FOCUS – Promouvoir le savoir-faire français dans le domaine de l’aménagement de la montagne, y compris à l’international, est aujourd’hui plus que jamais un enjeu économique majeur pour les acteurs du secteur. Un défi que cherchent à relever ces professionnels à l’occasion du salon Mountain Planet qui se tient cette année du 13 au 15 avril à Alpexpo Grenoble. Zoom sur quatre entreprises françaises qui ont reçu, ce jeudi 14 avril, des Trophées Cluster Montagne pour leur caractère performant et innovant.
Alpexpo accueille du 13 au 15 avril à Grenoble le salon professionnel Mountain Planet, consacré à l’aménagement de la montagne été comme hiver. Alors que les bouleversements économiques et climatiques imposent des questionnements à tous les acteurs du secteur, que la montagne se doit aujourd’hui d’être aménagée de façon plus respectueuse de l’environnement, et équipée de façon à être plus accessible, plus sûre et plus interactive, comment les entreprises de la région relèvent-elles ces défis ?
Groupeer Technologies : « Avoir un groupe connecté correspond à nos besoins et à notre époque »
Comment les moniteurs de ski peuvent-ils s’assurer qu’aucun membre ne s’est écarté du groupe ? Jusqu’à présent – pas de secret – il fallait compter en permanence. Groupeer Technologies propose désormais une solution high tech qui permet d’offrir aux adultes accompagnant les enfants un moyen de ne pas les perdre.
Chaque membre du groupe a sur lui un boîtier intelligent, connecté à celui du moniteur. Ce dernier est alerté lorsqu’un enfant commence à s’écarter du groupe : le boîtier s’allume et commence à sonner pour vite prévenir l’enfant et l’accompagnateur.
Résultat ? L’enfant revient dans le groupe sans perturber l’activité et, surtout, ne risque plus de se perdre. L’entreprise à également développé une application mobile qui peut se connecter au groupeer (le petit boîtier intelligent) de l’accompagnateur pour permettre à ce dernier de voir qui exactement s’est écarté du groupe.
« On a développé une technologie radio avec un petit boîtier intelligent, qui équipe chaque personne du groupe et qui compte en permanence et automatiquement le nombre des personnes », explique Laurent Metz, cofondateur de Groupeer Technologies. Une technologie originale qui est désormais brevetée.
« Ceci est notre avantage concurrentiel », raconte Laurent Metz avec le sourire. « Ce produit intelligent s’adapte au nombre de personnes dans le groupe et à l’activité. Il convient aussi bien à un groupe de douze personnes qui fait du ski dans les montagnes qu’aux familles qui se promènent dans un parc d’attraction et qui ont peur de perdre leurs enfants. »
Ce produit innovant, qui renforce la sécurité des domaines skiables, est très bien accueilli par les moniteurs de ski et par les écoles, à en croire le codirigeant de l’entreprise. Mais surtout par les parents qui confient leurs enfants aux établissements scolaires. « Il y a beaucoup d’innovations purement dans les skis et beaucoup moins dans les animations de groupes. Or, selon les moniteurs, avoir un groupe connecté correspond à nos besoins et à notre époque. »
Groupeer Technologies en bref
Groupeer Technologies a été créée en novembre 2014 par trois associés, issus des domaines de l’informatique, de l’électronique et des télécommunications. Depuis, quatre jeunes diplômés les ont rejoints : trois ingénieurs et un chargé de marketing et de communication.
Pour la production des boîtiers, Groupeer Technologies s’appuie sur Éolane, une entreprise située à Épierre en Savoie. Tout est donc fabriqué en France. Et bien que le siège social de l’entreprise se situe à Paris, l’entreprise est très présente dans la région Rhône-Alpes : cinq écoles de ski de la région se sont ainsi équipées de Groupeer cet hiver. « Il y a deux semaines, on a également fait les tests dans les stations iséroises, comme Les Deux Alpes ou encore Chamrousse », confie Laurent Metz.
« Comme nous n’avons équipé nos premières écoles qu’en décembre 2015, le chiffre d’affaires représente quelques milliers d’euros. » L’entreprise vise en revanche un chiffre d’affaires de 150.000 d’euros en 2016. Grâce à l’équipement des écoles de ski, mais également des parcs de loisirs, qui représentent un grand marché en France et à l’international. Selon le cofondateur de Groupeer, ce projet est en effet complètement reproductible à l’international.
Pic Bois : la signalétique ludique et éco-conçue
L’entreprise Pic Bois s’est pour sa part spécialisée dans la conception et la fabrication de signalétique touristique et de mobilier de loisir. « Nous travaillons également beaucoup sur des projets de valorisation du patrimoine naturel et du patrimoine bâti, et sur les mobiliers de repos », précise Bruno Chataignon, fondateur et dirigeant du groupe Pic Bois.
« Mais ce qui nous différencie des autres est plutôt d’ordre philosophique : nous sommes très tournés vers l’environnement. Nous utilisons principalement les bois locaux et on essaye de tenir compte de l’environnement dans tout ce qu’on fait. On fait en sorte que chaque année notre entreprise ait moins d’impact sur l’environnement. »
Par exemple, tous les produits de finition sont maintenant sans formaldéhyde (toxique pour les êtres vivants), sans solvant.
Les locaux de l’entreprise sont quant à eux chauffés avec les déchets de bois utilisés pour les créations. Et l’électricité utilisée est produite à partir de centrales hydroélectriques. « À chaque fois, ce sont des choix qui vont dans le sens de l’environnement », explique Bruno Chataignon. « On a aussi une qualification qui est très rare et même unique dans notre métier : l’éco-conception. Cela veut dire que nous sommes capables de concevoir un produit en mesurant s’il représente un progrès sur le plan environnemental par rapport à d’autres produits similaires. »
L’entreprise mesure l’impact environnemental de ses produits selon huit critères, dont la pollution de l’eau, l’effet de serre etc. La distance parcourue, la possibilité de séparer les parties naturelles des éléments plastiques (s’il y en a) à la fin de la vie des produits sont aussi des critères importants pour le choix de ses matières premières… « La situation est idéale avec des produits en bois : en fin de vie, le bois ne demande pas d’énergie pour être valorisé et, en plus, il pourra fournir de la chaleur ! On conseille aussi nos clients dans ce domaine-là. »
L’entreprise a deux autres labels qui prouvent son engagement vis-à-vis de l’environnement : Iso 14001 (norme qui définit une série d’exigences spécifiques à la mise en place d’un système de management environnemental au sein d’une organisation) et le certificat de la chaîne de traçabilité PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes). « On peut garantir à nos clients que les bois utilisés sont issus de forêts certifiées et renouvelées. Si, pour certaines commandes, on n’arrive pas à trouver de bois certifié, on s’assure quand même que notre vendeur s’engage à vérifier que le bois ne provient pas de pays qui ont une mauvaise note en terme de corruption », s’engage le chef d’entreprise.
Une autre particularité de l’entreprise réside dans le caractère ludique de sa signalétique, qui vise les jeunes publics. « Par exemple, on ne cherche pas à tout expliquer sur un arbre, mais à donner les informations qui vont rester parce que le public les trouve grâce à des jeux. C’est l’apprentissage par l’expérience vécu plutôt que par les informations lues », explique le fondateur de Pic Bois. L’information lue de manière classique ne marche d’ailleurs plus très bien dans son secteur, selon lui : « Les Suisses, par exemple, fournissent des informations objectives et complètes, mais pas forcément faciles à comprendre pour le grand public, car parfois écrites par des scientifiques avec des termes complexes. »
Pic Bois en bref
Bruno Chataignon a créé Pic Bois il y a vingt-six ans dans le département de l’Ain. Aujourd’hui, c’est un groupe d’entreprises avec 65 personnes, dont 35 dans la région Rhône-Alpes. Selon Bruno Chataigon, ce métier est une spécificité française dans le secteur touristique : dans d’autres pays, ce sont des publicitaires ou des entreprises de signalétiques routières qui se chargent de la signalétique touristique.
Pic Bois propose par ailleurs depuis un an ses services à des particuliers : les panneaux personnalisés sont particulièrement demandés par des producteurs en vente directe.
L’entreprise, parmi les leaders du marché de la signalétique touristique en France, a réalisé un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros en 2015 et affiche une croissance régulière de 15 à 20 % par an. Ses productions sont présentes « dans toutes les stations de ski françaises ».
Pic Bois, qui s’appuie sur la forte demande des collectivités françaises, a‑t-elle malgré tout besoin de se tourner vers l’export de son savoir-faire ? « Jusqu’à présent, on n’avait pas forcément cette nécessité d’aller chercher les marchés ailleurs, ce qui devient moins vrai aujourd’hui », précise Bruno Chataignon. « On commence à faire de la prospection en Suisse et bientôt en Belgique. »
Paillardet : innover pour la sécurité, sans objets connectés
« Les grosses cabines de téléphériques contiennent entre 100 et 180 personnes. La réglementation française exige qu’en cas de panne l’exploitant trouve une solution pour évacuer l’ensemble des personnes en moins de trois heures trente. Jusque-là, en conditions réelles avec le matériel qui existait, ceci n’était pas possible », explique Jean-François Reynaud, le directeur général de Paillardet.
Avec Setam, la société d’exploitation de Val Thorens, ils ont donc réfléchi au système qui permettrait de répondre à cette contrainte réglementaire. Résultat de cette collaboration ? La création du treuil d’évacuation Ariane, facile à utiliser sans source d’énergie. « L’idée est de pouvoir descendre plusieurs personnes en même temps avec le système de va-et-vient et de pouvoir remonter une personne lorsque trois autres descendent pour les besoins éventuels du secours ». Un dispositif conçu pour les cabines qui contiennent au minimum 100 personnes.
Pour l’instant, deux stations en Savoie et une en Isère bénéficient déjà de ce système : Val Thorens, Courchevel et Vaujany. À chaque fois, deux cabines de remontées mécaniques sont équipées d’un treuil. « L’innovation n’est pas forcément liée aux produits connectés pilotables depuis les téléphones portables », souligne Jean-François Reynaud.
L’entreprise équipe également en treuils spécifiques les pompiers… dont ceux de Tokyo ! Pourquoi les pays étrangers se tournent-ils vers ce dispositif ?
« Ce treuil est compact, léger, mobile et facile à mettre en œuvre sur des terrains difficiles », explique le directeur général de Paillardet.
Particularité de l’entreprise : « Une partie de nos activités concerne les montagnes, mais la globalité du matériel qu’on fait répond à des besoins d’accès difficile ».
Quelles sont les trois régions du monde les plus intéressées par ces produits ? L’Europe, L’Amérique du Nord et, dans une moindre mesure, l’Amérique du Sud.
Pour le directeur de Paillardet, le marché nécessite de travailler en étroite collaboration avec d’autres entreprises pour codévelopper, au lieu de proposer seul un produit fini. « En France, on a cette force d’encourager les PME, de créer des groupements d’entreprises – comme le Cluster Montagnes – qui permettent aux acteurs de se rencontrer, de discuter et d’avancer ensemble. Y compris avec ses concurrents pour être ensuite forts à l’export. Ce qui fait notre force c’est notre dynamisme et notre intelligence : on arrive bien à trouver les gens, les idées et les formations adaptées à nos besoins. »
Paillardet en bref
Fondée en 1961 par Charles Paillardet, la société familiale Paillardet a été rachetée au fils du fondateur par Jean-François Reynaud en juillet 2014.
Depuis trois ans, la société de dix salariés basée à Tours-en-Savoie réalise un chiffre d’affaires d’un million d’euros.
« Notre volonté n’est pas de faire croître le chiffre d’affaires de manière spectaculaire, mais de créer des partenariats avec d’autres PME comme la nôtre pour proposer des solutions globales », précise le directeur.
Bike Solutions : proposer des espaces VTT accessibles aux familles en station
Proposer une offre accessible aux familles et créer un cadre pour le tourisme durable. Telle est l’ambition de Bike Solutions, entreprise iséroise qui conçoit et réalise les espaces de pratique pour VTT quatre saisons, en ville mais surtout en stations de ski. Un projet qui s’inscrit dans la logique de diversification croissante des stations avec des activités estivales.
« Le VTT est une activité qui génère du tourisme en été, avec les retombés économiques significatives et de la création d’emplois », témoigne Yannick Menneron, codirigeant de Bike Solutions. Selon lui, la France possède en outre une expertise reconnue dans les domaines d’activité hiver et été en montagne.
« Nous sommes tout aussi bien capables de concevoir des pistes pour les coupes du monde que de créer des parcours pour les familles avec les enfants », explique le codirigeant de Bike Solutions. « Notre cœur de métier reste tout de même les familles, parfois débutantes, qui ne sont pas des grandes spécialistes du vélo. L’ambiance change : avant, ce sport était élitiste, les pistes cyclables dans les montagnes accueillant surtout les compétiteurs. Pour nous, il est important de rendre la pratique de VTT plus accessible, de la démocratiser. »
Comment faire ? Deux pistes pour Yannick Menneron : rendre cette pratique la moins chère possible, tout en maintenant la qualité du matériel. Sans oublier l’innovation. « C’est un moyen d’avoir des projets plus intéressants pour le public et donc un outil au service du développement et du renouvellement d’offres pour attirer plus de clientèle. »
Bike Solutions en bref
Bike Solutions a été fondée en 2007. Depuis, l’entreprise équipe bon nombre de stations de la région Rhône-Alpes : La Plagne, Tignes, Val d’Isère…
« On travaille également à l’international, notamment en Norvège, mais aussi au Canada, en Russie et en Suisse », précise Yannick Menneron.
La majorité des commandes restent cependant celles des municipalités et des collectivités françaises.
Aujourd’hui, cinq employés travaillent à temps plein au sein de l’entreprise, dont le chiffre d’affaires pour l’année 2015 est proche de 500.000 euros, contre 100.000 euros il y a neuf ans.
LES QUATRE TROPHÉES DU CLUSTER MONTAGNE :
Trophée Montagne performante
Pic Bois (01 – Ain)Trophée Montagne innovante
Paillardet (Savoie – 73)Trophée Montagne internationale
Bike Solutions (Isère – 38)Trophée Coup de cœur
Groupeer Technologies (Paris – 75)