FOCUS – La commission d’agriculture urbaine du mouvement Nuit debout s’apprête à remettre une pétition à la ville de Grenoble, vendredi 1er juillet. L’objectif de Légumes debout ? Pouvoir cultiver des fruits et légumes accessibles et gratuits pour tous, dans les espaces urbains. Mais aussi créer un circuit court d’alimentation et « cultiver le lien social ».
Ils sont quelques dizaines, en ce soir de mai, à rejoindre le centre-ville de Grenoble pour… planter des comestibles dans les espaces publics. Bien que menée à la tombée de la nuit, l’opération n’a rien de secret.
Inhabituelle, l’action suscite la curiosité des passants, qui s’arrêtent parfois pour poser des questions, auxquelles les participants répondent bien volontiers. Des passants pour la plupart enchantés par l’initiative, l’une d’eux rejoignant même le groupe pour planter quelques pousses.
Le nom de cette opération ? Légumes debout. Une initiative née au sein de la commission d’agriculture urbaine, elle-même créée le 17 avril dernier au cœur du mouvement Nuit debout Grenoble. Ses participants s’engagent à planter des comestibles dans les espaces verts de la ville de Grenoble. Certains ont déjà une expérience en jardinage, d’autres sont plus portés par les idées de partage et de citoyenneté. Mais tous sont motivés par l’idée d’acquérir de nouvelles compétences en agriculture urbaine et de les appliquer aussitôt.
Des récoltes gratuites, sans pesticides
Armés d’outils de jardinage, de graines et de pousses, ainsi que de terreau et de paille, une cinquantaine de personnes ont participé aux différentes actions de plantation de comestibles : tomates, courgettes, navets, basilic, salade et choux pour n’en nommer que quelques-uns. Certaines pousses proviennent de récupération auprès de maraîchers locaux. Mais aussi de magasins bio qui ont encouragé le projet.
En plus des quelques plantations dans le centre-ville, “un jardin de boue” a été installé aux pieds de la MC2, près de l’ancien campement de Nuit debout. Une façon de créer un système alternatif réunissant des personnes d’horizons très divers autour du jardinage en ville. Tout en faisant bénéficier ceux qui en ont besoin de récoltes gratuites sans pesticides. « On s’est rendu compte que beaucoup de gens en situation de précarité avait du mal à boucler les fins de mois », explique Sylvie, initiatrice de la commission d’agriculture urbaine inspirée du film Demain.
« Je me suis dit que si l’on plantait des légumes, dont la récolte serait gratuite pour tous, cela permettrait aux citoyens de ne pas dépenser autant pour l’alimentation et, en plus, d’avoir des produits sains. En outre, l’idée fondatrice de ce projet est de faire des choses ensemble, à plusieurs. »
Pour Olivier – qui a très vite rejoint l’initiative, en phase avec ses convictions et engagements personnels –, le but de Légumes debout est même de créer du lien social entre différentes générations réunies autour d’une activité commune.
Une pétition pour « cultiver du lien social et créer un circuit local »
Prochaine étape de l’évolution de Légumes debout : la sollicitation de la municipalité. Dans le cadre du droit d’interpellation citoyenne, les membres de la commission d’agriculture urbaine ont en effet lancé une pétition. Leur requête ? Ils demandent à la ville de Grenoble de « mettre massivement à disposition de la population des espaces qu’elle gère ou possède (parcs, massifs, espaces délaissés… ) pour que chacun puisse y planter des légumes, fruits, aromatiques, en jardinant au naturel via les techniques de permaculture. »

Plantations le long du boulevard Gambetta. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net
Autre demande : relayer cette sollicitation auprès de Grenoble-Alpes Métropole, qui gère certains espaces de Grenoble, comme ceux destinés aux piétons ou des jardinières. La gratuité et l’accessibilité de ces plantations importent beaucoup aux porteurs du projet. Selon eux, ces jardins partagés doivent être auto-gérés par des habitants, « sans qu’il soit nécessaire d’appartenir à un collectif ou une association ». Le but ? « Cultiver du lien social et créer un circuit local fournissant aux Grenoblois une source de production alimentaire de complément. »

© Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net
Nuit debout Grenoble, qui a voté pour le texte de la pétition, a initié le projet auprès de la mairie avec le mouvement Grenoble Transition 2016 créé par Sylvie Jamet.
Le texte initial a dû être revu plusieurs fois par des porteurs du projet et par leur interlocuteur à la mairie pour le faire entrer dans le cadre du projet des interpellations citoyennes. Notamment en ne dépassant pas le nombre de caractères prévus dans les formulaires.
« Les contraintes de temps sont également assez importantes », constate Sylvie. Pour que la pétition soit soumise au vote en octobre, elle doit en effet être déposée au conseil municipal du 11 juillet, avec au moins 2000 signatures de soutien. Le tout au format papier. « Il n’est donc pas possible de la remplir en ligne, ce qui aurait pu accélérer sa signature. Nous avons voulu récolter 20.000 signatures pour montrer à la mairie l’importance de ce projet, mais j’ai peur qu’avec ces deux contraintes, ce ne soit pas possible. On peut cependant consulter le texte de la pétition et télécharger le formulaire en ligne afin de le signer et le déposer auprès des initiateurs. »

Sylvie, initiatrice de la commission d’agriculture urbaine au sein de Nuit debout. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net
Le retour des interlocuteurs municipaux sur le projet est positif, à en croire Sylvie. Pas étonnant, car l’initiative va visiblement dans le sens des actions menées par la mairie. Qui, rappelons-le, encourage la création de jardins partagés à travers le dispositif « Jardinons nos rues » et soutient des citoyens qui portent des projets de plantations collectives dans des espaces urbains. La Ville s’engage ainsi à « aménager des fosses de pleine terre, des jardinières » et, même, à « subventionner une partie des travaux pour les plantes grimpantes » si le projet est « réalisable techniquement ».
Pour ce qui est des détails concrets de mise en œuvre, il faudra toutefois repasser… Lucille Lheureux, adjointe en charge des espaces publics et de la nature en ville, n’a en effet pas donné suite à nos multiples demandes d’entretien au sujet des plantations de comestibles dans les espaces urbains de Grenoble.
Yuliya Ruzhechka