REPORTAGE – Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a inauguré en personne, lundi 26 septembre, la nouvelle résidence Geneviève Jourdain du Crous, située dans le quartier de la Presqu’île. Avant de participer à une table ronde sur l’innovation pédagogique à l’École supérieure du professorat et de l’éducation.
« Dans l’Enseignement supérieur, on a des baisses de budget constante, une privatisation rampante des universités, et le gouvernement socialiste n’a jamais rien fait contre ça ! » Attendue pour l’inauguration de la nouvelle résidence du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) Geneviève Jourdain à Grenoble, la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’est pas encore arrivée que Julien Auberger et quelques-uns de ses camarades de Solidaires Étudiants sont déjà sur place pour manifester.
Ils ne seront cependant pas nombreux, même rejoints plus tard par quelques drapeaux des anarchistes de la Confédération nationale du travail, et trois “clowns activistes”. Clairement moins nombreux, en tout cas, que les nombreux policiers qui ne cesseront de les couver du regard.
Nouvelle rue, nouvelle résidence
Outre la ministre Najat Vallaud-Belkacem, sont également attendus le maire de Grenoble, Éric Piolle, le président de la Métro, Christophe Ferrari, et même le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. Autant dire que les revendications de la poignée de manifestants partent dans tous les sens : accueil des migrants, critique des forces de l’ordre ou encore dénonciation du plan d’austérité décrété par la Ville…
Tous trois cependant s’excuseront de ne pouvoir être présents. Et c’est accompagnée de Michel Destot, député de l’Isère – et ancien maire socialiste de Grenoble –, et de Geneviève Fioraso, députée de l’Isère – et ancienne ministre – que Najat Vallaud-Belkacem fera son arrivée rue Vassieux-en-Vercors. Une toute nouvelle rue – elle n’a même pas encore de plaque ! – pour une toute nouvelle résidence étudiante, située au cœur du quartier de la Presqu’île.
Une ministre pour inaugurer les lieux ? « Ça a été une demande de sa part, nous précise Stéphanie Clépier, responsable communication du Crous. Parce que c’est un lieu de vie étudiant, tout un complexe précurseur. » Des logements, en effet, mais également une antenne « centre de santé inter-universitaire » proposant des permanences de consultation du lundi au vendredi, ainsi qu’un espace de vie étudiante baptisé Escape. Autant de lieux que la ministre sera invitée à visiter.
Si la traditionnelle coupure de ruban devait se faire à l’extérieur, c’est finalement – sur décision de dernière minute de la préfecture – au sein du hall de la résidence que Najat Vallaud-Belkacem donnera le coup de ciseaux inaugural. Des ciseaux qui se feront attendre. « Quelqu’un a un couteau suisse ? », s’amuse-t-elle. Ce n’est pourtant pas le bon moment de sortir un couteau, même suisse, devant une ministre…
Une visite sur les chapeaux de roue
Les premiers pensionnaires de la résidence Geneviève Jourdain ayant emménagé au début du mois de septembre, autant dire que la visite des logements se fait dans un bâtiment encore immaculé. Des chambres de 18 m2, des T2 de 27 m2 conçus pour les couples, et même deux T4 de 70 m2 pour de la colocation : la résidence fait clairement la fierté du Crous.
Après un bref passage au sein du Centre de santé et un petit signe de la main moqueur aux quelques manifestants toujours présents de l’autre côté de la route, la visite menée sur les chapeaux de roue se conclut à l’espace Escape : gymnase au sous-sol, cafétéria au rez-de-chaussée, salles d’activités étudiantes au premier étage… Une salle à l’image du quartier de la Presqu’île, en pleine ébullition.
Pendant ce temps pourtant, certaines résidences universitaires sur le campus se distinguent par leur vétusté, quand des bâtiments du Crous ne sont pas simplement murés et laissés à l’abandon au Village olympique. Stéphanie Clépier assure que leur rénovation est au programme. « C’est prévu, mais effectivement cela prend plus de temps. Les réhabilitations, cela prend deux fois plus d’énergie, et représente un investissement financier conséquent. »
« La précarité, ça empêche juste de réussir ses études ! »
Prenant la parole pour clore sa visite, Najat Vallaud-Belkacem vante un « service impressionnant rendu aux étudiants », mettant particulièrement l’accent sur l’importance des bourses étudiantes. Quand bien même la résidence Geneviève Jourdain n’est pas réservée qu’aux étudiants boursiers.
« Il y en a assez de ces discours qui consistent à dire que la période de la vie étudiante, c’est une période de bohème, comme si la bohème était gentillette, comme si la précarité ce n’était pas très grave quand on est jeune… La pauvreté, la précarité, ça empêche juste de réussir ses études ! Ça n’est pas qu’un temps dans la vie : ça influe sur le reste de la vie ! »
Insistant sur le fait que la vie étudiante n’est pas « accessoire », la ministre annonce qu’au sein du budget 2017 pour l’Enseignement supérieur et la Recherche se trouvera une « enveloppe de 100 millions d’euros réservée spécifiquement pour accompagner les étudiants, qui arrivent en nombre dans les universités, dans les meilleures conditions qui soient ».
« Être accompagné par les pouvoir publics, par des bourses, par des logements étudiants, des bibliothèques universitaires ouvertes plus tard le soir, par un accès aux soins facilités comme on l’a vu ici, cela met en condition de pouvoir se concentrer sur ses études, de ne pas être obligé de recourir à des jobs étudiants ou, du moins, de le faire dans des conditions conciliables avec la réussite », note-t-elle encore.
L’excellence par la démocratisation
Najat Vallaud-Belkacem s’appliquera enfin à défendre le bilan du quinquennat Hollande, tout en critiquant sans le nommer celui de Nicolas Sarkozy, sur la question des constructions de logements étudiants : « En 2012, nous avons décidé que 40 000 places seraient construites ou rénovées pour les étudiants. Nous en sommes aujourd’hui à près de 27 000. »
« Il a aussi été décidé de faire preuve d’innovation, en lien avec les collectivités locales que je remercie, en termes de services rendus ou d’inscription des résidences au sein de leur environnement. C’est très important d’être à proximité des zones d’activité, et de multiplier les articulations. »
« Tout cela permet de dire haut et fort, conclut Najat Vallaud-Belkacem, que notre pays se met dans la voie de la démocratisation de son enseignement supérieur, et c’est par la démocratisation de l’enseignement supérieur que l’on assurera, contrairement à une idée reçue, l’excellence de l’enseignement supérieur. Pas le contraire. »
Florent Mathieu
L’INNOVATION PÉDAGOGIQUE AU CENTRE D’UNE TABLE RONDE
« Innover dans l’éducation : quelle ambition pour la France ? » Le déplacement à Grenoble de la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem était aussi placé sous le signe de l’innovation pédagogique, avec sa participation à une table ronde à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Éspé), et la remise de deux rapports.
En l’occurrence, le rapport du Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative (Cniré), baptisé « Pour une école innovante », et le rapport de la mission sur les Instituts Carnot de l’éducation (Icé).
Les idées phare
Parmi les idées phare ? La nécessité de resserrer les liens entre la recherche sur l’éducation et ceux qui la pratiquent, en mettant en relation chercheurs et enseignants. Durant la table ronde, des projets soutenus par l’Icé seront détaillés par les enseignants ou les chercheurs les ayant mis en place.
Travailler sur la concentration des élèves à partir de données concrètes, se pencher sur la question spécifique des élèves allophones, ou encore s’intéresser à la question neurologique – quitte à utiliser des « serious games » – pour mieux lutter contre un supposé « comportement addictif » face aux jeux vidéos sur tablettes ou smartphones… Autant de pistes, souvent très techniques, proposées par des équipes issues d’Auvergne-Rhône-Alpes, région test des Icé.
« Faire de l’oral un enseignement spécifique », « ouvrir les lieux scolaires à d’autres usages et à d’autres publics » ou encore « créer un sentiment d’appartenance » de l’élève à son établissement… Le rapport du Cniré présente de son côté vingt-cinq propositions, « qui ne resteront pas lettre morte », affirme la ministre.
Les annonces concrètes
Au-delà des projets et des propositions, quelles annonces concrètes à l’échelle nationale ? « En 2016 – 2017, le développement de la communication envers les parents va se poursuivre. Nous prévoyons ainsi le recrutement de 10 000 jeunes en service civique en soutien de la politique de la participation des parents dans l’éducation de leurs enfants », indique Najat Vallaud-Belkacem.
Saluant également le travail fourni par les Instituts Carnot de l’éducation et le travail de Roger Fougères, responsable du projet, la ministre fait savoir que seront étudiées « les conditions d’un essaimage national ». « Les premiers résultats sont extrêmement prometteurs. Le démonstrateur a prouvé son efficacité. Nous avons là un modèle solide et cohérent qui a donc vocation à essaimer. »
Un essaimage qui se traduira par l’octroi d’un complément de financement de 500 000 euros, en plus de la dotation initiale de 200 000 euros, accordé pour poursuivre l’expérimentation. « Parce que nous savons que développer les liens entre Recherche et Éducation nationale, c’est investir pour l’avenir », conclut la ministre.