FOCUS – Ils étaient des milliers à manifester les 17 et 19 mai contre la loi travail. La mobilisation a trouvé un second souffle avec la convergence de nouveaux acteurs : cheminots, routiers, dockers… Loin de faiblir, la lutte semble amenée à s’intensifier progressivement.
Les manifestants sont unanimes : la mobilisation ne faiblit pas. Ils étaient plus de 6000 le 17 mai, d’après les chiffres de la CGT… 1600 selon la police.
Malgré la pluie, nombreux sont ceux à avoir remis le couvert deux jours plus tard dans les rues de Grenoble. Car pour eux, pas de doute : la rue est leur seule alliée pour faire plier le gouvernement.
« La loi [El Khomri, ndlr] n’est pas amendable… il ne reste plus que la rue », s’indigne Daniel, retraité et adhérent FSU.
Lynda Bensella, secrétaire départementale CGT, abonde en ce sens : « La pression de la rue va faire céder le gouvernement. » Divers syndicats reconnaissent tout de même que la mobilisation n’est pas facile : « Pour les étudiants, c’est compliqué avec les partiels », souligne Lena Alexandre, secrétaire générale et porte-parole de l’Union nationale des étudiants de France (Unef).
Pas de surprise non plus pour Lynda Bensella : « Ça fait deux mois et demi qu’on est en mobilisation, c’est pas simple […] Ça fait longtemps que ça ne nous était pas arrivé, en tout cas en France d’être en mobilisation aussi longtemps. La mobilisation a un rythme […] Les manifs se suivent, elles ne se ressemblent pas forcément. » Et d’ajouter avec satisfaction : « En tout cas, les gens sont encore là aujourd’hui […] malgré la perte d’argent, malgré la fatigue, malgré la pluie. »
Sébastien Doua, militant syndical Sud-Rail Solidaires en Isère, n’en démord pas, c’est par la lutte collective que les opposants à la loi Travail gagneront le combat : « C’est ensemble qu’on y arrive, dans l’unité syndicale, militante, dans l’unité des cheminots, des salariés, des chômeurs et des précaires. » Et celui-ci de souligner qu’il n’y a pas que les transports en lutte, mais également un grand nombre de chômeurs et de précaires.
Un bras de fer qui s’inscrit dans la durée
Malgré tout, les syndicats restent optimistes quant au devenir de la mobilisation : « On est assez satisfaits car le nombre de salariés se mettant en grève est en train de progresser. On ne lâchera pas jusqu’au retrait, c’est ce que l’on demande d’ailleurs », soutient Nadia Salhi, élue CGT à STMicroelectronics Crolles. Fernando Martins, délégué syndical FO Semitag souligne, pour sa part, que le conflit par rapport à cette loi s’inscrit dans la durée : « C’est un bras de fer. »
D’ores et déjà, certaines stratégies se dessinent pour élargir le mouvement, rejoint cette semaine par les cheminots et plusieurs secteurs des transports (aériens, routiers et maritimes). Ces derniers ont entamé une grève illimitée reconductible le 17 mai. Les appels de “grosses” fédérations, telles que les raffineries ou la pétrochimie, devraient également contribuer à faire prendre de l’ampleur au mouvement. De nombreux blocages ont également été organisés dans toute la France par les routiers, ambulanciers et personnels de La Poste.
« Il faut passer à la vitesse supérieure et ne pas en rester là, mais pas aller casser », juge quant à lui Fernando Martins. Et il l’assure, les manifestations vont se poursuivre. Sans compter des actions ponctuelles prévues à partir du mois de juin, avec blocages et barrages. Localement, les routiers ont déjà bloqué la zone industrielle de Bissy, le 18 mai au soir, paralysant Chambéry.
Vers une radicalisation de la lutte ?
« Tous les acquis sociaux ont été obtenus par le rapport de force », souligne Nadia Salhi. « Faire grève n’est pas évident. Il y a eu une pétition citoyenne avec 1,3 million de signatures, le gouvernement est totalement sourd à ça… L’appel à la grève c’est parce qu’on n’a pas d’autres moyens de pression que ça. »
Sur les ondes d’Europe 1, François Hollande a prévenu, mercredi 18 mai, qu’il ne céderait pas. Une posture qui risque d’attiser les tensions, selon certains, alors que les manifestations se poursuivent dans toute la France et que la grogne monte. « Il pourrait y avoir de la radicalisation », estime ainsi Daniel, retraité et adhérent FSU.
Du reste, quelques incartades ont été constatées à Grenoble, en marge des défilés, cette semaine. Lors de la mobilisation du 17 mai, un groupe s’est désolidarisé de la manifestation officielle pour en entamer une autre, spontanée. Plus de provocation que de mal. Aucun affrontement avec les forces de police n’a été déploré.
Rebelote le 19 mai : une manifestation légèrement plus sportive, cette fois-ci accompagnée de légers affrontements avec les forces de l’ordre.
Certains manifestants dénoncent une stratégie de la division : « A chaque fois, les médias remettent ça sur le tapis […] Politiquement, on essaie de faire en sorte que l’opinion publique rejette les manifestants au nom de casses », s’insurge Daniel, retraité et adhérent FSU.
« De nombreux journalistes dans les grands médias communiquent des chiffres bidons exprès pour casser la motivation des grévistes », estime de son côté Sébastien Doua. Malgré tout, de nombreux syndicats l’assurent, les manifestants ne céderont pas : « Notre revendication est claire, c’est le retrait de la loi ! » Prochaine journée de mobilisation prévue le jeudi 26 mai.
Alexandra Moullec, avec Joël Kermabon