro­gressé en deux ans : nous comp­tons désor­mais 10 000 ins­crip­tions, soit un tiers des lob­bies agis­sant à Bruxelles.

Mais rien n’empêche un groupe d’intérêts de ren­con­trer les repré­sen­tants de l’Europe hors des institutions…

Sylvie Guillaume : C’est là où l’on atteint cer­taines limites oui. Mais avec les scan­dales autour de José Manuel Barroso [ex-pré­sident de la Commission euro­péenne, ndlr] ou Neelie Kroes [ex-com­mis­saire à la concur­rence puis au numé­rique, ndlr], je pense que tous les com­mis­saires sont main­te­nant très atten­tifs à faire en sorte de ne pas être pris dans un tel engre­nage. Évidemment, sur leur com­por­te­ment aux uns et aux autres je ne met­trais pas ma main à cou­per, mais je pense que l’on a consi­dé­ra­ble­ment pro­gressé en matière de transparence.

Le Bureau d'information du Parlement européen invite les habitants de l'agglomération grenobloise à venir participer à un débat "Lobbying et transparence en Europe", le jeudi 1er décembre 2016 à 18 heures dans les locaux de Sciences-Po Grenoble sur le domaine universitaire de Saint-Martin-d'Hères.

DR

La ques­tion des groupes d’intérêts ne se pose pas seule­ment lors de leur ren­contre avec un com­mis­saire ou un direc­teur géné­ral. Il y a fina­le­ment une pro­por­tion infime de per­sonnes qui ren­contrent direc­te­ment un com­mis­saire par rap­port à tous ceux qui cherchent à influer…

On sait très bien que ce type de contacts se noue ailleurs, autre­ment et avec d’autres per­sonnes. Et ce n’est pas sus­pect a priori. Quand on parle de lobby, il ne faut pas tout de suite avoir en tête des ques­tions de cor­rup­tion. Elles existent mais ce n’est pas la pra­tique courante.

« Le par­le­men­taire a tou­jours le loi­sir de dire non »

En France, il y a cette idée que le lobby est for­ce­ment lié à la cor­rup­tion parce qu’on a tout de suite en tête l’agro-alimentaire, l’industrie phar­ma­ceu­tique où de très gros inté­rêts éco­no­miques sont en jeu… L’agriculture, aussi, où les sommes sont colos­sales. La poli­tique agri­cole com­mune, c’est 40 % du bud­get euro­péen. On ima­gine bien que ses orien­ta­tions sus­citent des convoi­tises… Mais il ne faut pas oublier que le par­le­men­taire a tou­jours le loi­sir de dire « non ». Il n’y a jamais d’obligation à ren­con­trer un lobby.

Il faut être très vigi­lant mais il ne faut pas non plus réfré­ner ces pra­tiques. Dans mon acti­vité de par­le­men­taire, je suis très loin des lob­bies car tra­vaillant dans les domaines des migra­tions et de l’a­sile. Par contre, je ren­contre beau­coup d’ONG qui ont une exper­tise par­ti­cu­lière. Je pense que le contact avec ce type de struc­tures est extrê­me­ment pro­fi­table pour mon travail.

Dans ce cadre, je dois dire que je les ai ren­con­trées car cela m’a aidée à faire évo­luer mon point de vue sur le sujet. Et ce n’est pas gênant à par­tir du moment où il n‘y a pas d’embrouille, où cette ren­contre ne donne pas lieu à une contre­par­tie, notam­ment finan­cière. Travailler ensemble, cela ne veut pas dire être corrompu.

Propos recueillis par Patricia Cerinsek

Patricia Cerinsek

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