ENTRETIEN – La Grande Sophie a entamé, depuis septembre 2015, une nouvelle tournée de concerts. Jeudi 4 février, elle jouera sur la scène de la Belle Électrique à Grenoble les morceaux de son dernier opus, Nos histoires, et quelques-uns de ses titres les plus connus. Elle nous parle de son goût pour la scène, de son dernier album qu’elle a voulu lumineux, de ses coups de cœur musicaux…
Non, elle n’est pas Maria Yudina, cette pianiste et dissidente russe qui donne son nom à l’un des titres de son dernier album. Mais Sophie Huriaux, alias La Grande Sophie, a tout de même su se faire un prénom dans la chanson française depuis ses débuts à Paris dans les années 1990.
Sept albums, dont quatre disques d’or et quelques récompenses prestigieuses – notamment, celle du meilleur album aux Victoires de la musique pour « La Place du fantôme » en 2013 – attestent d’une carrière bien remplie.
Souvenez-vous, son plus gros succès, « Du courage », avait fait office d’hymne de campagne de Ségolène Royal lors des présidentielles de 2007. C’est dire la popularité de la chanteuse ! Toutefois, si La Grande Sophie est désormais connue de tous, sa musique n’est pas toujours bien identifiée. Explication de la principale intéressée.
Au début de votre carrière dans les années 1990, vous avez inventé une expression, « kitchen miousic », pour définir votre musique. Quelle était votre intention ?
C’est vrai que quand j’ai sorti mon premier album, j’ai tout de suite parlé de « kitchen miousic » pour créer mon propre courant. J’avais très peur qu’on m’enferme dans un style et que je m’y sente à l’étroit. Je n’avais pas envie d’être cataloguée.
Et je crois qu’à travers mes albums j’ai réussi à éviter cela. J’ai exploré différentes choses. Il y a eu des tournants. Parfois, on ne sait pas dans quelle case me mettre : chanson ou rock français. Ça a pu me jouer des tours mais, finalement, c’est ma place et je ne la regrette pas.
Quel genre de musique écoutez-vous ces derniers temps ?
Évidemment, je suis sensible à la chanson française parce que c’est ma langue maternelle, celle qui va parler davantage à mes émotions. Mais j’écoute un petit peu de tout. Je peux aussi bien être touchée par du rap anglais que par de l’électro-pop française. Par exemple, dans cette dernière catégorie, hier, j’ai flashé sur un groupe niçois : Hyphen Hyphen. Mais je peux aussi aimer le dernier album de Luce…
Souvent, d’ailleurs, je prépare de petites playlists pour les diffuser avant le début de mes concerts. Un concert, c’est aussi l’ambiance qu’on installe avant que ça ne démarre.
Préférez-vous ces périodes intenses de tournée pendant lesquelles vous sillonnez le pays ou les temps d’écriture et de composition, plus calmes ?
J’adore l’ambiance de la tournée ! Partir avec le tour bus, tous ensemble. Ça a toujours été la liberté pour moi. Je trouve ça génial de voyager de ville en ville.
Combien de musiciens vous accompagnent sur cette tournée ?
On est quatre sur scène. C’est moi qui joue le rôle de guitar hero (rire) puisque je me charge des solos. C’est une tournée assez électrique. Sur les précédentes tournées, j’avais l’habitude d’avoir un musicien qui se chargeait de la guitare électrique et que j’accompagnais avec ma guitare acoustique. Cette fois, j’ai décidé de réaliser ce fantasme que j’ai toujours eu sans oser l’assumer. Je me fais plaisir !
On vous dit réservée. Comment réussissez-vous à affronter la scène ?
C’est assez bizarre mais sur scène je suis très différente. Habituellement, c’est vrai que je suis assez réservée, on ne me remarque pas. Mais sur scène, ce peut être l’inverse. J’aime être leader de mon équipe, avoir ce contact avec le public.
Peut-être que c’est parce que j’ai toujours eu du mal à trouver ma place au sein d’un groupe. J’ai toujours été un électron libre. Ma place, je la trouve en tournée.
Vous allez jouer les chansons de votre dernier opus, Nos histoires. Mais allez-vous également proposer d’anciens titres ?
Effectivement, on joue la totalité du dernier album parce que c’est la couleur que je voulais donner à cette tournée. Et ce qui m’amuse, c’est de revisiter les anciens titres pour les mettre au diapason des nouvelles chansons.
Une chanson comme « Du courage », qui a vécu de longues années déjà, je me demande comment je vais bien pouvoir l’habiller cette fois-ci. Parfois, je suis effrayée parce que j’en ai déjà donné de nombreuses versions mais il y a toujours une idée qui jaillit. C’est ce que j’adore dans la musique : cette infinité de possibilités.
Dans votre manière de faire vos chansons, qu’est-ce qui est premier : l’écriture du texte ou la composition musicale ?
Je n’écris jamais un texte à l’avance. C’est vraiment la musique qui guide mes mots. Je reviens ensuite sur mes textes pour les faire sonner, beaucoup plus que sur mes premiers albums d’ailleurs.
C’est mon moyen de communiquer depuis de longues années puisque j’ai écrit ma première chanson à douze ans. Et je n’ai jamais arrêté depuis.
Qu’est-ce qui vous guide dans le choix des sujets que vous traitez ?
Je crois qu’une chanson n’arrive jamais par hasard. Par exemple, la chanson « Quelqu’un d’autre » a mis trois années à arriver. Je souhaitais écrire sur ce thème [le désir de sortir de soi-même, de faire l’expérience de l’altérité, ndlr] et puis c’est arrivé à point. C’est comme un révélateur.
La chanson « Maria Yudina » parle d’une résistante qui s’est opposée au régime de Staline. C’est quelque chose qui m’impressionne. On se demande toujours comment on aurait réagi dans des conditions semblables. Ce sont toutes ces questions qui résonnent dans mes chansons.
Différentes figures féminines traversent votre album : Maria Yudina, que vous venez d’évoquer, mais aussi, plus implicitement, l’auteure Delphine de Vigan ou la chanteuse et compositrice Jeanne Cherhal…
Les femmes dans l’art m’ont toujours beaucoup influencée. J’ai toujours été très sensible aux chanteuses : Joan Baez ou PJ Harvey, par exemple. Parce que c’est un métier très masculin. On est très entouré de gars. Du coup, toutes ces femmes me parlent.
Vous évoquiez une couleur spécifique sur ce dernier opus. Comment la définiriez-vous ?
Je voulais un album lumineux. C’était important par rapport à La Place du fantôme [précédent album de La Grande Sophie sorti en 2012, ndlr], qui était plus sombre, pour des raisons personnelles.
Avec Nos histoires, j’avais besoin de m’ouvrir. Je crois qu’on le sent aussi sur la pochette qui me représente revenant, au loin, dans la lumière. Je voulais de la chaleur aussi sur la scène. J’essaie toujours de créer cette chaleur, via les jeux de lumière notamment, même si j’utilise des instruments plus synthétiques. Ces instruments, il y a des personnes qui les manipulent. Je veux qu’on le sente.
Propos recueillis par Adèle Duminy
Infos pratiques
Esplanade Andry Farcy à Grenoble
La Grande Sophie + Laurent Lamarca
Jeudi 4 février, à 20 h 30
De 19 à 23 euros