Grand repas fes­tif au Resto du Coeur Chorier à Grenoble

Grand repas fes­tif au Resto du Coeur Chorier à Grenoble

REPORTAGE – Le plus grand Resto du cœur de l’agglomération gre­no­bloise, le centre de dis­tri­bu­tion de Chorier, orga­ni­sait un repas de fête, ce mer­credi 6 jan­vier 2016. Au menu de ce repas convi­vial offert par les béné­voles aux 90 convives en situa­tion de pré­ca­rité : accueil cha­leu­reux, musique enjouée et ingré­dients choi­sis. Rencontre.

© Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

© Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

« C’est pas beau ça ? » Les pre­miers arri­vés au déjeu­ner fes­tif du Resto du cœur Chorier sont sur­pris par l’am­biance qui règne dans la salle à l’oc­ca­sion de ce repas dédié aux fêtes de fin d’an­née : nappes colo­rées, sodas et jus de fruits sur les tables, sans comp­ter un duo de musi­ciens dégui­sés en lutins du Père Noël qui accordent leurs instruments.

Ils vont pou­voir appré­cier « un moment pri­vi­lé­gié » qui va chan­ger leurs habi­tudes. En temps nor­mal, ils sont une cen­taine à venir chaque jour sai­sir rapi­de­ment leur pla­teau et man­ger au plus vite afin de libé­rer la place aux suivants.

Aujourd’hui, envi­ron 90 per­sonnes ont été conviées. Elles vont avoir tout leur temps pour faire connais­sance avec leurs voi­sins de table et dégus­ter un repas de fête.

Benjamin, le cuisinier du centre Chorier. © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

Benjamin, le cui­si­nier. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

Des amuse-bouches pour com­men­cer, puis du sau­mon accom­pa­gné d’une sauce aux cre­vettes et d’un riz pilaf, un assor­ti­ment de fro­mages et une bûche en des­sert. Le tout accom­pa­gné des vœux de bonne année et de petites blagues des bénévoles.

Ces der­niers sont là depuis le matin. Le cui­si­nier Benjamin, seul employé du centre, est même venu à 7 heures pour que tout soit prêt vers 11 h 30, lors de l’ar­ri­vée des pre­miers convives.

Il tra­vaille au Resto du cœur depuis quatre mois. Sourire aux lèvres, le jeune homme confirme que l’am­biance ici est tou­jours agréable et fami­liale, même si cer­tains jours sont plus stres­sants du point de vue de l’organisation.

Dès que leur table est rem­plie, les convives trinquent avec leurs verres rem­plis de sodas et de jus. « Cela fait un an que je viens ici », raconte Monique. « Avant, j’é­tais mariée. Mais j’ai eu un acci­dent vas­cu­laire céré­bral et je me suis retrou­vée seule. Aux Restos, j’ai trouvé des copains et des copines. Le plus impor­tant, c’est qu’il y a de la gen­tillesse et du res­pect. Et puis les béné­voles sont ado­rables ! »

© Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

© Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

A la fin du repas, la salle se trans­forme en une piste de danse impro­vi­sée. L’occasion pour les béné­voles et les per­sonnes accueillies de par­ta­ger un moment de détente rythmé par les deux musiciens.

© Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

© Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

Certains convives sont timides, d’autres jettent un regard sus­pi­cieux vers l’ap­pa­reil photo : « Pas de photo de moi ! » Quelques-uns, au contraire, ont envie d’im­mor­ta­li­ser le moment et se prennent au jeu.

Un des bénéficiaires pose avec Christian Nicot, le responsable du centre de distribution Chorier. © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

Un des béné­fi­ciaires pose avec Christian Nicot, le res­pon­sable du centre de dis­tri­bu­tion Chorier. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

Danielle Anne Lucie : « Je me suis retrou­vée avec cinq enfants sans logement »

Son grand-père luxem­bour­geois et sa grande-mère bié­lo­russe se sont ren­con­trés en Lorraine : tous deux ont été employés dans les mines de char­bon. En 1939, pen­dant la guerre, les parents de Danielle Anne Lucie démé­nagent à Grenoble.

Danielle Anne Lucie. © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

Danielle Anne Lucie. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

« J’ai com­mencé à tra­vailler à l’âge de 12 ans. Pendant plus de vingt ans, j’ai tra­vaillé à Biarritz en fai­sant des mas­sages dans l’eau, de la tha­lasso. J’ai soi­gné des vedettes de cinéma et même le roi d’Arabie saou­dite. Ensuite, dans les années 80, tout a été acheté par un émir du Koweït et les employés ont été licen­ciés. C’est ainsi que je me suis retrou­vée avec mes cinq enfants sans tra­vail et, très vite, sans loge­ment. Mon mari étant décédé depuis long­temps, il fal­lait que j’élève mes enfants seule. Après avoir vécu dans quatre autres régions de France, on est retourné à Grenoble, la ville où j’ai grandi. 

Depuis deux ans, j’ha­bite dans les mon­tagnes, à 55 kilo­mètres de Grenoble, pas très loin de Notre-Dame-de-la-Salette. Je viens sou­vent ici, soit en bus, soit en stop. À mon âge… En stop, ce tra­jet prend envi­ron trois heures, parce que les gens ne s’ar­rêtent pas sou­vent. Vous savez, les habi­tants ne sont pas très gen­tils dans les mon­tagnes. Les condi­tions de vie ? Ça fait un mois seule­ment que j’ai le chauf­fage chez moi dans ce loge­ment pro­vi­soire que j’ai trouvé. Avant, je chauf­fais avec un poêle à pétrole. 

Je ne veux pas deman­der d’aides pour avoir un autre loge­ment. Je n’aime pas deman­der. Une de mes filles habite à côté de chez moi. Deux de mes autres enfants habitent à Grenoble et deux en Provence. Ils tra­vaillent tous. Iils m’aident quand ils peuvent mais ce n’est pas évident pour eux non plus. 

La pre­mière fois, c’é­tait dur mora­le­ment de venir ici. Mais on est bien accueilli et puis on s’ha­bi­tue. Vous vous ren­dez compte ! J’ai soi­gné des vedettes de cinéma et, aujourd’­hui, je vais au Resto du cœur… »

Belhassen : « En Tunisie, je n’a­vais pas de travail »

Belhassen. © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

Belhassen. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

Jeune Tunisien arrivé en France il y a huit mois, Belhassen habite à Grenoble depuis six mois. Il est parti de sa ville natale Monastir pour rejoindre d’a­bord Agrigento, en Sicile, puis l’Hexagone.

« Ce tra­jet dans un bateau clan­des­tin en bois a duré trente heures. C’était dif­fi­cile. En Tunisie, je n’a­vais pas de tra­vail et on ne peut pas vivre là-bas sans tra­vailler. En France, par contre, c’est pos­sible car il y a beau­coup d’aides : on peut bien man­ger, je paie mon abon­ne­ment de trans­ports seule­ment 2,5 euros par mois, j’ai la carte Sim soli­daire, quand je vais chez le méde­cin je ne paie pas… 

Pourquoi je ne suis pas resté en Italie ? Toutes ces aides n’existent pas là-bas. Aujourd’hui, je suis sans-papier, mais je peux quand même vivre ici, même sans tra­vail. Mes plans ? Je veux trou­ver une femme en France, fon­der une famille ».

Patricia et Kamel : « Nous nous sommes ren­con­trés au Resto du cœur »

Patricia et Kamel, en couple depuis deux mois, se sont ren­con­trés au Resto du cœur. Si pour le soir de Réveillon ils ont pré­féré res­ter au calme tous les deux, aujourd’­hui ils sont venus à ce déjeu­ner pour se retrou­ver dans une ambiance fami­liale et fes­tive. Dès les pre­mières notes de musique, Patricia en pro­fite pour dan­ser. Souriante, vive, elle res­pire la joie de vivre mal­gré sa situa­tion com­pli­quée. Toiletteur canin, elle est en recherche d’emploi et vient aux Restos du cœur depuis quinze ans. Son ami, Kamel, édu­ca­teur spé­cia­lisé jus­qu’en sep­tembre der­nier, vient, lui, depuis un an.

Patricia et Kamel. © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

Patricia et Kamel. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

« Il y a aujourd’­hui beau­coup de gens en situa­tion de pré­ca­rité, sur­tout des jeunes qui viennent voir les asso­cia­tions pour avoir des aides diverses », raconte Kamel qui connaît la situa­tion « de l’autre côté de la bar­rière », comme il dit, pour avoir tra­vaillé dans le domaine social en tant qu’é­du­ca­teur spé­cia­lisé. « Souvent, ils ne le disent à per­sonne parce que cela les gène. Moi, j’ai vu la situa­tion des deux côtés : en tant que per­sonne qui aide et en tant que per­sonne qui reçoit de l’aide. Cela ne m’a donc pas dérangé de venir aux Restos du cœur la pre­mière fois. Avant, je suis allé dans d’autres asso­cia­tions comme Le Fournil, par exemple ».

Antoine. © Yuliya Ruzhechka – placegrenet.fr

Antoine. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

Antoine : « J’ai dû quit­ter le Congo pour des rai­sons poli­tiques »

Ancien jour­na­liste de l’Agence congo­laise de presse, Antoine a quitté le Congo pour rejoindre la France il y a deux ans et est aujourd’­hui deman­deur d’a­sile en France. « Faire le tra­jet pour venir ici n’é­tait pas dan­ge­reux. Ce qui est dan­ge­reux, c’est de res­ter. J’ai dû quit­ter le Congo pour des rai­sons poli­tiques. »

Ses amis qui habitent à Grenoble lui ont conseillé de venir dans la capi­tale des Alpes. Ses deux enfants habitent aujourd’­hui en Angola : « Ils ne veulent pas venir en Europe. Ils me disent qu’ils sont très bien là où ils sont main­te­nant. »

Antoine fait actuel­le­ment les démarches néces­saires pour régu­la­ri­ser sa situa­tion en France : « À 70 ans, il sera dif­fi­cile de pour­suivre ma car­rière de grand repor­ter ici mais je ferais bien des piges ! »

[slideshow_deploy id=“73053”]

RESTOS DU CŒUR : UNE LOGISTIQUE DE L’ENTRAIDE BIEN RODÉE

Brigitte Cotte , la présidente des Restaurants du Coeur de l'Isère, aide les bénévoles.

Brigitte Cotte, la pré­si­dente des Restaurants du Cœur de l’Isère, aide les béné­voles. © Yuliya Ruzhechka – pla​ce​gre​net​.fr

Seize Restos du cœur existent aujourd’­hui en Isère, dont six dans l’agglomération gre­no­bloise. Le centre Chorier – le plus grand de l’Isère – ouvre ses portes à des per­sonnes en situa­tion de pré­ca­rité depuis trente ans. Aujourd’hui, 104 per­sonnes y sont ins­crites en tant que bénévoles.

Ce centre dis­tri­bue envi­ron 8 tonnes de nour­ri­ture par semaine : une cen­taine de per­sonnes par jour s’y rendent pour le repas du midi et envi­ron 1400 à 1500 prennent chaque semaine des colis de nour­ri­ture et des pro­duits d’hy­giène de pre­mière néces­sité don­nés par des grandes enseignes.

« Ce sont des familles avec un revenu maxi­mal de 600 euros en hiver et 300 euros en été qui peuvent béné­fi­cier de cette dis­tri­bu­tion et com­po­ser chaque semaine leurs colis avec des pro­duits dont le prix se cal­cule en “points”. A chaque famille est alloué un nombre de points à dépen­ser par semaine. Elles font leur sélec­tion en fonc­tion de leurs besoins », explique Gerald, béné­vole des Restos du cœur depuis deux ans et demi, chargé de la logis­tique du centre et plus géné­ra­le­ment de toute la par­tie informatique.

Trouver des par­te­na­riats n’est pas simple

Gaspillage alimentaire : des déchets alimentaires dans une poubelle. © Jonathan Bloom, Nick Saltmarsh - FAO

Gaspillage ali­men­taire. © Jonathan Bloom, Nick Saltmarsh – FAO

Quand bien même les dons aux Restos du cœur per­mettent aux enseignes de récu­pé­rer 60 % de leur valeur en déduc­tion d’im­pôts, Gérald raconte que trou­ver des par­te­na­riats n’est pas simple : « Certains maga­sins pré­fèrent jeter leurs inven­dus plu­tôt que don­ner. Peut-être cela est dû à la néces­sité de les trier avant de les don­ner, ce qui engage un tra­vail sup­plé­men­taire. Et puis les com­merces font de plus en plus de pro­mo­tions sur les pro­duits dont la date de péremp­tion est très proche. Après cette date-là, on ne peut pas les dis­tri­buer. »

La dis­tri­bu­tion des repas n’est pas la seule acti­vité du centre Chorier. Le centre dis­tri­bue éga­le­ment des “kits de grand froid” conte­nant sacs de cou­chage, tentes et autres élé­ments indis­pen­sables aux plus dému­nis qui dorment dans la rue l’hi­ver. Ils sont confec­tion­nés à par­tir de pro­duits offerts par la chaîne de maga­sins Décathlon. Quant aux jouets dis­tri­bués aux enfants, ils pro­viennent du par­te­na­riat natio­nal avec King Jouet.

De l’ap­pren­tis­sage du fran­çais à la ges­tion d’un bud­get, en pas­sant par l’ob­ten­tion de micro-cré­dits ou le sou­tien à la recherche d’emploi et, plus récem­ment, la coif­fure c’est un véri­table panel d’aides tou­jours plus étoffé que pro­posent les Restos du cœur. Ceux-ci font d’ailleurs face à une demande crois­sante. La « grande can­tine gra­tos » de Coluche a évo­lué et pro­pose aujourd’­hui plus que des repas, du lien social pour « les plus dému­nis ».

Yuliya Ruzhechka

YR

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Palais de justice de Grenoble. © Joël Kermabon - Place Gre'net
Meurtre d’une jeune Lyonnaise dans le Val d’Aoste : le sus­pect, jugé à Grenoble, accepte son extra­di­tion vers l’Italie

EN BREF - Le jeune Italien de 21 ans soupçonné d'avoir tué sa compagne, une jeune Lyonnaise de 22 ans retrouvée morte poignardée le 5 Lire plus

Le groupe Zoufris Maracas. © Nicolas Baghir
Festival Magic Bus 2024 : une édi­tion sous le signe de l’i­ti­né­rance dans huit lieux de l’ag­glo­mé­ra­tion grenobloise

ÉVÈNEMENT - La 23e édition du festival Magic Bus organisée par l'association Retour de scène aura lieu du 27 avril au 4 mai 2024 à Lire plus

Alouette des champs. © Christian Aussaguel
Auvergne-Rhône-Alpes : la LPO alerte sur la « dis­pa­ri­tion inquié­tante » des oiseaux des milieux agricoles

FLASH INFO - La LPO Auvergne-Rhône-Alpes s'alarme, dans un communiqué publié le 9 avril 2024, de la "disparition inquiétante" des oiseaux des milieux agricoles. Un Lire plus

Alpes Insertion conteste vivement le reportage (et ses méthodes) de Cash Investigation à son endroit
Alpes Insertion conteste vive­ment les pro­pos tenus dans le repor­tage de Cash Investigation

DROIT DE SUITE - Après un reportage accablant de Cash Investigation sur Fontaine Insertion en janvier 2024 et un rassemblement syndical devant ses locaux en Lire plus

Mobilisation pour des aménagements sécurisés. Crédit Collectif pour l'aménagement cyclable de la Combe de Gières
Piste cyclable dans la combe de Gières : les élus éco­lo­gistes du Département sou­tiennent la péti­tion citoyenne métropolitaine

FLASH INFO - Le groupe Isère écologie et solidarités (IES) au Département a appelé, jeudi 18 avril 2024, à signer la pétition citoyenne métropolitaine pour Lire plus

Échirolles : un bus de la Tag tou­ché par plu­sieurs tirs d’arme à feu, les conduc­teurs exercent leur droit de retrait

EN BREF - Un bus de la ligne C7 a été visé par plusieurs tirs d'armes à feu au niveau du terminus Comboire, à Échirolles, Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !