RENCONTRE – Le 2 mars dernier, à l’Amphidice, salle située sur le campus de Saint-Martin‑d’Hères, Léa Barnel présentait sa dernière création théâtrale, L’envers du corbeau. Du haut de ses 21 ans, l’étudiante en master théâtre européen à l’Université Grenoble Alpes n’en est pas à son coup d’essai. Rencontre avec cette jeune femme pétillante qui nous raconte ses débuts sur les planches et les fondements de son écriture théâtrale, très engagée.
Entretien mené par Émilie Wadelle*
Que représente le théâtre pour vous ?
Le théâtre est un art merveilleux qui met en valeur les individus sur le plan collectif et vice-versa. C’est un travail d’équipe formidable, qui donne confiance. Une fois qu’on s’est dit « Je suis arrivée à monter sur scène, j’ai joué devant des gens », on a une meilleure vision de soi !
Quand êtes-vous montée sur les planches pour la première fois ?
En première littéraire, au lycée Jean Prévost de Villard-de-Lans, on a eu l’idée de s’inscrire dans un cours de théâtre avec une amie. Mais les structures nous proposaient des prix exorbitants. On a donc voulu monter un club de théâtre, gratuit et accessible à tous. Nous avons organisé une réunion en pensant être dix joyeux clampins.
Et vous avez été victimes de votre succès…
En effet, puisqu’on s’est retrouvé avec dix-neuf personnes de la sixième à la terminale (rire). On ne s’est pas vu leur refuser de faire du théâtre… Tout le monde devrait pouvoir en faire sans avoir à se poser de questions. Mon amie et mon professeur de lettres de l’époque m’ont ensuite encouragée à écrire la pièce. C’est comme ça qu’est née la pièce Jusquiame noire. Et on a remis ça l’année d’après avec vingt-trois personnes et une nouvelle pièce.
Envisagez-vous de faire du théâtre votre profession ?
Je veux garder ce côté amateur pour la simple et bonne raison que la majorité des spectacles professionnels que j’ai pu voir étaient tellement lisses qu’ils en devenaient chiants. Ça ne touche plus. Moi, je ne veux pas que mes spectacles soient parfaits mais plutôt qu’ils restent vivants.
Il y a donc des points positifs à travailler avec des étudiants amateurs…
Oui ! C’est vrai qu’ils sont parfois désorganisés et ne donnent jamais leurs dates de partiels au bon moment. Ils n’apprennent pas non plus toujours bien leur texte. Et il faut leur répéter quinze fois la mise en scène…
Mais, à côté de ça, ils ont une flamme, un désir de partager tellement énorme que ça vaut bien toutes les embrouilles administratives du monde !
L’écriture théâtrale est très codée. Comment s’y prend-on quand on n’a jamais appris à écrire dans les règles de l’art ?
Je ne sais pas du tout comment on fait. Je ne me suis jamais préoccupée des codes théâtraux. J’écris en fonction du rythme que j’ai envie de mettre dans ma pièce mais je ne me pose pas de questions sur la façon dont il faut construire la chose. Je compose des actes et des scènes mais ça ne va pas plus loin.
Vous avez remporté le prix « Pépite d’initiative étudiante » l’année dernière…
Avec Les vieux qui plantaient des courges. Ça parlait du fossé générationnel et du fait que, dans notre société, on dénigre énormément les personnes âgées et les jeunes. C’est vrai que ça me dérange. J’avais donc vraiment envie de travailler là-dessus.
Est-ce qu’on peut dire que vos pièces sont engagées ?
Oui, parce que je porte clairement mes idées. J’ai envie que mes pièces fassent réagir les gens, qu’elles les fassent réfléchir, qu’il y ait une interaction avec le public. Comme j’écris tous les rôles sur mesure, j’essaye de sublimer mes acteurs, qu’ils se sentent bien, qu’on voit à quel point ils sont beaux.
* Propos recueillis par Émilie Wadelle, étudiante en master Diffusion de la culture à l’Université Grenoble Alpes.