La frontière est un concept vieux comme le néolithique. C’est lors de la grande mutation qui l’a fait passer du mode cueilleur nomade au mode cultivateur sédentaire que l’homme a inventé, par nécessité, le concept de la propriété terrienne. Par la suite et en toute logique, l’histoire rapporte la naissance de la frontière. Puis de l’écriture permettant la prééminence du droit, du notariat, du cadastre etc. Il y a cinq ou six mille ans, le mental humain venait de créer le premier objet virtuel territorial.
La frontière est née de cette maladie post néolithique dénoncée par les Indiens nord-américains : la terre n’appartient pas à l’homme, mais l’homme appartient à la terre. La frontière, c’est la cicatrice de la blessure primordiale : moi. Une absolue incompréhension. Un paradoxe de l’intelligence. Le monde n’a pas le choix et il lui faut vivre la division, la séparation. Et donc les frontières et les guerres associées.
De l’autre coté de la frontière, il y a l’inconnu, l’étranger. Dans le monde, il y a beaucoup de frontières et donc beaucoup d’étrangers. En fait, dans le monde, il n’y a que des étrangers, des goys, des gadjos. Les assiégés, les prisonniers, les exilés le savent : ici-bas, au ras du sol, la frontière est toute puissante. Elle décide de tout. Elle a même parfois droit de vie et de mort.
La frontière est un ensemble vide qui unit ou qui sépare deux espaces, c’est selon le regard. Elle n’est qu’une ligne, une démarcation arbitraire, un espace de non-vie, un volume zéro. On pourrait dire un espace pour les nuls. Voire même un non-espace. L’espace du néant, purement logique et virtuel. Seul l’espace connaît l’espace.
L’enfant s’appelle Genèse. Il brise l’idée même de la frontière, ouvre au paradis de l’espérance. Il se fonde, se construit sur ce qui advient, l’Avent. Le nouveau né, l’Avent, est un espace créatif. Lieu de l’ultime, de l’accomplissement, de la réalisation. L’Avent, c’est le lieu où je ne suis ni moi ni l’autre, le lieu qui voit et le pile et le face en expérience directe. C’est le seul lieu possible d’acceptation de la différence, de la non-identification. Ainsi l’artiste, tout à la fois passeur et passé, traverseur et traversé, guetteur et guetté, veilleur et veillé qui embrasse du même regard les deux rives du fleuve.
La ligne et le travers,
Le droit et le courbe,
L’avant et l’après,
L’âpre et le fluide,
Le haut et le bas,
Le beau et le laid,
Le maladroit et le malagauche,
L’intérieur et l’extérieur,
Le dedans et le dehors,
Le jour et la nuit,
Le toi et le moi,
Le sain et le malade,
Le masculin et le féminin,
Le Samsara et le Nirvana.
« N’ayez jamais peur de la vie, n’ayez jamais peur de l’aventure, faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d’autres espaces, d’autres espérances. Le reste vous sera donné de surcroît. » Henry de Monfreid
André Weill