© Mobilisation contre la loi Santé, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

Les méde­cins vent debout contre la loi santé… “pour leurs patients”

Les méde­cins vent debout contre la loi santé… “pour leurs patients”

FOCUS – Plusieurs syn­di­cats de méde­cins libé­raux appe­laient à une jour­née de reven­di­ca­tion “santé morte”, ce ven­dredi 13 novembre. En ligne de mire : la pré­sen­ta­tion en deuxième lec­ture à l’Assemblée natio­nale de la loi santé le 16 novembre pro­chain. Tour d’ho­ri­zon des mesures et de leurs impacts redou­tés sur les pro­fes­sion­nels de santé et leurs patients.

Mobilisation contre la loi Santé, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

Mobilisation contre la loi Santé, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon – pla​ce​gre​net​.fr

Médecins géné­ra­listes, spé­cia­listes, chi­rur­giens, mais aussi infir­mières et auxi­liaires médi­caux libé­raux… Ils étaient une soixan­taine de repré­sen­tants de la méde­cine libé­rale à s’être ras­sem­blés, ce ven­dredi 13 novembre au matin, devant la pré­fec­ture de l’Isère, à Grenoble. Comme un peu par­tout en France, ces pro­fes­sion­nels de santé enten­daient pro­tes­ter contre le pro­jet de Marisol Touraine, ministre de la Santé, texte éla­boré selon eux « sans véri­table concer­ta­tion ». Un mou­ve­ment fai­sant suite aux pré­cé­dentes mani­fes­ta­tions à Paris, en mars 2015, à la veille de la pre­mière lec­ture à l’Assemblée nationale.

Cabinets fer­més, opé­ra­tions annu­lées dans les éta­blis­se­ments pri­vés, urgences redi­ri­gées vers l’hô­pi­tal public : tout était fait pour don­ner un aperçu aux Français de ce qui se pas­se­rait après la mise en appli­ca­tion de la loi santé gou­ver­ne­men­tale. Sur la place de Verdun, les mani­fes­tants avaient sorti les bal­lons noirs, un cer­cueil, mais aussi des pan­cartes Black Friday (ven­dredi noir) pour signi­fier un arrêt des soins.

Que défendent-ils ? La « liberté de choix de soi­gner et être soi­gné », leur « indé­pen­dance pro­fes­sion­nelle », ainsi que « le droit au secret médi­cal des patients ». Et ces der­niers de dénon­cer un « code de déon­to­lo­gie bafoué à chaque article de cette loi ».

Vers l’é­mer­gence d’une « méde­cine low cost » ?

Si le tiers payant géné­ra­lisé (TPG) d’ici 2017 a été la mesure la plus média­ti­sée, elle n’est pas la seule à être pro­blé­ma­tique selon les mani­fes­tants, qui s’in­quiètent de ses consé­quences sur le par­cours de soin et la liberté de choix des patients. Le dan­ger selon eux ? Rien moins que « la mise à mort de la méde­cine libé­rale » et l’é­mer­gence d’une « méde­cine low cost ».

Mobilisation contre la loi Santé, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

© Black Friday, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon – pla​ce​gre​net​.fr

Les pro­fes­sion­nels libé­raux l’af­firment, l’a­van­cée sociale annon­cée par le gou­ver­ne­ment au tra­vers de la géné­ra­li­sa­tion du tiers payant est un leurre. « Vous men­tez lorsque vous par­lez d’accès aux soins faci­lité », affir­mait déjà le doc­teur Jérôme Marty, pré­sident du syn­di­cat de l’Union fran­çaise pour une méde­cine libre (UFML), dans une lettre ouverte adres­sée à Marisol Touraine en février 2015. « Votre loi ouvre la porte au désen­ga­ge­ment de la Sécurité sociale, à l’entrée de la méde­cine dans les réseaux de soin fer­més, et des patients dans un sys­tème contraint pré­paré par la loi Leroux ». Une loi qui per­met aux mutuelles de mettre en place leurs propres réseaux de soin.

Mobilisation contre la loi Santé, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

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Le risque pointé par les mani­fes­tants, avec la mise en place du TPG ? L’opacification du sys­tème de rem­bour­se­ment des frais médi­caux, dans la mesure où les patients ne sau­ront plus qui paie quoi.

Une mesure qui faci­li­te­rait un glis­se­ment pro­gres­sif du rem­bour­se­ment pris en charge par le régime d’as­su­rance mala­die obli­ga­toire vers celui des orga­nismes com­plé­men­taires. Ni plus ni moins qu”« une pri­va­ti­sa­tion du sys­tème de santé ».

De plus, le pro­jet de la nou­velle loi santé consti­tue­rait un moyen de pres­sion sur les pra­ti­ciens et les patients. D’abord par le ren­for­ce­ment des leviers de pres­sion des finan­ceurs. Les pro­fes­sion­nels de santé – qui seraient rému­né­rés direc­te­ment par les orga­nismes finan­ceurs (assu­rance mala­die et mutuelles) – devien­draient entiè­re­ment dépen­dants de ces der­niers et pas­se­raient, par là-même, sous le joug de direc­tives natio­nales ou pri­vées, avec de pos­sibles sanc­tions en cas de non-respect.

A l’i­mage de ce qui est déjà fait pour les soins optiques et den­taires, cela serait éga­le­ment la porte ouverte à la contrac­tua­li­sa­tion des méde­cins pour leur faire inté­grer un réseau de soin. De même, ils entre­voient la faci­lité de pres­sion afin de bais­ser les coûts des pres­ta­tions au détri­ment de leur qualité.

La fin de la liberté de choix de son praticien ?

Côté patients, les pro­fes­sion­nels alertent : avec la loi santé, c’en est fini de leur liberté de choix concer­nant leur par­cours santé. « Il est à craindre que, pour être rem­boursé, chaque patient devra consul­ter dans un centre affi­lié à sa mutuelle sous peine de se voir moins ou non rem­boursé », redoute un méde­cin libéral.

 Mobilisation contre la loi Santé, place de Verdun à Grenoble, le 13 novembre 2015. © Joël Kermabon - placegrenet.fr

© Joël Kermabon – pla​ce​gre​net​.fr

Les pro­fes­sion­nels dénoncent d’ailleurs, en paral­lèle, l’o­bli­ga­tion pour tous les sala­riés de sous­crire à la mutuelle de leur employeur à par­tir du 1er jan­vier 2016. Sous cou­vert d’ac­cès pour tous aux com­plé­men­taires santé et de « jus­tice sociale », cette mesure ren­for­ce­rait, là encore, l’im­plan­ta­tion et l’in­fluence des mutuelles dans le sys­tème de santé fran­çais, avec toutes les dérives possibles.

Outre la ques­tion du tiers-payant, le pro­jet de loi ren­force le pou­voir des Agences régio­nales de santé (ARS). Véritable « bras armé de l’État » selon cer­tains pra­ti­ciens, les ARS auront la mis­sion de cen­tra­li­ser la répar­ti­tion des acti­vi­tés et équi­pe­ments, ainsi que l’or­ga­ni­sa­tion des soins sur l’hô­pi­tal public, « pour des rai­sons bien éloi­gnées de la santé publique ».

L’ARS aurait éga­le­ment tout pou­voir sur les auto­ri­sa­tions et les renou­vel­le­ments d’ac­ti­vité des éta­blis­se­ments pri­vés et publics, l’or­ga­ni­sa­tion de la per­ma­nence des soins et un droit de regard sur l’im­plan­ta­tion géo­gra­phique des jeunes médecins.

La confi­den­tia­lité du dos­sier médi­cal en péril ?

Autre point de dis­corde : la mise en péril du secret médi­cal, avec la créa­tion d’une base patients ; le “dos­sier médi­cal per­son­nel” étant trans­formé en “dos­sier médi­cal par­tagé” (DMP) et pou­vant être acheté à l’Assurance mala­die par des orga­nismes pri­vés. « Dès lors, ce qui était un échange confi­den­tiel entre le patient et son méde­cin trai­tant devient un flux de don­nées plus ou moins sécu­ri­sées, migrant du patient à l’en­semble des acteurs du sys­tème, fussent-ils soi­gnants ou assu­reurs, au tra­vers de sup­ports vir­tuels mais mul­tiples », déplore le pré­sident de l’UFML dans sa lettre ouverte.

Autant de points du pro­jet de loi qui sus­citent l’ire et l’in­quié­tude des pro­fes­sion­nels de santé ainsi que d’une par­tie de leur patien­tèle. Reste à voir si cette démons­tra­tion de force aura l’ef­fet escompté, avant l’exa­men du texte en seconde lec­ture à l’Assemblée natio­nale, à comp­ter de ce lundi 16 novembre.

Delphine Chappaz

DC

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