TROIS QUESTIONS À – L’avocat Claude Coutaz, engagé depuis dix-neuf ans à Grenoble dans la défense des immigrés et des sans-papiers, revient sur ses premières rencontres avec les migrants de Calais, dont 77 sont installés à la Tour Arpej sur le campus universitaire de Saint-Martin-d'Hères. D'où viennent-ils ? Souhaitent-ils rester en France et y demander asile ? Alors que 57 nouveaux migrants en provenance d’Île-de-France viennent d'être accueillis jeudi 17 novembre au soir en Isère, les intentions de la préfecture et de l’État ne s'avèrent pas encore totalement limpides.
Place Gre’net : Vous apportez une aide juridique aux migrants de Calais installés sur le campus. Avez-vous été désigné pour ce travail ou vous êtes-vous porté volontaire ? Combien d'avocats y participent dans l'agglomération grenobloise ? Qui prend en charge cette aide et en quoi consiste-t-elle précisément ?
Claude Coutaz – Le président du Conseil national des barreaux a lancé un appel aux bâtonniers pour que chacun dans son barreau organise des temps auprès des migrants pour les informer de leur accès au droit. […] Je me suis évidemment porté volontaire auprès de mon bâtonnier, qui m’a désigné pour organiser des permanences auprès des migrants, les mardis et jeudis après-midi. Une vingtaine de confrères se sont portés volontaires, qui ont soit des compétences en droit des étrangers, soit des compétences linguistiques, soit simplement envie d’aider […].
Nous ne sommes pas rémunérés. C’est gratuit, comme les permanences que nous organisons toute l’année, dans le cadre de l’accès aux droits, que ce soit au palais de justice ou au CCAS [centre communal d'action sociale, ndlr]… On propose donc gratuitement nos services au Centre d'accueil et d'orientation [organisation mise en place par l’État pour l'accueil des migrants de Calais, ndlr], car là il y a une concentration de besoins […]. Je me suis retrouvé, en somme, moi et mes collègues, dans la situation de tout le monde qui, voyant la situation des réfugiés, se demande que faire pour aider…
Notre travail consiste à informer les migrants sur leurs droits, et même sur les bases… Car ils sont vraiment perdus. Déjà, ils sont extrêmement fatigués. Ils n’en sont pas encore à avoir posé leurs valises. Ils ne savent pas ce qu’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) [auprès duquel ils peuvent déposer une demande d'asile, ndlr]. Ils ne savent même pas ce que c’est que la préfecture…
La première fois où nous sommes allés à leur rencontre, nous nous sommes présentés. On a expliqué ce que c’était qu'un avocat, que nous sommes tenus au secret professionnel, que nous sommes indépendants…
Ce point leur importe particulièrement, ça les a mis en confiance […] Quand on leur dit quelque chose, ce n'est pas le préfet qui nous dit de le dire, mais parce que c’est la loi, c’est la réalité. On s’est mis ensuite dans des endroits confidentiels pour avoir des entretiens individuels avec ceux qui voulaient bien en avoir… ceux qui pouvaient en avoir parce qu’il y a ce problème de langue. On va continuer à les rencontrer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de besoins.
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