DROIT DE SUITE – L’annonce par Philippe Cordon, le maire de Chamrousse, d’un projet d’extension de son domaine skiable sur le site des Vans a déclenché une levée de boucliers de nombreuses associations d’usagers de la montagne et de protection de la nature. La polémique, depuis, ne cesse d’enfler. De quoi agacer sérieusement la commune qui lance une contre-offensive médiatique.
À l’automne 2015, Philippe Cordon, le maire de Chamrousse, dévoilait à la presse spécialisée les projets de la commune de Chamrousse pour adapter la station « à la transition climatique et aux exigences du XXIe siècle ».
Entre autres mesures, était notamment évoquée une éventuelle extension de son domaine skiable au vallon des Vans.
Une annonce qui s’était répandue comme une traînée de poudre dans le milieu des associations de protection de la nature et des organisations d’usagers de la montagne, déclenchant ainsi une polémique.
Le 25 janvier dernier, c’est par l’entremise d’un communiqué de presse que la commune de Chamrousse a finalement décidé de réagir pour tenter de déminer le terrain.
Une polémique partie d’un article de presse
Dans ce communiqué, après avoir longuement décrit sa stratégie de développement durable, la station déplore que la polémique sur la question de l’aménagement de la combe des Vans ne soit étayée que par « un article de presse qui ne devrait engager que le journaliste ». La municipalité s’étonne d’autant plus de ce vent de protestation « que cette question avait déjà été abordée en commission extra-municipale de l’environnement, où siègent des représentants de certaines des associations entrant en polémique ».
En réaction et en signe de leur attachement au vallon des Vans, ces mêmes associations appelaient à manifester au sommet des Vans, le dimanche 7 février. La municipalité dénonce, quant à elle, une manifestation « sans concertation préalable avec la commune […] annoncée par des protestataires, qui ne pouvant ignorer les inconvénients et atteintes à l’écosystème de sa fréquentation inorganisée, entendent ainsi manifester leur attachement au site ».
Suit un habile retournement qui pourrait bien aussi, par effet de bord, remettre de l’huile sur le feu plutôt qu’éteindre l’incendie. « La municipalité est heureuse de cet engagement. Elle souhaite que cette mobilisation ne soit pas seulement protestataire, mais débouche sur un véritable soutien à la commune pour sa politique d’adaptation de la station de Chamrousse à la transition climatique », déclare la station, tentant ainsi de rallier les opposants. Pas sûr que les protestataires l’entendront ainsi…
Ne pas « s’interdire de réfléchir »
La commune de Chamrousse en est convaincue, « la pire des postures pour l’environnement serait de ne pas tenter d’adapter la commune et ses domaines montagnards à la transition climatique et de s’interdire de réfléchir, d’étudier et de préparer l’avenir, au nom de la préservation d’intérêts ou attachements légitimes, mais particuliers », plaide-t-elle.
Et de rappeler son engagement pour que la préservation de son patrimoine naturel puisse bénéficier à tous les usagers de son domaine montagnard, bien que « son coût important repose sur les seuls contribuables chamroussiens ».
Un point névralgique selon la mairie, qui estime dépenser beaucoup pour la défense patrimoniale de son territoire. « Une plus grande équité et répartition des efforts financiers devraient être envisagées, avec le concours de tous les acteurs de la montagne », suggère ainsi la station.
Le site des Vans : « un stade de ski de randonnée » ?
La station de ski rappelle que l’essentiel de son domaine montagnard est actuellement l’objet d’une occupation humaine. Selon elle, le domaine skiable serait mieux organisé et géré car les protections et règlements y ont pourvu. « En revanche, le domaine montagnard non skiable fait l’objet d’occupations encore non organisées, susceptibles d’abus contraires à la bonne gestion de la biodiversité », affirme la municipalité.
C’est notamment le cas pour le site des Vans, « qui est devenu depuis quelques années un stade de ski de randonnée, comme il y a un stade de fond à l’Arselle, ou un stade de slalom et un stade de snowboard », argumente la commune.
Cependant, contrairement à ces stades « officiels », le stade de randonnée n’est pas organisé et son occupation ne tient pas compte de l’écosystème du site. La station de Chamrousse se dit ainsi décidée à ne pas éluder la question des modalités des activités humaines sur le site des Vans.
« La gestion très rigoureuse du stade de fond de l’Arselle montre bien que la multiplication de protections règlementaires n’est pas incompatible avec une gestion humaine pertinente. Rien en devrait faire obstacle à ce que les autres sites de la station soient aussi bien gérés et activement », argumente la commune.
Vœux de transparence et de concertation
Quoi qu’il en soit, la municipalité déclare vouloir faire preuve de transparence « dans le cadre d’une politique de concertation » en rendant publiques les études qu’elle engage. Comme autre gage de cette ouverture, le symbole que va constituer la création de la Maison locale de l’environnement, et son implantation dans le chalet historique du Club alpin français (Caf) – qui sera pour l’occasion réhabilité –, n’est pas le moindre.
Pour autant, la commune se réserve une marge confortable. Aucune décision et aucun engagement de procédure officielle d’aménagement du domaine skiable sur le site des Vans ne seront pris avant 2018. Dans l’intervalle, ce sera le temps des études et de la réflexion. De quoi rester optimiste pour la municipalité qui se prend à espérer « qu’à Chamrousse tous ceux qui sont attachés à la pérennité économique, sociale, et patrimoniale de la commune sauront contribuer au renouveau de son développement, au-delà des seules émotions et sensibilités ».
Joël Kermabon
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