FOCUS – Près d’une espèce animale sur quatre est menacée en Isère. Et autant sont sous surveillance. Depuis 1995, oiseaux, amphibiens, reptiles et mammifères sont en effet évalués et listés en fonction de leur état de conservation. Au-delà du constat, reste maintenant à mettre en œuvre les actions.
En Isère, 22 % des espèces animales sont menacées. Vulnérables, en danger critique ou en danger de disparition. C’est le résultat d’une large étude commandée par le Conseil départemental de l’Isère et réalisée par une petite centaine de spécialistes* conduits par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de l’Isère. La troisième depuis 1995 dans un département précurseur en la matière**.
Soixante-treize espèces sont ainsi menacées de disparition. Vingt-six sont considérées comme en danger et dix-neuf en danger critique d’extinction. Parmi cette dernière catégorie, le lynx boréal, le milan royal, le busard cendré ou le rhinolophe euryale, une espèce de chauve-souris.
En tout, 326 espèces ont été évaluées et classées en huit catégories. Objectif ? Dresser non pas une liste rouge, – la prérogative étant réservée à l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et à des classements a minima régionaux – mais des statuts de conservation des espèces. Le résultat est au final le même. Derrière le constat, il s’agit de poser des solutions et de mettre en œuvre des actions.
« Avec une meilleure connaissance des enjeux qui pèsent sur ces espèces, ces listes permettent d’établir des priorités de conservation », souligne Anaëlle Atamaniuk, chargée d’études faune à la LPO Isère.
Un quart des espèces est donc menacé en Isère. Et 21 % sont à surveiller, soit parce qu’elles sont « presque menacées », soit parce que les données sont encore insuffisantes.
La moitié des rapaces nocturnes menacée
Le triton ponctué par exemple. Classé en danger critique d’extinction, ce petit amphibien est uniquement observé dans deux localités en Isère, dans la région du Grand-Lemps.Et le maintien de ces maigres populations passe par la restauration de zones humides…
Il n’est pas le seul à trouver refuge dans ces écosystèmes fragiles. Une cinquantaine d’espèces protégées vivent sur le site du futur Center Parc des Chambarans. Elles n’ont pas fait le poids face au juge et à la volonté de Pierre & Vacances d’y édifier un grand centre de vacances, avec le soutien, maintes fois répété du… Conseil départemental de l’Isère.
Mais c’est chez les volatiles que la situation est la plus inquiétante. La moitié des rapaces nocturnes et oiseaux vivant dans les zones humides est menacée.
En cause : la destruction des habitats, la diminution des ressources alimentaires et, notamment, des insectes.
L’effraie des clochers (vulnérable) ou l’hirondelle rustique (quasi menacée) paient ainsi un lourd tribu aux dégradations de l’environnement.
Et après ? Un plan d’actions va être élaboré avec le Département. L’objectif est notamment de mettre en place des dispositifs de gestion. Pour le triton, il s’agira de connecter les deux populations. « Mais c’est difficile quand on n’a pas la maîtrise foncière », modère la chargée de mission.
Un travail de longue haleine donc, et notamment de sensibilisation, pour faire comprendre que chaque espèce a non seulement sa place, mais son « utilité ». « Le triton est une espèce qui se nourrit notamment de larves de moustique ; la chauve-souris mange elle aussi des moustiques », illustre Anaëlle Atamaniuk.
En attendant, les connaissances progressent, permettant de mieux cibler les priorités d’action. Et tout n’est pas perdu. Des espèces ont même « réapparu ». Le pic noir, considéré comme éteint en 2008, est de retour dans les forêts alluviales. De même que le sterne pierregarin ou le pipit rousseline.
Patricia Cerinsek
* Associations de protection de la nature, bureaux d’études, fédérations de chasseurs, pêcheurs, administrations, etc.
** L’Isère est le premier département en France à avoir établi cette liste des statuts de conservation.