TROIS QUESTIONS À – L’endettement de la ville de Grenoble ? Il aurait commencé dès 2012 – 2013. La hausse des dépenses de personnel ? 2012 aussi. Maud Tavel, adjointe en charge de l’administration générale et du personnel, revient sur les difficultés budgétaires qui ont conduit la ville à mettre en place un plan d’économies dans les services publics. Et pointe le manque d’anticipation de la précédente municipalité.
Dégradation de l’auto-financement, recours important à l’emprunt, ponction dans les réserves… Dans un courrier, le préfet a alerté le maire de Grenoble sur une situation qu’il juge « délicate ». Qu’en est-il ?
Il y a une situation commune à toutes les collectivités, c’est la perte de dotations de l’État. La dotation globale de fonctionnement (DGF), qui était de 46 millions en 2013, sera de 26 millions en 2017. Cinq ans près, on a bien perdu 20 millions d’euros.
L’annonce faite au Congrès des maires par François Hollande d’une baisse de moitié de la diminution de la dotation sur cette dernière année 2017 fait que la baisse devrait être de 17 millions d’euros. Maintenant, on attend… L’annonce reste encore à confirmer.
Dans le même temps, il y a eu la réforme de la fonction publique et l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires, gelé depuis 2010. Pour la ville de Grenoble, cette revalorisation des salaires représente entre 3 et 3,5 millions d’euros en plus. On a donc gagné d’un côté ce que l’on a perdu de l’autre.
Et puis, il y a la situation particulière de Grenoble avec un niveau d’imposition parmi les plus élevés de France. On a très peu, voire pas de levier sur la fiscalité. C’est aussi un choix politique. Et on fait partie des cinq villes les plus endettées, sachant que le recours à l’emprunt est là pour financer les investissements de la commune et non pas le fonctionnement.
Le ralentissement des investissements comme le report ou l’annulation de projets tels l’Esplanade vous coupe aussi de recettes supplémentaires…
Le projet Esplanade n’est pas annulé mais a été retravaillé avec la volonté de ne pas densifier ce secteur.
Pour Cambridge, on travaille depuis plus d’un an avec l’union de quartier sur un secteur, de l’autre côté de la voie ferrée, qui accueillera dans deux ans une nouvelle école. Sur Flaubert, la commission d’appel d’offres va se réunir pour choisir le concepteur urbain. Et le premier îlot entre en phase opérationnelle.
Mais, là, comme sur la Presqu’île, qui sont des Zac très importantes, on a besoin de travailler par secteur et de s’assurer qu’il y a bien une cohérence entre les dépenses engagées et les recettes. On est aujourd’hui dans une phase de transition avec des projets pas terminés et qui ne génèrent pas encore de recettes fiscales.
Et puis, il faut être cohérent et en lien avec le marché de l’immobilier. Sur Presqu’île, des entreprises vont venir s’installer. Par contre, sur Bouchayer-Viallet, qui a démarré au milieu des années 2000, on souffre d’une réelle concurrence de la Presqu’île. Et aujourd’hui, on n’a pas d’entreprises qui souhaitent s’y implanter.
C’est de la responsabilité des élus que de s’assurer de la cohérence à l’échelle des territoires et d’éviter qu’il y ait une concurrence. C’est aux élus de s’assurer qu’une opération engagée puisse être menée au bout avant d’en démarrer une autre, même si on sait que le temps de l’aménagement est un temps long et qu’on est aussi soumis aux aléas de l’économie.
En quelques années, l’épargne nette a dévissé. Elle était de 3,8 millions en 2013, avant de passer en négatif à – 458.000 euros en 2014, puis – 5,6 millions en 2015. Comment la Ville en est-elle arrivée là ?
Des investissements très importants ont été faits et ont été pratiquement portés seul par la ville de Grenoble. Aujourd’hui, au regard de notre patrimoine immobilier, la collectivité n’a pas été en mesure de suffisamment entretenir l’existant. On est face à une équation un peu insoluble : il faut à la fois entretenir le patrimoine existant, soutenir le plan écoles et faire le choix de diminuer le nombre de mètres carrés dont la Ville est propriétaire. Nous avons un peu moins de 9 000 m² de bâtiments. C’est beaucoup trop important.
Quand la piscine des Dauphins a été actée, il était prévu que la piscine Iris soit fermée. Or, cet équipement est resté un certain temps en fonctionnement. Même chose pour la Halle de tennis… Au-delà du coût (passé de 4 à 12 millions d’euros), quel devenir pour l’ancienne halle ? Cela n’a pas été anticipé.
C’est le cas aussi pour les deux bibliothèques Hauquelin et Prémol. Ces équipements étaient identifiés depuis un petit moment comme étant très peu ouverts sur la semaine, avec des coûts de maintenance du patrimoine importants. Là aussi, il y a un réel manque d’anticipation.
En fait, l’endettement de la collectivité a dérapé à partir de 2012 – 2013. Les dépenses de personnel ont aussi fortement augmenté à partir de 2012. Elles étaient de 126,4 millions d’euros en 2012, avant de passer à 130,6 millions en 2013, puis 137,2 millions d’euros en 2014 ! En 2015, elles représentent 137,9 millions d’euros…
Et cette augmentation ne peut pas seulement s’expliquer avec la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Beaucoup de renforts ont été mis en place à certaines périodes de l’année, un certain nombre d’heures supplémentaires aussi…
Dès 2014, on a instauré les premières mesures de sobriété*. Mais on a besoin d’aller plus loin. C’est dans cet objectif que le plan de sauvegarde des service publics a été mis en place : pour travailler de manière pluriannuelle, pour ne pas avoir chaque année ce couperet de la préparation budgétaire. Il faut un travail de fond.
La réflexion est la même sur les équipements. Ils ont été construits à une époque où le réseau de transports, de pistes cyclables n’était pas le même que celui d’aujourd’hui, avec une ville qui s’inscrit désormais dans une métropole.
Propos recueillis par Patricia Cerinsek
* Le plan de sobriété a permis de faire des économies de l’ordre de 1,4 à 1,6 million d’euros par an.
RACHAT DU SIÈGE DU CRÉDIT AGRICOLE : GABEGIE OU SOURCE D’ÉCONOMIES ?
Le rachat du siège du Crédit agricole est au centre de la réorganisation du patrimoine bâti de la ville. Sera-t-il pour autant source d’économies ? « Le bâtiment Claudel va nous permettre de libérer un certain nombre de bâtiments qui seront, soit cédés pour être transformés en logements ou bureaux, soit démolis », souligne Maud Tavel.
Grenoble devrait pouvoir ainsi faire l’économie d’une dizaine de bâtiments municipaux. Dans une réponse au groupe d’analyse métropolitain (Gam) qui s’interroge sur les conditions de rachat du siège du Crédit agricole*, la Ville, sur la base d’études réalisées en 2014, estime la cession des actifs ainsi libérés à 6 millions d’euros.
Entre 550 et 600 agents de la Ville seront ainsi relogés dans le bâtiment Claudel. La ville est en effet, depuis le 31 décembre 2015, propriétaire du bâtiment, moyennant 8 millions d’euros d’emprunt.Bâtiment qu’elle continue de louer au Crédit agricole, pour 300 000 euros par an, le nouveau siège de la banque n’étant pas livré avant fin 2017 – 2018. « Le rachat du siège n’est pas quelque chose de nouveau, continue l’adjointe. Les études avaient été engagées avant qu’on arrive par les services du Crédit agricole et la direction de l’immobilier municipal pour voir quelle était la capacité de ce bâtiment, les travaux réalisés ces dix dernières années… » Tous les travaux importants ont été réalisés. Pas de surcoût, donc. « On n’y est pas allé la fleur au fusil, se défend l’adjointe. On a fait le choix d’investir dans ce patrimoine pour regrouper nos équipes. Avec la ligne de tram, on est à quatre ou cinq arrêts de l’Hôtel-de-Ville. Aujourd’hui, nos équipes, disséminées à travers la ville, utilisent des véhicules. Demain, elles utiliseront la ligne A ou les vélos. »