TROIS QUESTIONS À – Alors que s’ouvre bientôt le Festival international du film nature & environnement organisé par la Frapna, rencontre avec Cyril Dion, co-réalisateur de Demain, en déplacement à Grenoble. Un film-documentaire, projeté en avant-première au Méliès, qui fera l’ouverture de la Cop 21 et sera en salles à compter du 2 décembre prochain.
Demain fait le tour de la Terre pour rencontrer des acteurs d’un « autre monde », autour des questions liées à l’agriculture, l’énergie, l’économie, la politique et l’éducation. Des citoyens, des entreprises ou des municipalités qui ont choisi d’agir autrement et tentent de recréer une harmonie avec l’environnement ou de replacer l’humain au cœur du système.
Place Gre’net : De l’appel au financement participatif via la plateforme KissKissBankBank aux rencontres autour du monde, comment est né ce film ?
Cyril Dion : J’avais commencé à écrire ce film il y a cinq ans, suite au film de Coline Serreau Solutions locales pour un désordre global, auquel j’ai collaboré. J’avais envie d’aller plus loin, de montrer une autre vision du monde positive et aspirante qui ne soit pas seulement cantonnée à l’agriculture, comme c’est le cas de ce film.
Pendant plusieurs années, j’ai écrit tout en cherchant les bons partenaires, jusqu’à ce que je propose à Mélanie de faire le film avec moi. Nous avons travaillé avec le producteur de la plupart de ses films et décidé de lancer le financement participatif, qui a fonctionné au-delà de toutes nos espérances !
On voulait lever 200.000 euros en deux mois. On en a obtenu 450.000, ce qui est je crois un record pour le financement d’un documentaire sur cette plateforme.
Quant aux personnes qui apparaissent dans le film, je les connaissais grâce à l’ONG Colibris que j’ai cofondée il y a huit ans avec Pierre Rabhi, et qui travaille sur toutes ces questions. J’ai également créé une collection de livres, Le Domaine du possible, chez Actes Sud. C’était donc mon activité quotidienne de rencontrer des gens qui font des choses formidables, et le problème a surtout été de les choisir et de les mettre bout à bout dans une histoire la plus cohérente possible.
Les films qui traitent d’environnement sont généralement très anxiogènes. Pour Demain, on a le sentiment que vous avez essayé de faire un film qui interpelle et dénonce en utilisant la grammaire d’un feel-good movie…
On a effectivement utilisé la grammaire d’un feel-good movie et d’un road-movie, mais nous n’avons pas seulement voulu interpeller : nous avons voulu donner de l’énergie aux gens. C’est vraiment ma conclusion de toutes ces années passées à travailler sur ces questions : expliquer que cela va mal ne donne pas d’énergie. Or, si on a vingt ans pour réagir, on a besoin que tout le monde soit dans un perspective d’action et de créativité ! Pour mettre les spectateurs dans cet état-là, nous avons cherché à faire le film le plus pédagogique possible, mais qui soit aussi agréable à regarder et fasse vivre des émotions. Un vrai film de cinéma.
Il y avait une volonté esthétique qui s’inscrivait dans cette démarche. Toute l’équipe du film, en-dehors de moi, travaille plus volontiers sur des films de fiction. Il y avait une qualité et une exigence cinématographiques très importantes pour nous, que cela soit dans l’image, dans le son, dans le montage, etc.
Le film montre beaucoup d’initiatives, beaucoup d’engagements. Mais la multiplicité des témoignages ne risque-t-elle pas de ne toucher que les « convertis », sans donner aux autres les pistes ou les manières concrètes de s’engager ?
Il y a là deux questions. La première, c’est comment faire en sorte que les personnes qui ne sont pas “converties” aillent voir le film. Et pour cela, nous avons un distributeur qui joue le jeu de façon extraordinaire et va sortir le film sur plus de deux-cents copies, ce qui est énorme pour un documentaire. Nous avons également beaucoup de propositions de médias nationaux, éloignés des publics militants que l’on a l’habitude de toucher avec ce genre de films. On va faire un spécial du magazine Elle, on s’apprête à passer dans l’émission de Michel Drucker, peut-être celle de Laurent Ruquier… On sait que l’on va toucher des publics souvent loin de ces sujets.
Et l’on voit en parallèle des réactions très surprenantes du public dans les salles. Le bouche à oreille commence à se faire de manière assez impressionnante. Les salles sont pleines partout où l’on va. On a l’impression que le public est de plus en plus prêt à entendre ces choses-là, de plus en plus en demande. Qu’il y a un ras-le-bol des mauvaises nouvelles ou des « infos catastrophes » qui poussent les gens vers ce type de films. Et ce type d’interrogations.
Ensuite, nous avons mis en place un système sur le site Internet du film qui permet aux personnes qui l’ont vu de passer à l’action, via des initiatives très graduelles. On leur propose des actions individuelles à travers ce qu’ils peuvent faire dans leur vie de tous les jours, ce qu’ils mangent, ce qu’ils achètent, etc. On leur propose également des choses beaucoup plus collectives, des projets qu’ils peuvent mener sur le territoire, avec des petits modes d’emploi que nous avions élaboré avec Colibris. Et on leur propose des actions « politiques », sur les grands sujets qui nous semblent importants à traiter collectivement dans les années qui viennent, en les mettant en lien avec des acteurs déjà engagés dans ces combats-là.
Propos recueillis par Florent Mathieu
Festival du film nature et environnement : le « Cabaret Frapna »
Encre végétale, papier recyclé, le tout imprimé par l’Imprimerie Notre-Dame de Grenoble : le programme du festival international du film nature & environnement donne à lui seul le ton et l’esprit.
Organisé par la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (Frapna), ce festival 100 % écolo se déroulera du 26 au 28 novembre 2015 au cinéma Le Méliès.
Si Demain ouvre précocement le bal le 30 octobre, les amoureux de la nature pourront également en apprendre plus, par exemple, sur la Discrète chevêchette grâce au documentaire de Yoann Périé, ou assister en avant-première à la projection du film d’animation Tout en haut du monde de Rémi Chayé.
Rencontres, spectacles de clowns, improvisation ou chanteurs d’oiseaux seront également au programme des trois denses journées de ce festival qui fêtera cette année sa 29e édition.