FOCUS – Le parasite de la toxoplasmose, les femmes enceintes le connaissent bien pour les risques qu’il fait porter au fœtus. Les chercheurs grenoblois aussi qui l’étudient depuis plusieurs années. Et pour cause. Toxoplasma gondii a développé au fil des millions d’années de son évolution la capacité à arrêter une réaction inflammatoire. Un mécanisme unique qui ouvre la porte à la mise au point de nouveaux médicaments.
Le parasite de la toxoplasmose est un petit être vivant fabuleux. D’abord parce que, comme tout bon parasite, il a la capacité à vivre et grandir aux crochets de celui qui l’héberge.
Ensuite parce qu’il a développé, au fil des millions d’années de son évolution, cette propriété de réprimer voire d’arrêter une réponse inflammatoire.
Un mécanisme qui intéresse au plus haut point les chercheurs de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes) et du CEA qui, depuis plusieurs années, travaillent à décrypter Toxoplasma gondii et dont les derniers travaux ont été publiés dans le Journal of experimental medicine.
Toxoplasma gondii, on le trouve un peu partout. Dans la viande crue ou peu cuite, les fruits et légumes mal lavés et la litière des chats. On estime d’ailleurs que la moitié de la population française est infestée.
Toxoplasma gondii prend le contrôle des cellules
Si Toxoplasma gondii s’est fait une petite réputation, c’est qu’il est aussi la bête noire des femmes enceintes non immunisées à qui il fait courir le risque de malformations fœtales, voire de mort in utero, mais aussi des patients dont le système immunitaire est affaibli ou immature. D’autant que le parasite affiche une longévité inégalée dans le monde des micro-organismes. Une capacité à rester au chaud hors du commun.
« Nous avons là un parasite très adapté à son hôte et tout se passe bien ! », souligne Mohamed-Ali Hakimi, directeur de recherche à l’Inserm. « C’est une forme de symbiotisme. »
De fait, Toxoplama gondii a mis au point une stratégie ingénieuse, unique même, pour prendre le contrôle des cellules.
« Il provoque une inflammation passagère qui va permettre à la cellule hôte de tuer une partie de la population de parasites, poursuit le chercheur grenoblois. Mais pas tous. Certains vont alors se cacher dans d’autres parties du corps et provoquer une réaction anti-inflammatoire. »
Si les virus et les bactéries partagent la capacité des parasites à moduler la réponse immunitaire des animaux qu’ils infectent, la complexité avec laquelle Toxoplasma gondii se joue des défenses de son hôte est sans commune mesure. Ainsi, contrôle-t-il la réponse immunitaire pro-inflammatoire de son hôte, dans le but de poursuivre son cycle infectieux et… de persister.
C’est cette réaction anti-inflammatoire que cherchent aujourd’hui à reproduire les chercheurs. Des travaux pour lesquels l’équipe a obtenu le financement de l’European Research Council (ERC) à hauteur de deux millions d’euros.
Avec l’espoir, en copiant le mécanisme élaboré par Toxoplasma gondii, de mettre au point de nouveaux médicaments.
Patricia Cerinsek