FOCUS – Chaque année, entre 40 et 60 milliards d’euros de bénéfices des entreprises échappent à l’impôt. Rendre transparente l’évasion fiscale ? C’est ce que réclame un collectif emmené par Denis Dupré, un enseignant-chercheur grenoblois. Sa pétition a déjà recueilli plus de 112.000 signatures. Objectif : faire pression auprès des parlementaires alors qu’un amendement au projet de loi Sapin II tente d’introduire le « reporting public » en France.

Image extraite du documentaire Evasion fiscale, le hold-up du siècle de Xavier Harel.
Faire passer dès 2016 une loi pour contrer l’évasion fiscale et rendre publics les comptes des plus grosses entreprises. C’est ce que réclame le collectif Stop évasion fiscale emmené par un ancien banquier aujourd’hui enseignant chercheur à Grenoble, Denis Dupré. Sa pétition a déjà recueilli 112.000 signatures.
Denis Dupré n’en est pas à son premier combat. Depuis 1998, cet enseignant en finance, éthique et développement durable à l’Université de Grenoble, alerte sur les risques de démesure du système financier et pointe le manque de transparence fiscale des entreprises en Europe.
Un amendement adopté puis rejeté
Cette transparence, elle était au cœur d’un amendement déposé par le député EELV Eric Alauzet dans le cadre du projet de loi de finances rectificative 2015. Adopté en première lecture le 4 décembre, le texte était ensuite retoqué dix jours plus tard par les parlementaires. Pour Denis Dupré, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Que disait cet amendement sur le « reporting public » ? La communication de données financières impose que les multinationales rendent publics chaque année leurs chiffre d’affaires, bénéfices, nombre de filiales et employés ainsi que le montant des impôts payés dans chacun des pays étrangers où elles sont implantées.

© Assemblée nationale
En fait, le texte a fait l’objet d’un curieux rétropédalage en seconde lecture le 15 décembre, à une heure du matin. Dans un premier temps adopté par la majorité des 52 députés présents dans l’hémicycle, l’amendement a été soumis à un second vote quelques minutes plus tard, après suspension de séance. Le temps de faire changer d’avis quelques parlementaires et le texte était finalement abandonné par 25 votes contre et 21 pour…
L’amendement balayé une première fois, devrait revenir sur la table lors de l’examen par les députés, ce printemps, du projet de loi Sapin II, qui doit mettre la France aux standards de la lutte anti-corruption.
Entre 40 et 60 milliards d’euros de bénéfices échappent à l’impôt
D’après un rapport parlementaire d’octobre 2015, entre 40 et 60 milliards de bénéfices des entreprises échappent à l’impôt chaque année en France. Soit un manque à gagner dans les caisses de l’État de 15 milliards d’euros. A l’échelle de l’Europe, l’évasion fiscale des multinationales coûterait 1.000 milliards d’euros par an d’après un rapport de la Commission européenne paru en novembre 2015.
Si, depuis le 8 mars 2016, les entreprises multinationales doivent déclarer leurs revenus, profits, impôts et le nombre d’employés aux autorités fiscales des pays européens, la Commission européenne envisagerait de ne pas rendre publique l’intégralité de ces données.

Denis Dupré, enseignant chercheur à Grenoble et ancien banquier, dénonce l’évasion fiscale. Sa pétition en ligne a réuni 112.000 signatures. © Franck Ardito
Une loi fiscale arbitraire pour le collectif qui a interpellé le commissaire européen Pierre Moscovici. C’est lui qui, le 12 avril, doit annoncer quelles données seront rendues publiques.
« L’évasion fiscale en France, c’est 60 milliards d’euros », pointait Denis Dupré lors de la conférence organisée jeudi 7 avril 2016 à Grenoble par Il Fatto Quotidiano autour de Denis Robert et Marc Chesney. « C’est le salaire de deux millions d’infirmières ! Le plan Hôpital prévoit la suppression de 22.000 postes dans les hôpitaux d’ici la fin 2017 ! »
Patricia Cerinsek
C’est pas niveau français que ça va se régler et vouloir faire passer cette loi est tout à fait illusoire, donc relève de la com” politique et personnelle, et voilà pourquoi. Aucun Etat membre ne passera une telle loi car elle viendrait immédiatement grever sa compétitivité, y compris au sein du marché unique. Si on veut mieux contrôler l’optimisation fiscale (il ne s’agit pas d’évasion, les mots sont importants. L’optimisation est parfaitement légale. L’évasion fiscale est un délit), les prix de transferts internes et les pratiques fiscales de certain Etat Membres, c’est faire pression sur Sapin, Macron, Valls, Hollande et al. qu’il faut, afin qu’ils fassent bouger les choses à BXL. Pas faire passer une loi en France qui ne réglera strictement rien. L’UE peut parfaitement exiger que toutes les entreprises opérant sur son territoire déclarent toutes leurs opérations dans les paradis fiscaux au titre des règles de concurrence, qui sont une arme redoutable. Voilà plus de 20 ans que beaucoup de monde travaille là dessus – même dans les panels de l’OMC. Le Parlement Européen a un groupe de travail sur le sujet qui est particulièrement efficace (suivre Philippe Lamberts sur Facebook). C’est ce groupe qui a sorti l’affaire IKEA, par exemple. Il est le cauchemar des lobbies et des commissaires en charge et fait vraiment avancer les choses. La commission a sérieusement commencé à cogner avec l’arme de la concurrence : première épinglée, la Belgique qui doit collecter plus de 700 millions d’euros d’impôts non perçus pour cause d’avantages fiscaux surréalistes accordés à des multinationales (les Pays Bas, la Lettonie et l’Irlande sont les prochains sur la liste). J’ai toujours été subjugué par notre nombrilisme et notre capacité à parti en guerre sur les mauvais terrains avec les mauvaises armes, nous français. Croire qu’on va régler un problème global à Paris, c’est soir de l’autisme, soit de la com » politique.