Image du film "La Gueule du loup", de Jérôme Ségur.

“La Gueule du loup” en avant-pre­mière au cinéma le Club : un film, des passions

“La Gueule du loup” en avant-pre­mière au cinéma le Club : un film, des passions

REPORTAGE – Si on ne le voit pas dans le film, le loup n’en est pas moins omni­pré­sent. Ou du moins, les conflits et les pas­sions qu’il attise chez les hommes. Le docu­men­taire La Gueule du loup était pro­jeté, en avant-pre­mière, au cinéma Le Club ven­dredi 5 mars, en pré­sence de son réa­li­sa­teur Jérôme Ségur. À l’écran, comme dans la salle après la pro­jec­tion, les fric­tions étaient au ren­dez-vous. Mais, sur­tout, c’est l’humanité, au cœur du docu­men­taire, qui finit par se tailler une belle et large place.

Jérôme Ségur après la projection de son documentaire "La Gueule du loup". © Adèle Duminy - Place Gre'net

Jérôme Ségur après la pro­jec­tion de son docu­men­taire « La Gueule du loup ». © Adèle Duminy – Place Gre’net

« Je balance entre le cœur et la rai­son. Mon cœur va davan­tage aux éle­veurs qui souffrent. Ma rai­son, à la nature et à la pré­ser­va­tion de la vie sau­vage », a confié Jérôme Ségur aux spec­ta­teurs du cinéma Le Club venus assis­ter, ven­dredi 5 mars, à l’a­vant-pre­mière de son docu­men­taire La Gueule du loup. Et, en effet, la souf­france de ces ber­gers ayant accepté l’œil de la caméra crève l’écran. Gomme les a priori aussi.

Le docu­men­ta­riste n’a pas consa­cré son film aux aspects tech­niques que la ques­tion du loup sou­lève au cœur du parc du Mercantour. La pro­blé­ma­tique rayonne bien au-delà de cette zone d’ailleurs, comme on a pu le voir dans la salle après la pro­jec­tion. Ce qui a atta­ché Jérôme Ségur aux pas de ceux qui côtoient le loup donc, c’est cette pas­sion que la bête éveille chez tous. Une pas­sion qui prend des contours bien dif­fé­rents selon que l’on suit les pro ou les anti-loups. La dicho­to­mie n’est pas tou­jours per­ti­nente, du reste. Ce que la caméra, toute en sub­ti­lité, révèle d’emblée.

Une gale­rie de per­son­nages touchants

À l’écran, un couple de ber­gers, Vivianne Baud et le bien nommé Jean-Loup Pourchier, illustre à lui seul l’ambiguïté du rap­port à cet ani­mal tan­tôt adulé, tan­tôt décrié. Quand la pre­mière se refuse à sou­hai­ter son éra­di­ca­tion, en dépit des nom­breuses attaques que son trou­peau a subies, le second, éter­nel fusil à l’épaule, ne cache pas sou­hai­ter sa perte. Pourtant, dans le regard de cet atta­chant éle­veur ovin, frise une réelle admi­ra­tion pour l’animal sau­vage dont il loue l’intelligence.

Le public du cinéma Le Club était éclectique lors de l'avant-première de "La Gueule du loup", éleveurs ovins, écologistes, président de la fédération des acteurs ruraux, spécialiste du loup à l'office national de la chasse et de la faune sauvage, spectateurs lambdas... De quoi nourrir le débat. © Adèle Duminy - Place Gre'net

Un public éclec­tique lors de l’a­vant-pre­mière : éle­veurs ovins, éco­lo­gistes, pré­sident de la fédé­ra­tion des acteurs ruraux, spé­cia­liste du loup à l’ONCFS, spec­ta­teurs lambda… De quoi nour­rir le débat. © Adèle Duminy – Place Gre’net

À la ques­tion de savoir com­ment le réa­li­sa­teur a choisi ses inter­lo­cu­teurs ou s’il a cher­ché à assu­rer un équi­libre des points de vue, il répond, en toute transparence :

« J’ai conservé les images de ceux qui m’ont ému. Ceux dont j’ai pu fil­mer davan­tage la vie que le dis­cours. Mon choix ne suit pas une balance déli­cate entre pro et anti-loups. »

De fait, le docu­men­taire s’apparente moins à un compte-rendu des débats actuels que sus­cite la pré­sence du loup en France qu’à une gale­rie de por­traits de personnages.

Tous pas­sion­nés. Désespérés pour les uns, à bout de nerfs pour les autres, enthou­sias­més ou encore « embi­lés », selon le terme de Didier Trigance, éle­veur au carac­tère par­ti­cu­liè­re­ment sanguin…

Le loup cris­tal­lise les tensions

Plus le film avance et plus le lexique des dif­fé­rents éle­veurs et gar­diens de trou­peaux se fait bel­li­queux. On voue le loup, et tous ceux qui lui sont favo­rables, aux gémo­nies. Un véri­table cli­mat de guerre écla­bousse la vie pas­to­rale sans que jamais, à l’é­cran, l’humanité, tou­jours per­cep­tible, ne cède d’un pouce. Une jolie réus­site pour le docu­men­ta­riste, dont c’est le pre­mier film dédié au grand écran. Délicatesse, émo­tion et humour prennent bien sou­vent le pas sur la haine. Pendant la pro­jec­tion, les rires per­laient ainsi régu­liè­re­ment devant quelques scènes, poé­tiques pour cer­taines, et les pro­pos bien trem­pés de quelques forts en gueule.

Affiche du film "La Gueule du loup", de Jérôme Ségur.

Affiche du film « La Gueule du loup », de Jérôme Ségur.

Toutefois, comme le réa­li­sa­teur l’a rap­pelé, le loup a tou­jours cris­tal­lisé les ten­sions et bien­tôt, dans la salle, après la pro­jec­tion, la conver­sa­tion s’est échauf­fée. La ques­tion contro­ver­sée, pour­tant soi­gneu­se­ment élu­dée par Jérôme Ségur, de savoir si le loup a été réin­tro­duit en France au début des années 1990 ou s’il est revenu de son propre chef depuis l’Italie, s’est invi­tée dans la discussion.

Présent dans la salle, Pierre-Emmanuel Briaudet, res­pon­sable du suivi du loup à l’Office natio­nal de la chasse et de la faune sau­vage (ONCFS), a réfuté, non sans humour, la thèse de la réin­tro­duc­tion : « Le loup par­court jusqu’à 40 km par nuit. Il est capable de nager, d’emprunter des ponts, de fran­chir des auto­routes et des bar­rières de fils élec­triques… Il avance sans cesse, comme le prouvent les sui­vis géné­tiques. Aujourd’hui, il est dans le Massif cen­tral. Il n’y est pas arrivé en 4L ! »

« De quoi se plaignent-ils ? Ils sont bien indemnisés »

Autre ques­tion, impli­ci­te­ment sou­le­vée par le long-métrage : celle, émi­nem­ment sen­sible, de l’indemnisation. Des éle­veurs pré­sents dans la salle se sont insur­gés contre la faci­lité avec laquelle l’opinion publique y voit la solu­tion à tous les maux.

Christophe Gabert, président de la fédération des Acteurs ruraux. © Adèle Duminy - Place Gre'net

Christophe Gabert, pré­sident de la Fédération des acteurs ruraux. © Adèle Duminy – Place Gre’net

Christophe Gabert, pré­sident de la Fédération des acteurs ruraux, a rap­pelé à quel point la for­ma­tion d’un trou­peau était un tra­vail de longue haleine : « C’est une vie de tra­vail. On assemble des bêtes qui doivent être ensemble. Si l’une dis­pa­raît, il ne suf­fit pas de rache­ter une autre bête. Un ani­mal venu de l’ex­té­rieur pour­rait créer beau­coup de pro­blèmes – de rythme, de mala­dies, etc. – au sein du trou­peau. »

Au-delà des que­relles cepen­dant, tous sont tom­bés d’accord sur les qua­li­tés humaines d’un film qui nous aide à réa­li­ser que le loup a tou­jours révélé chez l’homme les failles les plus vivaces et, au fond, les troubles que sa propre époque génère. Logique, après tout, que cet ani­mal, dont on parle tant en le voyant si peu, prenne une dimen­sion allégorique.

Adèle Duminy

INFOS PRATIQUES

Cinéma Le Club

9 bis rue du Phalanstère, à Grenoble

« La Gueule du loup », de Jérôme Ségur

À l’af­fiche à par­tir du mer­credi 9 mars

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