FOCUS – Au terme de trois heures de débats, la majorité a finalement voté le budget primitif 2016 de la ville de Grenoble, lors du conseil municipal de ce lundi 21 décembre. Parlant à plusieurs voix, celle-ci a défendu un plan de sauvetage des finances de la Ville se voulant offensif, un budget qui « ne peut être comparé aux budgets précédents ». Peu convaincant, visiblement, pour les oppositions – de droite comme de gauche – qui ont voté contre.
Après le débat d’orientation budgétaire du mois de novembre, le vote du budget primitif 2016 était à l’ordre du jour du conseil municipal de ce lundi 21 décembre. Trois longues heures de débats auront été nécessaires pour que tous les groupes s’expriment sur l’utilisation qui sera faite en 2016 de l’enveloppe de 344 millions d’euros – contre 341 en 2015 – du budget de la Ville.
« C’est un budget qui ne ressemble pas à ceux qui l’ont précédé. Il est le premier budget après l’étape majeure qu’a été la création de la Métropole. C’est aussi un plan de sauvetage face au risque de mise sous tutelle. C’est enfin et surtout un budget qui va nous permettre de transformer les essais et de mettre en œuvre les politiques structurantes que nous avons engagées depuis 18 mois. »
C’est ainsi qu’Éric Piolle, relançant l’antienne de la baisse des dotations et des risques de mise sous tutelle, a planté le décor de la délibération devant sceller le budget 2016. Les débats ont démarré juste après la projection d’une vidéo didactique expliquant le budget de Grenoble en infographies animées.
Au final, le budget a été adopté par la seule majorité municipale. Pour une fois, les oppositions étaient toutes à l’unisson, même si elles ont invoqué des raisons différentes pour justifier leur vote.
Une masse salariale stable et des subventions en légère baisse
Quels sont les points et chiffres clés de ce budget 2016 atteignant les 344 millions d’euros ? Tout d’abord, les impôts, déjà très élevés à Grenoble, ne seront pas augmentés. « C’est un choix politique, un acte fort de solidarité […], au moment même où la crédibilité en politique est largement remise en cause », souligne Hakim Sabri, l’adjoint aux finances, avant d’entamer une longue litanie de chiffres.
Sur ce budget global, 256 millions d’euros seront consacrés aux dépenses de fonctionnement. Parmi ces dernières – à périmètre constant –, la masse salariale reste stable, avec 136,2 millions d’euros, tandis que les subventions aux associations enregistrent une « baisse limitée » de 700.000 euros pour atteindre 22,9 millions d’euros. Si les charges courantes baissent de 2,1 millions d’euros, l’enveloppe du CCAS reste, elle, inchangée à hauteur de 25,5 millions d’euros. Ajoutez enfin à cela 8 millions d’euros de charges financières.
Quid des recettes de fonctionnement ? Celles qui relèvent de la fiscalité augmentent de 138,3 à 141,3 millions d’euros et la dotation de la Métropole baisse de 51,9 millions d’euros à 39,7. Les dotations de l’État passent, elles, – c’était attendu – de 38,1 à 32,1 millions d’euros, amputant le budget de la Ville de 6 millions d’euros. « Une baisse qui n’est pas compensée par l’évolution du produit de la fiscalité », souligne la municipalité. Enfin, au chapitre “autres recettes”, on passe de 50,2 à 49,1 millions d’euros.
Un niveau d’investissement élevé maintenu
En 2016, la municipalité affirme maintenir un niveau d’investissement important, avec 88 millions d’euros affectés, budgets principal et annexe confondus. Par rapport à 2015, cela représente tout de même 10 millions d’euros de moins. Pourquoi, dès lors, parler de stabilisation ?
« Cette différence provient du fait que ces investissements vont être portés par la Métropole. Donc en clair, s’ils étaient restés dans notre périmètre, le niveau d’investissement de la Ville aurait été identique à celui de l’année 2015 », explique Hakim Sabri.
Parmi les investissements d’équipements prévus, 6,7 millions d’euros seront consacrés aux écoles et 5,6 millions d’euros à la rénovation du pôle gare et à la protection contre les crues. 3,9 millions d’euros seront, par ailleurs, dédiés à la politique de la Ville, à travers des travaux de rénovation urbaine, notamment dans les quartiers Teisseire, Chatelet, Mistral et Villeneuve.
La reconstruction du centre sportif Arlequin et les travaux d’entretien de la piscine Jean Bron seront, eux, financés à hauteur de 3 millions d’euros.
Côté culture, une enveloppe de 1,5 million d’euros est réservée à la réhabilitation du théâtre Prémol, aux rénovations du clocher de l’église Saint-André et de son orgue. Un budget de 800.000 euros est maintenu pour la deuxième édition du budget participatif. Enfin, 3,7 millions d’euros seront affectés à la participation aux Zac Presqu’île, Flaubert, Vigny-Musset et Bouchayer-Viallet.
3,6 % d’augmentation pour la dette consolidée
Concernant la baisse de l’épargne nette, Hakim Sabri estime que la Ville est sur la bonne voie. « Grâce aux effort structurels déjà engagés », elle commencerait en effet à s’infléchir. « Entre 2012 et 2013, elle chutait de presque 6 millions d’euros, entre 2013 et 2014 de 4,3 millions d’euros et entre 2014 et 2015 de 6 millions d’euros. Vous verrez qu’en 2016 elle ne chutera que de 1,15 million d’euros », annonce l’adjoint.
« Bien avant la fin du mandat, nous devrions pouvoir renouer, si ce n’est avec une épargne nette positive, en tous les cas avec une épargne nette qui sera nulle », se prend à espérer l’élu.
Qu’en est-il de la dette ? L’encours devrait s’élever à 330 millions d’euros fin 2016 contre 318,5 fin 2015. Une hausse de 3,6 % principalement due au financement nécessaire à l’achat des anciens locaux du Crédit agricole, rue Paul Claudel, qui devrait permettre le regroupement de nombreux services municipaux. Sans cette opération, l’encours de la dette n’aurait augmenté que de 1,45 %.
« Une bombe à retardement »
Une fuite en avant, selon Jérôme Safar, président du groupe Rassemblement de gauche et de progrès, qui se fait, pour la circonstance, oiseau de mauvaise augure. « Personne ne doit s’y tromper. Endetter la ville comme vous le faites de manière irraisonnée et incontrôlée, ce sont demain des services publics dégradés et, tôt ou tard, le retour des hausses d’impôts ! », fustige l’élu. Et de citer, pour preuve, l’encours de la dette par habitant qui atteindra 1.748 euros en 2016, soit un endettement supplémentaire de 100 euros par habitant depuis l’arrivée aux affaires de l’équipe municipale.
Matthieu Chamussy, président du groupe Les Républicains – UDI et Société civile, n’est guère plus tendre. « Avec cette stratégie de l’endettement, vous êtes en train d’amorcer une véritable bombe à retardement ! », prédit l’élu. Et ce dernier de rappeler, en veine d’inspiration, l’adage stipulant que « la dette d’aujourd’hui, ce sont les impôts de demain ».
Le conseiller municipal va même plus loin. « D’une certaine manière, il eut été plus courageux, plus honnête intellectuellement, d’augmenter les impôts plutôt que la dette », conclut-il.
En tout état de cause, difficile de comparer les budgets 2015 et 2016. À cela, plusieurs causes. Hakim Sabri évoque, en tout premier lieu, les changements de périmètres induits par les transferts de compétences liés à la création de la Métropole.
« C’est pratiquement 13 millions d’euros de charges qui ont été transférés », indique l’élu. Mais il n’y a pas que cela. « Nous avons aussi décidé de mutualiser Ville et CCAS. Donc un certain nombre de charges de personnel vont être reprises dans le budget principal de la Ville. Il y a eu la dissolution du GIE Agir, la création de la régie Lumière et le passage du Palais des sports au budget annexe », ajoute l’adjoint aux finances. Autant de raisons rendant toute comparaison illusoire, selon lui.
« Vous préparez des lendemains qui déchantent »
Le budget 2016 a été voté, certes, mais les oppositions municipales lui ont opposé un front commun – de circonstance – en ne validant pas les options budgétaires retenues par la majorité.
Jérôme Safar – outre ses remarques sur l’endettement – lui reproche d’avoir privilégié une présentation financière et technique du budget pour éviter soigneusement les échanges sur ses choix politiques. Une manipulation des données, selon l’élu, visant deux objectifs : « inquiéter à outrance les Grenoblois ainsi que le personnel municipal et laisser entendre que la municipalité n’a pas le choix de ses arbitrages ».
Le président de groupe pose la question : « Quelles sont vos grandes priorités et à qui s’adressent-elles ? » Et de pourfendre : « Votre absence de priorités politiques ne peut pas vous amener à construire un budget lisible. Finalement, ce que vous préparez ce sont des lendemains qui déchantent […] et une perte de confiance dans l’action et les politiques publiques. »
Matthieu Chamussy, habitué aux longue diatribes, ne s’est pas privé de tancer, lui aussi, l’équipe municipale.
Tout y est passé, des pertes de recettes – qu’il estime à 7 millions d’euros sur la mandature – aux dépenses de fonctionnement, en passant par la Fête des tuiles, qu’il qualifiera de « kermesse à 3 millions d’euros à l’échelle du mandat ». Concernant les difficultés financières que rencontre la Ville, l’élu à son idée. « Ce problème financier que vous dénoncez, c’est vous, c’est votre politique. Et on comprend pourquoi vous y allez fort sur la communication. C’est parce qu’il vous faut détourner l’attention ! », tonne l’élu.
Alain Breuil, toujours féru de chiffres, introduit quant à lui la suspicion d’illégalité sur le remboursement de la dette. « Nous devons rembourser le capital de notre dette par des ressources propres. Quand nous raclons les fonds de tiroirs […], nous arrivons péniblement à 22,7 millions d’euros pour rembourser 28,3 millions de capital de dette. En d’autres termes, nous allons emprunter pour rembourser du capital, ce qui est strictement interdit », explique-t-il. « Nous empruntons pour rembourser des emprunts. En français de tous les jours, cela s’appelle de la cavalerie… »
Joël Kermabon
À lire aussi sur Place Gre’net :
Grenoble : les agents mobilisés pour la hausse du budget du personnel