REPORTAGE PHOTO. Dès le XIXe siècle, Grenoble devient la capitale mondiale du gant de luxe, avec des grandes maisons comme Perrin, Jouvin ou encore Vallier. La ganterie participe largement au développement économique de la ville, une famille sur deux vivant de cette activité. Mais la fin des années 1960 sonne le glas de cette industrie. Des quelque deux cents ganteries installées dans l’agglomération, on n’en compte plus que deux aujourd’hui : les ganteries Lesdiguières-Barnier et Marianne. Petit traité de résistance.
« Lorsque j’étais jeune, l’apprentissage de la couture se transmettait de mère en fille. Pour ma part, c’est une voisine qui m’a appris à coudre des gants : elle faisait ce travail à domicile et je me suis dit que cela serait compatible avec mon rôle de mère de famille », confie Marie-Anne Jacquemoud, qui dirige aujourd’hui Gants Marianne à Grenoble.
Avec Jean Strazzeri, aux manettes de la ganterie Lesdiguières-Barnier, ils ne sont plus que deux artisans gantiers à Grenoble. Lui a débuté dans le métier en 1964. Avec un CAP de coupeur, il a commencé comme apprenti dans la ganterie Lesdiguières.
À l’époque, l’entreprise compte 120 employés, 50 dans l’atelier et 70 à domicile. Il fait ses armes auprès de Jean Marino, le directeur de l’époque, qui le forme progressivement aux différentes étapes de la production. Suite à des licenciements, les employés doivent être polyvalents. « Aujourd’hui, je suis le seul ouvrier en France qui peut fabriquer une paire de gants du début à la fin », s’amuse le gantier.
Marie-Anne Jacquemoud : 54 ans de carrière dans le gant
Marie-Anne commence pour sa part sa carrière en 1962. Elle travaille à domicile pour des gantiers grenoblois. Dix ans plus tard, elle produit exclusivement pour la ganterie Notturno, à domicile d’abord, puis rejoint les ateliers à partir de 1985, où elle apprend toutes les étapes de la production, « sauf la coupe, un travail plus physique, traditionnellement réservé aux hommes », se souvient-elle.
L’entreprise reçoit des commandes du cinéma français, pour des films historiques comme La Reine Margot ou encore la série télévisée Les Rois maudits. A la mort de Salvator Notturno en 2008, les stocks de la ganterie sont vendus et la maison ferme ses portes. L’histoire de Marie-Anne aurait pu s’arrêter là. Mais en 2009, quatre magasins suisses, ex-clients de Notturno, souhaitent continuer à s’approvisionner en gants de chevreau. Marie-Anne revient dans la profession. La ganterie Marianne ouvre alors ses portes en 2010.
Aujourd’hui, le monde du théâtre et du cinéma comptent parmi ses clients : « J’ai récemment fabriqué les gants de Louis XIV pour la série télévisée Versailles, confie-t-elle un brin amusée. Et j’ai aussi travaillé pour la comédie musicale Roméo et Juliette. »
Jean Strazzeri : d'apprenti à dirigeant d'entreprise
Quant à la ganterie Lesdiguières-Barnier, c’est aujourd’hui une entreprise familiale. Jean Strazzeri travaille avec son épouse Odile, qui s’occupe depuis 1980 du secrétariat et de la gestion, tout en prenant part à la production. « En m’épousant, elle a épousé le métier », sourit Jean. Leur fille Julie s’occupe du magasin, et plus rarement de l’atelier. La ganterie compte encore trois salariés : deux couturières et un coupeur — des retraités qui travaillent, comme autrefois, à domicile.
En 1994, Jean Strazzeri rachète la ganterie Barnier à Fontaine. « Je suis arrivé dans la profession comme apprenti et maintenant je dirige l’entreprise ! », résume-t-il avec fierté. L’ancienne fabrique et l’habitation du gantier sont situées à Fontaine depuis 1885. « C’est la plus ancienne fabrique de gants de France. La maison où j’habite aujourd’hui a toujours été occupée par des gantiers ! », se plaît-il à rappeler.
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