REPORTAGE PHOTO – Luthier à Grenoble depuis bientôt trente ans, Nicolas Démarais nous a ouvert les portes de son atelier rue Docteur-Mazet et dévoilé les différentes étapes de la fabrication d’un violon. Petite visite guidée dans l’univers feutré de l’atelier haut de gamme d’un métier d’âme et d’harmonie.
Luthier depuis 1987, Nicolas Démarais se passionne pour la musique depuis l’enfance. « J’ai appris à jouer du violon lorsque j’étais petit. Nous étions cinq enfants et nous avons tous fait de la musique. » Sa formation musicale et l’amour pour le travail du bois l’ont ensuite naturellement orienté vers l’École nationale de lutherie de Mirecourt, dans les Vosges.
« L’École française de la lutherie est réputée pour la précision du travail, la qualité et la rapidité de la réalisation », explique Nicolas Démarais. Après une formation de trois ans, il travaille avec un luthier dans les Hautes-Alpes, puis s’installe à Grenoble.
Outre son travail d’artisan-luthier, Nicolas continue de jouer du violon chaque semaine dans un orchestre amateur, le Piccola Musica.
« Pour devenir luthier, je pense qu’il est indispensable d’être musicien au départ. Mais il faut également être patient et à l’écoute, confie l’artisan. Le plus difficile, c’est de comprendre ce que veut exactement le violoniste, ce qui lui plaît et ce qu’il n’aime pas. Puis de fabriquer un instrument qui va répondre précisément à ses envies et à ses besoins, qui va résonner avec ses émotions. »
Et Nicolas Démarais de préciser : « Chaque violon est unique parce que chaque instrument possède une âme qui lui est propre. L’âme et la barre d’harmonie confèrent à chaque violon une qualité de son tout à fait personnelle. Il faut que le son soit puissant, qu’il irradie, que le violon soit “sensible” pour pouvoir transmettre des émotions subtiles ». Toutes les pièces qui entrent dans la fabrication de l’instrument doivent ainsi s’harmoniser. Une quête permanente pour le luthier.
« Je fabrique en moyenne un instrument par an », indique Nicolas Démarais. Pourquoi si peu ? Sans doute en raison du prix. Un violon neuf coûte au moins 7000 à 8000 euros. Les violons les plus chers restent toutefois les instruments anciens. Ceux produits à Crémone, en Italie, entre 1715 et 1720, peuvent ainsi dépasser le million d’euros. Instrument populaire lors de son invention au XVIe siècle, le violon s’est en effet imposé deux siècles plus tard comme un instrument noble. Il a alors supplanté la viole de gambe, aujourd’hui beaucoup moins connue du grand public, « même si la musique baroque revient à la mode », se réjouit Nicolas Démarais.
Le travail du luthier consiste donc aujourd’hui, pour une grande part, dans la réparation, l’entretien et la location d’instruments.
Les coulisses du métier
Pour fabriquer ses instruments, Nicolas Démarais achète le bois – généralement de l’érable et de l’épicéa – en Italie, chez des négociants spécialisés. Ce bois destiné à la lutherie est choisi avec beaucoup de soin. Les arbres proviennent de régions de moyenne montagne, où le taux d’humidité et la température sont des critères importants pour obtenir la qualité exigée : seul un érable sur mille pourra être utilisé pour la lutherie !
Fabriquer un violon demande environ deux cents heures de travail, soit un mois et demi à deux mois. Si le luthier finalise l’instrument avec un vernis à base d’huile, il devra appliquer trois à quatre couches et attendre une semaine entre chaque couche. Pour un vernis à base d’alcool, il lui faudra en compter quinze, mais le séchage entre chaque couche est plus rapide. Une étape indispensable pour bien protéger et embellir l’instrument.
La fabrication d’un violon nécessite quelque soixante-dix pièces. Découvrez leur assemblage dans l’atelier du luthier Nicolas Démarais.
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Yuliya Ruzhechka
400 À 500 LUTHIERS EN FRANCE
Artisan qui fabrique, répare et restaure les instruments de musique à cordes tels que les violons, altos, violoncelles, violes d’amour et guitares, le luthier tient son nom du luth, instrument à cordes pincées.
À ce jour, on compte 400 à 500 ateliers de luthiers en France. Et pour cause : « On ne peut pas dire que l’apprentissage de la musique va crescendo », regrette Nicolas Démarais. Pourquoi ? « Il n’est pas facile d’être musicien et de vivre de sa musique en dehors de l’orchestre. »
Grenoble compte par exemple seulement deux orchestres professionnels : l’Orchestre régional du Dauphiné et l’orchestre des Musiciens du Louvre.
S’y ajoutent toutefois deux orchestres universitaires et de nombreux orchestres amateurs. « Et presque toutes les communes de l’agglomération ont une école de musique ou un conservatoire. »