ENTRETIEN – Faire se rencontrer la musique électro et la poésie. Telle est l’ambition d’Antoine Colonna, musicien compositeur, et de Gilles B. Vachon, écrivain poète cofondateur de la Maison de la poésie Rhône-Alpes, à Saint-Martin-d’Hères. Un projet audacieux nommé Schvédranne, qui s’incarne à travers l’album Athènes ? et une tournée qui a débuté à la Bobine, à Grenoble. Rencontre avec Antoine Colonna, qui nous en dit plus sur cette fusion improbable.
Comment l’idée vous est-elle venue de faire se rencontrer la poésie et la musique électro ?
Antoine Colonna – Le projet est né d’une rencontre entre le poète Gilles Vachon et moi-même, par l’intermédiaire de sa fille. Cette rencontre, dans un cadre familial, m’a permis de tisser des liens forts avec lui.
Au bout d’un moment, on a eu envie de croiser nos disciplines : ses textes et ma musique. Gilles était très impliqué dans la Maison de la poésie Rhône-Alpes de Saint-Martin‑d’Hères, qui organise notamment un festival de poésie. C’est à cette occasion, en 2006, qu’on a bossé ensemble pour la toute première fois. On avait préparé une petite performance qui avait bien fonctionné. Le concept m’avait plu. C’était, en germe, le projet Schvédranne.
Quels liens poésie et musique électro entretiennent-elles ?
Le projet étant avant tout né d’une rencontre, je ne ressens pas forcément le besoin de justifier une cohérence théorique entre l’électro et la poésie. Quand je monte sur scène, ce qui compte, c’est l’émotion qui va se créer et se partager avec le public. Pour moi, ça n’a rien à voir avec le style de musique. Or, cette émotion peut aussi être stimulée par un bon texte. Donc, quand on mélange les deux, l’un va pouvoir compléter et renforcer l’émotion de l’autre.
Qu’est-ce qui vous a plu dans la poésie de Gilles Vachon ?
Gilles a un passé assez fort. Il a été marqué par la guerre, l’Occupation… Il a aussi beaucoup voyagé, notamment au Brésil, au Danemark et en Tunisie, où il a vécu. Ces expériences l’ont rendu sensible à certains combats, et ont façonné ce regard critique qu’il pose sur le monde. Dans la plupart de ses textes, on trouve une forme d’engagement, de parti pris contestataire. Je trouvais qu’il y avait une certaine continuité entre sa génération et la mienne dans les revendications de ses textes. J’avais envie de les soutenir avec ma musique.
On peut dire que l’électro et la poésie sont portées par une énergie commune…
Oui, une énergie, c’est ça. C’est quelque chose de fort. Une forme de puissance, dans le choix des mots, la façon d’exprimer une idée et dans la forme de la musique électro qui tape. Cela dit, le soutien du texte et de la voix de Gilles nous a permis plus de liberté dans la création des morceaux. On a pu composer des passages très calmes, plus aérés dans la musique, ce dont on n’avait pas forcément l’habitude avec Mathieu [le batteur, ndlr] !
Votre album se nomme Athènes ? Pourquoi ce titre ?
C’est le titre d’un texte de Gilles. Il y interroge le fondement de notre système occidental. Athènes est le berceau de notre civilisation. Je trouvais donc assez symbolique d’en faire le titre de l’album. Ça lui donne une cohérence.
Par rapport au spectacle, comment le projet a‑t-il évolué ?
Tout d’abord, vu que le spectacle partait sur le principe de la tournée, je ne pouvais pas demander à Gilles, qui a plus de 80 ans, de faire X dates par an. Il fallait trouver un autre moyen de figurer sa présence sur scène. En parallèle, j’avais bien envie de bosser avec les arts numériques. L’idée était de pouvoir projeter Gilles grandeur nature. On l’a donc filmé en train de marcher et ce sont ces images que l’on projette sur plusieurs écrans.
Propos recueillis par Florence Croizier, étudiante en master Diffusion de la culture
Infos pratiques
Album Athènes ?, commandable en ligne
Sortie du clip Stupeur et tremblement