FOCUS – Quelques centaines de manifestants se sont rassemblés, ce jeudi 9 juin à Grenoble, contre la loi Travail. Au programme de cette journée : action de soutien à Maître Ripert devant le tribunal le matin, puis un rassemblement rue Félix-Poulat à midi, suivi d’un autre place de Verdun pour dénoncer les conditions de vie des retraités. Enfin, un dernier, improvisé, à 17 heures devant la mairie de Grenoble « contre les mesures d’austérité annoncées par l’équipe municipale ».
La nouveauté de cette énième journée d’action contre la loi Travail, ce 9 juin ? Une votation citoyenne conduite à l’initiative de sept organisations syndicales. Des séances de votations étaient également organisées au sein des entreprises, des administrations et des lieux d’études au niveau national.
Un bureau de vote improvisé s’est installé rue Félix-Poulat. Le but ? Rassembler les avis des citoyens concernant le retrait de la loi Travail. « C’est une votation pour une consultation », explique un militant CGT.
« Autre question évoquée dans le bulletin : faut-il plus de droits pour les salariés ? » Manifestants et passants étaient invités à remplir des bulletins. Si certains appréciaient de pouvoir s’exprimer, d’autres restaient sceptiques et continuaient leur marche sans même jeter un regard vers les syndicalistes. Que vont devenir tous ces bulletins de votes citoyens au final ? Les syndicats comptent les analyser et trouver un moyen de les faire parvenir au ministère de Travail.
Convergence ou dissonance ?
Les questions posées par des manifestants lors des rassemblements ou pendant les assemblées citoyennes ne cessent de s’élargir : délocalisation des entreprises françaises, construction du Center parcs de Roybon, ou encore réflexion sur le changement des horaires des assemblées populaires pendant la période du Ramadan pour sensibiliser un public plus large.
Les luttes convergent, le mouvement semble avoir trouvé un nouveau souffle après la départ de Nuit debout de son campement sur le parvis de la MC2. Des commissions du mouvement reprennent leur travail, les actions spontanées ou organisées à l’avance se multiplient : discussions, rassemblements, actions de soutien…
Mais pourquoi alors la manifestation de ce jeudi 9 juin a‑t-elle rassemblé aussi peu de monde ? « Certaines personnes se mettent en grève, mais ne vont pas manifester car elles n’aiment pas ça », tentent d’expliquer quelques syndicalistes. « Il y a des gens qui en ont marre des manifestations », lance une personne de Nuit debout. Autre raison possible ? Les grèves pénalisent les salaires des employés qui ne sont pas tous prêts pour ce sacrifice… Du moins, pas toutes les semaines.
« Depuis le début des manifestations et des grèves, on a perdu déjà environ dix jours de salaire », constate François, facteur, qui précise que ses collègues soutiennent les mobilisations citoyennes, mais de manière assez irrégulière, « plutôt par vagues ».
Si certains ne sont plus partants pour des manifestations, la mobilisation attire cependant de nouvelles personnes. « Je suis venu aujourd’hui pour la première fois : pour me renseigner, prendre des informations… », raconte un retraité, place de Verdun, en montrant le paquet de tracts récoltés auprès des syndicats afin de s’informer sur les différentes revendications. « Mais tout le monde ici ne connaît pas bien le sujet au-delà des slogans ! », se désole-t-il.
Sa voisine de banc, une infirmière à la retraite, remarque : « Les gens se rassemblent parce qu’il y a un grand sentiment de ras-le-bol. Alors qu’ils ne se parlent plus, les mobilisations et les mouvements comme Nuit debout ont permis de leur donner la parole. »
Cap sur l’Euro et une grande manifestation parisienne
Ce jeudi, lors du rassemblement, on apercevait surtout des manifestants sous des drapeaux des syndicats,entre deux voitures sono. A un moment donné, les personnes présentes ont dû prendre une décision : rester rue Félix-Poulat, rejoindre à la gare l’assemblée générale des cheminots (déjà terminée, d’après certains), ou se diriger vers la place de Verdun afin de montrer leur soutien aux personnes retraitées rassemblées.
Amplifiant ce moment de doute, un vélo sono est passé entre des personnes réunies, les appelant à rejoindre le tribunal pour une action de soutien à Maître Ripert. De quoi disperser les forces ?
Pas certain, dans la mesure où syndicats et mouvements citoyens cherchent à organiser des actions communes. L’Euro, le championnat d’Europe de football masculin, constitue, de fait, un sujet-fédérateur… Des actions de blocages s’organisent ainsi dans les villes françaises qui accueillent le championnat.
« Une ville, un match, une action », résume Fernando, le secrétaire FO Semitag en ajoutant que des actions diverses seront organisées à l’occasion de chaque match par le syndicat du transport public.
D’autres exemples d’union et de convergence ? La prochaine grande journée de manifestation prévue mardi 14 juin. La date de ce rassemblement n’est pas choisie par hasard : « A partir du lundi 13 juin à 16 heures, le Sénat examine le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », indique la page web du Sénat. Ce jour-là, l’intersyndicale incite les Français à rejoindre Paris.
A Grenoble, les syndicats ont loué des bus – pour l’instant, une dizaine environ – afin de faciliter le trajet des manifestants. Certains ont même opté pour un prix libre, afin de permettre à tout le monde de rejoindre la grande manifestation dans la capitale.
Syndicalistes, militants de Nuit debout et citoyens sans étiquettes s’organisent ainsi dans différentes villes de l’Hexagone pour mutualiser des coûts des bus ou encore pour faire du covoiturage. Prochain arrêt pour ces personnes mobilisées : « Paris manifestation ».
Yuliya Ruzhechka