FOCUS – Permettre à des étudiants réfugiés en France de reprendre leurs études après avoir fui la guerre ou la dictature dans leur pays, tel est l’objectif de la formation intensive à la langue et culture françaises mise en place par le Centre universitaire d’études françaises (Cuef) de Grenoble. Pour se financer, l’initiative a entre autres recours au crowdfunding. Et espère ainsi réunir 6.000 euros, soit plus de 10 % du montant requis.
« Une passerelle pour des formations diplômantes », c’est ainsi que Laura Abou Haidar, directrice du Centre universitaire d’études françaises (Cuef) présente la formation intensive à la langue et culture françaises qu’elle a mise en place à l’intention des demandeurs d’asile désireux de reprendre des études interrompues par l’exil.
Depuis octobre 2014, le Cuef offrait déjà des formations mensuelles à ces étudiants venus d’ailleurs, en partenariat avec l’université Stendhal et, depuis le mois de janvier dernier, avec l’Université Grenoble-Alpes (UGA).
« Nous avons accueilli plusieurs dizaines d’étudiants et offert plusieurs dizaines de sessions, note Laura Abou Haidar. Et nous nous sommes aperçu que certains de ces étudiants étaient extrêmement volontaires et progressaient d’une manière étonnante. Nous nous sommes alors dit qu’il fallait leur offrir une solution plus pérenne et avons décidé de mettre en place un véritable diplôme d’université. »
Cette formation intensive, d’une durée de quatre mois, a commencé le 17 mai pour sa première session. Elle accueille pour l’heure quatorze étudiants sur la vingtaine de places disponibles, tous les candidats n’ayant pas réussi le test prérequis pour pouvoir y accéder. Onze femmes et trois hommes, en majorité Syriens et Irakiens, sont ainsi engagés dans cet apprentissage du français nécessaire à la reprise de leurs études sur notre territoire.
Des profils et des objectifs variés
Les profils de ces étudiants sont variés, les objectifs aussi. L’une veut enseigner l’anglais et l’arabe, l’autre souhaite entreprendre des études en mécanique, mais tous affichent une même motivation, et un français d’ores et déjà de très bonne qualité.
« J’ai commencé à apprendre le français avec YouTube », explique Dakakni, réfugié syrien de 27 ans arrivé en France voilà six mois. Cet ancien étudiant en littérature anglaise, qui ne parlait pas un mot de français auparavant, s’exprime déjà avec une certaine aisance et espère pouvoir commencer un master en communication internationale dès le mois de septembre.
Zarah, réfugiée iranienne, vise pour sa part des études de marketing. Dans son pays, elle étudiait la géologie, mais « en Iran, on ne peut pas dire quels sont les problèmes, ni choisir simplement les vêtements que l’on peut porter », témoigne la jeune femme. Un désir de liberté qui l’a obligée à fuir et à demander l’asile politique en France. Pourquoi le marketing ? Si Zarah a toujours le goût de la géologie et s’intéresse également beaucoup à la chimie, elle souhaite avant tout se tourner vers une formation professionnalisante…
À côté d’elle, Herminée, Arménienne a vécu en Russie où elle a terminé ses études de professeur d’université avant de rencontrer des « problèmes »… Aujourd’hui, elle désire toujours se consacrer à l’enseignement, mais ressent elle aussi le besoin de suivre cette formation intensive, pour maîtriser le français à l’oral comme à l’écrit.
Un mode de financement inédit, le crowdfunding
La mise en place de cette formation a naturellement un coût, 57.000 euros, qui peut sembler modique face aux enjeux mais qu’il faut néanmoins réunir. « Une dépense nouvelle dans des budgets très contraints », résume Lise Dumasy, présidente de l’UGA.
Le Cuef, l’UGA, la Fondation partenariale université Grenoble-Alpes et la Fondation universitaire Stendhal sont acteurs et partenaires de cette initiative. « Nous nous sommes également adressés aux collectivités, qui ont dit qu’elles nous aideraient, ainsi qu’au ministère, dont nous attendons la réponse », ajoute Lise Dumasy.
Autre piste de financement, et non des moindres : le crowdfunding. À travers le site de financement participatif Kocoriko, la Fondation Université Grenoble-Alpes espère réunir la somme de 6.000 euros, soit plus de 10 % du budget final.
Une campagne de crowdfunding soutenue par le Fonds de dotation de la Banque populaire des Alpes, qui complètera les dons à hauteur de 1.500 euros.
Comme dans toute campagne de financement participatif, les donateurs recevront des contreparties : invitation à la remise des diplômes, rencontre avec les étudiants et l’équipe du Cuef ou même, pour les plus « généreux », dégustation de vins et fromages en leur compagnie. Sans compter la défiscalisation des dons à hauteur de 66 % du montant versé.
La présidente de la Fondation UGA, Anne-Catherine Ohlmann, affiche sa confiance, convaincue que la campagne rapportera bien plus que les 6.000 euros demandés. Les chiffres semblent lui donner raison, avec déjà près de 3000 euros récoltés auprès des seuls donateurs, vendredi 20 mai. Que deviendra l’argent récolté en plus si l’objectif est effectivement dépassé ? Il sera mis de côté par le Cuef pour assurer des formations auprès d’autres étudiants, précise la présidente.